américaine
Daniel Brush : A la recherche du temps présent
Mise à jour du 29 novembre 2022 : Daniel Brush (1947-2022)
Daniel Brush, Cuffs and Necks
En 31 octobre 2017, L'Ecole des Arts Joailliers présentait dans ses murs deux importantes séries de bijoux, des manchettes et des colliers ras-de-cou, ainsi que quatre objets d'art et quelques peintures, réalisés par l'artiste Daniel Brush. Une première exposition en France pour cet artiste étonnant, méconnu en France mais célébré depuis une dizaine d'années déjà aux Etats-Unis.
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"Cuffs"
"Cuffs" ce sont soixante-douze bracelets-manchettes martelés en acier. L'exposition en présente soixante-dix modèles. Réalisées durant trois années sur un format identique, les manchettes sont gravées de thèmes divers, à l'image de l' "endless spiral of confusion" qui anime l'artiste.
Sujets animaliers, formes géométriques, abstractions aux lignes ondoyantes côtoient des modèles aux mots provocateurs, humoristiques, symboliques. Certaines manchettes sont serties de pierres précieuses (diamants, rubis, une est ornée d'un saphir), d'autres pas. Cette série ne présente pas d'ordre séquentiel de lecture. Clin d’œil ou hommage à Irving Penn, Daniel Brush a réalisé une série de photographies avec ces manchettes inspirée des "corner portraits".
"Necks"
Cent dix-sept colliers ras-de cou, dits aussi colliers de chien, conçus eux aussi en acier et sur un même format. L'exposition en présente soixante-dix-huit.
Contrairement aux bracelets qui sont présentés en tant que pièces individuelles, Cuffs est un ensemble, une création unique; l'oeuvre forme un tout. Ces ras-de-cou sont les réalisations matérielles, les outils, les maillons pourrait-on dire, d'une oeuvre supérieure : le livre Necks.
Necks, livre de poésie d'un artiste, 2013-2015, est né des "songes d'un joaillier", et a présidé à la création des cent dix-sept colliers. Fabriqués au fil du temps, durant quatre années, les ras-de-cou forment chacun une page de l'ouvrage. Ils sont présentés photographiés sur un seul cou, parfois on aperçoit le bas de l'ovale du visage du modèle. Olivia Brush, femme et muse de l'artiste depuis cinquante ans, nous révèle que ce cou délicat appartient à la compagne de Wesley Stringer, le photographe de Necks.
Ce premier contact avec les créations de Daniel Brush surprend. Pourquoi avoir fait tant de déclinaisons abouties d'un même modèle? S'agit-il d'une quête obsessionnelle? D'une recherche de la perfection? D'une volonté farouche de traiter un sujet jusqu'à épuisement, lassitude, ou atteinte de son propre objectif?
Le matériau employé pour ces deux séries, l'acier, étonne également dans un premier temps car ce n'est pas un métal noble, et l'on est peu habitué à le voir en joaillerie. Mais, lorsqu'il est gravé d'une finesse extrême, associé à des pierres précieuses ou à de l'or, l'acier créé de très beaux jeux de lumières. Face à tant de virtuosité dans l'art de graver le métal, on devine alors que ces jeux ne sont aucunement aléatoires mais au contraire ils sont méticuleusement recherchés par l'artiste.
La présentation parisienne de ces quelques oeuvres de Daniel Brush est doublement intéressante en ce qu'elle constitue une découverte en soi, et qu'elle réussit à attiser la curiosité sur les autres oeuvres de Daniel Brush.
L'homme lui-même interroge. Par chance, il était présent lors de l'inauguration pour répondre à quelques questions.
Daniel Brush
Lorsque la presse brosse le portrait de Daniel Brush, tous les qualificatifs les plus louangeurs et dithyrambiques sont employés : incontestablement Brush est un artiste qui fascine, étonne, voire parfois déconcerte. Ainsi, son travail artistique qui couvre plusieurs domaines ne permet pas de le "classer". D'ailleurs l'artiste s'en défend : "I don't want to be categorized".
Né à Cleveland dans l'Ohio en 1947, Daniel Brush sort diplômé d'Arts du Carnegie Institute of Technology de Pittsburgh en 1969. C'est en tant que peintre qu'il se fait d'abord connaitre, puis comme sculpteur. Depuis 1878, il vit installé à New-York, dans un loft "downtown Manhattan" près du flatiron building, avec sa femme Olivia rencontrée alors qu'ils étaient étudiants. Ensemble ils ont un fils, Silla, dont le métier de journaliste financier chez Bloomberg semble susciter une admiration mêlée d'étonnement chez son père!
Daniel Brush s'est tourné vers l'art joaillier dans les années 1980. Créer des bijoux n'était pour lui au départ qu'un "divertissement", une quête "d'insouciance" face aux affres et aux tourments métaphysiques dans lesquels le plongeaient sa peinture et la sculpture, dixit l'artiste en personne.
L'arrivée de petits diamants roses d'Argyle (Australie) sur les marchés diamantaires à partir de 1979 permit aux joailliers des créations plus fantaisies. Emboîtant le pas à Ralph Esmerian, Daniel Brush créa à la fin des années 1980 un épais bracelet-jonc rose en diamants roses et bakélite - une résine synthétique qui durcit de façon permanente après chauffage et moulage. Avec humour et virtuosité, il grava la bakélite de lapins malicieux et orna le sommet du bracelet d'une tête de lapin pavée de diamants roses de différentes teintes pour jouer sur les ombres et lumières du museau et des oreilles. A l'écart des standards habituels de la joaillerie, que ce soit dans l'association de matériaux inusuels, la couleur, rose layette, et la thématique, Daniel Brush entra dans la cour des grands.
Depuis vingt-cinq ans maintenant, Daniel Brush explore différentes voies dans le domaine de la joaillerie. Lorsqu'on lui demande ses sources d'inspirations, il cite tout d'abord sa femme, Olivia, et le théâtre Nô (forme ancienne du théâtre japonais). Vient ensuite la lumière naturelle, des différentes heures de la journée, des mois, des saisons... La lumière est source de contemplation pour Daniel Bush, ce dernier essaie d'en rendre les jeux dans ses oeuvres. L'expression "to take the time" revient régulièrement dans les propos tenus par Brush, il est à la fois un contemplatif et un travailleur acharné. Mais cela ne semble pas être la moindre de ses contradictions!
Les matériaux qui l'inspirent le plus sont l'acier, l'or et les diamants. Les uns faisant ressortir les qualités de réfraction des autres. Détail amusant, les diamants présentés dans l'exposition parisienne proviennent d'Hyderabad. Par relation avec des membres de l'ancienne famille des Nizam, Brush a pu acquérir ces précieux petits diamants historiques de Golconde qui accentuent si fortement l'éclat de l'acier. Olivia Brush porte d'ailleurs en pendentif un superbe diamant ancien taille portrait d'au moins cinq carats. Autre détail très parlant, Daniel Brush collectionne les machines à guillocher, les ciseaux anciens, et des pièces aéronautiques. Les créations de Brush sont ainsi inextricablement liés à son goût pour la technique.
Ce qui frappe à l'entendre parler, c'est de constater à quel point cet homme est passionné par son travail. Il travaille constamment souligne Olivia Brush, d'où la rumeur ou la mythologie de l'artiste vivant reclus dans son loft! Daniel Brush s'est imposé une routine personnelle et des rituels rigoureux qui participent à une certaine forme de méditation, de concentration. Mais il a beaucoup voyagé et a rencontré de nombreux spécialistes notamment des orfèvres qui lui ont enseigné la technique de la granulation dont il fait un usage magistral dans ses objets d'art, ses boîtes avec dôme en particulier.
La conception de la joaillerie chez Daniel Brush est éloignée de celle que l'on en a traditionnellement c'est-à-dire d'un bijou qui pare, qui montre, qui rappelle, qui classe, qui protège... Le bijou en tant qu'oeuvre d'art n'est pas spécialement fait pour être porté, il est là pour être regardé, ressenti. C'est d'ailleurs la définition du collectionneur idéal pour Brush! La collection de colliers Necks en témoigne : elle n'a pas été pensée pour être portée véritablement, et seul un musée pourrait acquérir une oeuvre aussi particulière.
Daniel Brush ne créé que des pièces uniques dont il est le propre commanditaire et l'unique ouvrier. Il n'a pas d'agent, ni d'attaché de presse et expose rarement. S'il est un artiste discret, le National Museum of American Art, Smithsonian Institution de Washington, D.C, et le Museum of Arts and Design de New York, lui ont néanmoins consacré deux expositions, respectivement en 1998 et durant l'hiver 2012-2013.
Mais, Daniel Bush n'en a pas fini de chercher un langage propre, ni de progresser : "Because the more I study, the more I learn, the more I know, the more life says, you don't know anything, dude" in Christie's magazine, nov-dec 2016.
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Daniel Brush à Paris
L'École des Arts Joailliers
31, rue Danielle Casanova - 75001 Paris.
Exposition Daniel Brush "Cuffs and necks" jusqu'au mardi 31 octobre 2017. Entrée libre du lundi au samedi, de 14h à 19h.
La Galerie Parisienne
26, rue Seine - 75006 Paris
Du mardi au samedi de 10h30 à 19h00
Conférence en présence de l'artiste ce Jeudi 19 Octobre 2017 à 20h
à l'Ecole des Arts Joailliers.
Cliquez sur ce lien pour accéder à la réservation.
Le visuel de "une" est un détail de la pièce ci-dessus Scholar's table piece.
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Paula Crevoshay : des couleurs du ciel à celles de la Terre
Le Musée de Minéralogie Mines ParisTech présente, jusqu' au 1er Février 2017, l’exposition "Illuminations - de la Terre au bijou".
Trente-deux créations de l’artiste joaillière Paula Crevoshay sont exposées pour la première fois en France à côté de spectaculaires minéraux bruts issus de la collection du Musée, l'idée étant de souligner le lien entre les minéraux et les objets manufacturés.
Ceux qui ne connaissent pas encore les collections du musée des Mines ParisTech doivent savoir qu'elles comptent parmi les plus complètes et spectaculaires du monde.
En effet, ces collections renferment quelques 100 000 échantillons, dont 4 000 sont présentés en vitrine, ce qui correspond à environ 2 900 espèces minérales. Le lieu lui-même est historique puisque situé dans un ancien hôtel particulier du XVIIIème siècle, l'Hôtel de Vendôme. Les pièces en enfilade du musée ainsi que son mobilier (meubles et vitrines en chêne de Hongrie) ont été conservés dans la configuration des années 1850-1856.
L'exposition des bijoux se trouve dans le salon central du musée.
Qui est Paula Crevoshay?
Elle compte parmi les joaillières indépendantes les plus talentueuses d'aujourd'hui. Paula Crevoshay a lancé sa première collection de bijoux aux Etats-Unis en 1983. Sa notoriété n'a cessé de croître depuis.
Elle ne crée que des pièces uniques, le plus souvent massives, qu'elle dessine et dont elle suit chaque étape de la réalisation. Elle travaille avec de nombreux ateliers répartis dans le monde : A Albuquerque, où elle vit, à Miami, à New-York, à Hong Kong... Cela lui permet de produire une centaine de bijoux par an. Quant à ses fournisseurs de gemmes, ils viennent du monde entier.
Paula Crevoshay utilise un grand nombre de gemmes issues du sol américain comme les saphirs du Montana, la turquoise du Nevada, les opales d'Oregon, les tourmalines de Pala en Californie. Elle a pour projet d'en faire une une exposition qui s'intitulera "Mines of my country". Peintre de formation, elle a fait de la joaillerie son mode d'expression et des gemmes sa palette.
Paula Crevoshay a vécu en Inde dans sa jeunesse et a été marquée par la spiritualité qu'elle y a découvert, teintée de mystique. Elle a été marquée également par les techniques ancestrales joaillières qui y sont toujours pratiquées. Son travail de création s'appuie sur l'admiration démesurée pour une Nature source de toute beauté et génératrice d'espoir.
Paula Crevoshay est originale, habitée, optimiste. Elle n'appartient pas à cette école d'artistes torturés qui travaillent dans la douleur, au contraire. Elle dit comprendre le langage des pierres, ressentir ce qu'une gemme veut devenir. Elle estime avoir suivi "ce pour quoi elle se savait faite depuis son plus jeune âge", à savoir la voie artistique, son "own unic path". Ce chemin lui a réussi : certains de ces bijoux sont aujourd'hui exposés dans les collections du Smithsonian Institution à Washington, au Carnegie Museum of Natural History à Pittsburgh en Pennsylvanie, ainsi qu'au GIA de New-York et de Carlsbad en Californie.
La signature Crevoshay : de la couleur, des gemmes inhabituelles et un travail sur les jeux de lumières
Paula Crevoshay est "la reine de la couleur", pour reprendre une expression qu'elle affectionne. Toutes ses créations joaillières l'attestent. Ses gemmes de prédilection ? "Toutes!" répond-elle spontanément. Puis, elle évoque deux espèces minérales : la tourmaline qu'on appelle aussi la "pierre arc-en-ciel" et l'opale réputée pour ses jeux de couleur et ses reflets irisés.
Les bijoux Crevoshay sont pour la grande majorité montés sur un chaleureux or jaune 18 carats.
Ses connaissances en gemmologie permettent à Paula Crevoshay de travailler les jeux de lumière sur ses bijoux. L'éclat d'une pierre dépend de son indice de réfraction, c'est-à-dire de sa capacité à réfléchir la lumière. Plus l'indice de réfraction est élevé, plus la pierre brille. Ses bijoux présentent d'intenses contrastes de luminosité qui mettent en valeur les différentes pierres. Cette volonté de donner le primat à la lumière est à l'origine du titre de l'exposition "Illuminations".
Ces boucles d'oreilles font contraster le faible éclat des émeraudes d'un vert profond (n= 1,566 à 1,600) avec la vivacité des tsavorites (n= 1,742 à 1,748) et des brillants (n= 2,42).
Le bijou ci-dessous, à la forme géométrique anguleuse rare chez Crevoshay, est orné en son centre d'une sphalérite (ou Blende) jaune verte, qui est une pierre très fragile mais dont l'éclat (n= 2, 370 à 2,470) est supérieur à celui du diamant (n=2,417). Un pavage de grenats démantoïdes (n= 1,88) vifs contraste avec la douceur des opales (n=1,42 à 1,46) et de l'or mat.
Paula Crevoshay est aussi renommée pour son travail avec des gemmes inhabituelles. Diamants, saphirs et émeraudes sont récurrents dans ses bijoux, mais elle travaille beaucoup avec des pierres moins fréquentes.
Considérons les pierres de couleur bleue : Paula Crevoshay aime la pierre de lune, qu'elle fait tailler en cabochon afin d'en faire ressortir les reflets bleutés (adularescence), la chrysocolle « sœur de la turquoise » (elles possèdent des propriétés relativement similaires) qui, lorsqu'elle est de qualité gemme, présente un meilleur poli et une plus jolie brillance. Elle emploie aussi beaucoup les opales nobles noires de Lightning Ridge (Australie), les très fragiles apatites à la couleur turquoise vive qui rappellent les tourmalines Paraiba, et les cyanites d'un bleu profond telles des saphirs du Cachemire.
Paula Crevoshay puise une grande partie de son inspiration dans les Beaux-Arts. Elle compare les opales à des toiles de Monet, certains de ses bijoux font référence à des courants de l'histoire du bijou, par exemple des formes médiévales, à des pays, l'Inde et la Thaïlande. Elle évoque beaucoup aussi les couleurs de son Nouveau-Mexique, Il est cependant indéniable que c'est la nature qui l'inspire le plus, les papillons (son logo) et les fleurs étant ses leitmotiv favoris.
La serre d'orchidées de Paula Crevoshay
Un dernier mot sur la façon dont procède l'artiste américaine pour créer :
Lorsqu'elle crée un bijou, Paula Crevoshay a coutume de partir d'une pierre centrale. Elle a souci de reproduire au plus près la nature, en particulier les fleurs qu'elle aime. Ses bijoux en forme d'orchidées semblent sortis d'un livre de botanique.
L'orchidée "Eden" ci-dessous, ornée en son centre d'une superbe kunzite rose-mauve, fait figure d'exception pour puisque le dessin avait été réalisé sans que la pierre n'ait été encore trouvée. Elle a été rachetée à un vendeur de Hong-Kong qui l'avait déjà lui-même revendue, puis l'a rachetée et refait tailler en goutte, taille particulièrement rare.
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Paula Crevoshay
c/o Mellika Co. Inc.
PO Box 16593
Albuquerque, New Mexico 87191 USA
info@crevoshay.com
Musée de Minéralogie MINES ParisTech
60 boulevard Saint-Michel,
75006 Paris
Ouvert : Mardi - vendredi : 13h30 - 18h
Samedi : 10h - 12h30 et 14h - 17h
Livre Illuminations, Earth to Jewel, by Paula Crevoshay (Author), Christopher Chavez (Author), Didier Nectoux (Foreword), Martin Bell (Introduction)
Et si vous êtes tentés par un bijou Crevoshay, je vous recommande ce site 1stdibs
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Photo en une "La fenêtre de Monet", Opale boulder, apatites et diamants montés sur or jaune.
Crédit photo des bijoux@Crevoshay
Crédit photo des minéraux@musée des Mines Paristech
Iris Apfel : les partis pris d'une excentrique
"Iris Apfel débarque à Paris"
A l'occasion de la Fashion Week parisienne qui se déroulera du 2 au 9 mars 2016, Iris Apfel a prêté au Bon Marché Rive Gauche quelques-unes des tenues excentriques qui ont fait sa renommée.
Une occasion de découvrir cette légende de la mode new-yorkaise, aujourd'hui nonagénaire.
Iris Apfel in "Iris". Photo courtesy of Magnolia Pictures
Iris Apfel
Née le 29 août 1921, Iris a épousé Carl Apfel en 1948. Ensemble, ils ont créé en 1950 la Old World Weaver, une entreprise de textile de luxe spécialisée en tissus anciens et reproduction de tissus anciens. Des années durant, ils parcoururent le monde à la recherche d'objets rares et décorèrent des maisons prestigieuses. Ils se sont notamment occupé sous neuf présidences du réaménagement de la Maison Blanche - de Truman à Clinton !
En septembre 2005, The Costume Institute au sein du Metropolitan Museum of Art consacra une exposition à la garde-robe d'Iris intitulée :
"Rara Avis : Selections from the Iris Apfel Collection". Ce surnom "d'oiseau rare" lui est depuis resté. Depuis cette consécration tardive, Iris Apfel mène une vie plus active que jamais. Elle apparaît dans le dernier documentaire que lui consacre le maître du genre, Robert Maysles, elle a créé des collections de bijoux, donné des dizaines interviews...
Iris Apfel a fait de son look sa marque de fabrique : elle porte des vêtements originaux et colorés associant pièces de couture et pièces chinées, de grosses lunettes rondes surdimensionnées et une accumulation de très gros bijoux, le plus souvent fantaisie.
Je préfère la camelote aux vrais bijoux
Autrefois, personnages royaux, femmes de la cour et courtisanes portaient des parures complètes ; les maharajas se paraient richement il y a un siècle encore, mais cette accumulation de bijoux et de richesse n'a plus cours aujourd'hui. Les femmes portent rarement plusieurs grosses pièces de joaillerie, même de fantaisie - on porte un, deux bijoux tout au plus : une bague cocktail, un grand sautoir ou des boucles d'oreilles. Iris, elle, se distingue par l'accumulation de strates de colliers, de bracelets, de broches, parfois à la limite du possible compte-tenu de sa frêle silhouette.
Iris avoue préférer les bijoux fantaisie à la haute-joaillerie : "Diamond necklaces don't appeal to me at all", dit-elle (les colliers de diamants ne m'attirent pas du tout). Une pierre précieuse fait exception : l'émeraude, pierre qu'Iris qualifie d' "imparfaite" en raison des nombreux "jardins" qui la composent.
Elle trouve qu'il y a plus de bijoux intéressants dans la bijouterie fantaisie car les créateurs peuvent prendre des risques, risques qui sont moins souvent encourus par les maisons de joaillerie avec des pierres de forte valeur... Ainsi, conclut-elle en faisant tinter ses bracelets en bakélite: "les pièces classiques qui dureront très longtemps, je trouve cela ennuyeux!" .
Ses bijoux de prédilection restent le plus souvent en pierres naturelles, ornementales ou organiques : ainsi l'ambre, le corail, l'ivoire, la nacre. Mais ce qu'Iris Apfel préfère, ce sont les gros galets de turquoises brutes parcourues de longues veines qu'elle porte en sautoir ou tour de cou.
Rodin avait coutume de dire que ce qu’il y a de plus beau qu’une belle chose, c’est la ruine d’une belle chose : une sentence qu'Iris Apfel a fait sienne notamment pour expliquer son goût prononcé pour les bijoux "vintage". Aussi, ce qui touche Iris, ce sont les bijoux qui ont une histoire et racontent une histoire : elle a réuni dans sa collection personnelle un très bel ensemble d'artefacts amérindiens.
Récemment, Iris Apfel déclarait à Nathan Heller dans une longue interview à Vogue ne plus acheter de vêtements (parfois quelques accessoires) mais rester acheteuse compulsive de bijoux : "The only thing I buy now is jewelry". Les bijoux seuls ont ce pouvoir de transformer une tenue. Avec un vêtement élégant, Iris porte des colliers ethniques, des rangs de turquoises amérindiennes ou bien un collier composé de grosses boules de métal chinoises pour casser le côté trop apprêté. A l'inverse, lorsqu'elle porte un de ces jeans qu'elle affectionne, elle l'accessoirise de bijoux plus sophistiqués.
Icône de la mode, grande admiratrice des créateurs, Iris cultive aussi son franc-parler : elle ose critiquer l'uniformisation de la mode, le manque d'imagination de certains créateurs, la mauvaise qualité des coupes et des matériaux - mais aussi le conformisme des femmes qui arborent toute la même tenue... Il faut espérer qu'au-delà de son style et de ses goûts singuliers, les fortes leçons d'Iris sur la société et la mode soient entendues !
Pour aller plus loin
Jusqu'au 16 avril, il sera possible de voir dans les vitrines du Bon Marché dix tenues qui ponctuent la " journée parfaite " passée par Iris Apfel à Paris : aux puces, à l'Opéra, sur les bateaux-mouches, en terrasse... Une collection capsule a été réalisée à cette occasion par le Bon Marché, sous la houlette d'Iris. On y trouve son sac fétiche, des lunettes de soleil XXl, un mug, des carnets... et surtout un long sautoir de perles de céramiques émaillées, en rouge, gris ou noir signé Marion Vidal ainsi que quatre bracelets déclinés dans les mêmes teintes par Luc Kieffer .
Exposition "Iris in Paris"
Le Bon Marché Rive Gauche
Vitrines rue de Sèvres et galerie du rez-de-chaussée
24, rue de Sèvres. 75007 Paris.
www.lebonmarche.com
Marion Vidal
www.marionvidal.com
Luc Kieffer
www.luckieffer.fr
Iris, film documentaire que lui a consacré Albert Maysles en 2015.
Rare Bird of Fashion: The Irreverent Iris Apfel
de Eric Boman, 2007. (Livre en Anglais)
The Metropolitan Museum of Art
1000 Fifth Avenue (at 82nd Street), New York, NY 10028.
http://www.metmuseum.org
A regarder absolument : la nouvelle publicité de la DS 3 !!!
Les bijoux Navajos
Historique
La pratique de l’ornementation est très ancienne parmi les tribus indiennes et en particulier chez les Navajos. Le travail de l’argent est toutefois apparu au XIXe siècle, donc assez tardivement : les techniques proviennent d’artisans mexicains et ont été d’abord appliquées en fondant ensemble des pièces de dollar et des pesos mexicains.
Le véritable commencement de l’artisanat de l’argent et des turquoises remonte à 1863-1868. Pendant cette période, les Navajos furent parqués par les autorités américaines à Fort Sumner, la forteresse située près de Bosque Redondo, pour assurer la sécurité des nouveaux arrivants. La situation humaine et sanitaire dans ces camps était désastreuse. Privés de leurs moyens de subsistance habituelle, les Navajos recevaient des jetons métalliques pour les rations alimentaires.
Il y avait à Fort Sumner des maréchaux-ferrants pour apprendre aux hommes à travailler le métal. Les Navajos ont vite fabriqué des faux jetons d’alimentation…et appris à travailler le métal.
Ils furent renvoyés vers leurs terres en 1868 où ils développèrent ce nouvel artisanat.
Culture et style
Les Navajos adorent les bijoux et les portent dans la vie quotidienne. L’achat de bijoux en turquoise représente un investissement pour les Navajo eux-mêmes, et même si aujourd’hui les pierres sont souvent importées (cela se voit en fonction du prix du bijou) leur bijoux restent des bijoux authentiques. Les Navajos utilisent parfois les boutiques de prêt-sur-gage qui leur servent en quelque sorte de « coffre », et reprennent leurs bijoux pour les grandes occasions.
Les Navajos sont dans la réciprocité, l’échange de cadeaux. Celui qui offre reçoit aussi un présent. Il y a donc une grande circulation de bijoux au sein de la Nation.
Lorsqu’on parle de bijoux amérindiens, cela recouvre principalement trois types de bijoux, trois peuples voisins géographiquement mais différents.
Le style Navajo se distingue du style Hopi et du style Zuni.
Les Navajos sont les principaux fabricants de bijoux amérindiens. Lorsqu’ un bijou est en argent massif (sterling silver, argent le plus pur à 925/1000) avec de grosses pierres, il y a de fortes chances qu'il soit Navajo.
S’il s’agit d’un bijou serti de petites pierres, en mosaïque ou cloisonnées, on peut croire que le travail est Zuni.
Si le bijou est tout en argent, travaillé en superposition (technique de recouvrement appelée « overlay » par opposition à « inlay » technique d’incrustation des pierres), avec la partie inférieure oxydée, noircie, afin de faire ressortir le décor, peut-être est-ce un travail Hopi.
Généralement, les artistes Zuni et Navajo signent des initiales de leur prénom et nom leur œuvre au dos. Les artistes Hopi généralement utilisent un symbole, comme un flocon de neige ou un soleil par exemple, pour signer leur travail.
Ces bijoux sont artisanaux, autant produits pour les Navajos eux-mêmes que destinés à la vente pour les touristes. Ils sont dans l’ensemble réalisés par des hommes, même s’ils sont parfois aidés de leur femme. Les femmes, elles, sont plutôt spécialisées dans le tissage.
Il y a des lois fédérales et tribales pour protéger les bijoux. Dans les réserves, les bijoux sont authentiques – sinon, ils peuvent venir d’Inde, des Philippines…
Les colliers « squash blossom »
Les Navajos se sont inspirés des Hopi et des Zuni, mais leurs colliers squash blossom sont inspirés eux du style arabe : la conquête espagnole a en effet importé sur le continent américain les influences mauresques dont l’art espagnol est très empreint.
Introduit vers 1880, ce collier appelé « fleur de courge » est en réalité une représentation symbolique de la grenade. Et le « Naja », cette forme en croissant de lune inversé, décorait les têtières dont les Maures revêtaient leurs chevaux pour se protéger du mauvais œil.
Aujourd’hui, c’est encore un dessin omniprésent dans ce type de parure.
American Indian Art
Collier de turquoise Zuni
Nouveau Mexique, USA, circa 1890
Argent, turquoise, cordelette de coton
31 x 5,5 cm
photo © C.Houard
Magnifique collier finement serti de nombreuses turquoises. De chaque côté, cinq pièces incrustées (ornées de “fleurs de courge”) s’intercalent avec des grosses perles d’argent (en série de quatre). Le pendentif en croissant, appelé “NAJA” , arbore un très beau cordage d’argent.
American Indian Art
Collier Navajo Squash Blossom (fleurs de courge)
Arizona et Nouveau-Mexique, USA, circa 1920 - 30
Argent, chaîne, turquoises
31 x 5,5 cm
photo © C.Houard
Beau collier d’homme Navajo arborant un pendentif (Naja) de style Mauresque (espagnol et mexicain), ornée de trois turquoises. Le bijou est paré, de chaque côté, de huit pendant en fleurs de courge (Squash Blossom).
Lee A.Yazzie, 2012, Lone Turquoise Mountain et argent.
photo © C.Houard
« La pièce parfaite » de l’artiste qui révèle sa maîtrise des « inlays » (incrustrations) et reprend les principaux motifs chers aux navajos : les demi-rosettes, les conchos, les nuages et la pluie.
Les bagues
American Indian Art. Grande bague de turquoise Navajo. Arizona et Nouveau-Mexique, USA, circa 1900. Argent, turquoises. 5 cm
photo © C.Houard
Superbe bague au sertissage complexe et très finement ciselé. Beau cordage d’argent.
American Indian Art. Bague de turquoise Navajo. Arizona et Nouveau-Mexique, USA, circa 1910 - 15. Argent, turquoises. 2,8 cm
photo © C.Houard
Beau travail de sertissage. Très élégante ornementation du pourtour.
Les « concho belt »
Un nouvel exemple de brassage de divers apports : ceintures des indiens des plaines et travail sur métal des colons espagnols.
Technique navajo du « repoussé », dessin en relief sur la surface arrière.
Les Boucles de ceinture
Lee A.Yazzie, 2000. Lone Moutain Turquoise et argent.
photo © C.Houard
Les bolo tie
L’accessoire typique du « far west » !
Sun face bolo. Raymond C.Yazzie, 2013. Lone Moutain Turquoise, or 14 carats et argent.
photo © C.Houard
Les bracelets
American Indian Art. Bracelet de turquoises Zuni (29 pièces). Nouveau-Mexique, USA, circa 1900. Argent, turquoises. 7 x 4,5 cm
photo © C.Houard
Elégant et complexe bracelet richement orné de turquoises “larmes du désert”. Beaux cordages d’argent.
Les normes des bijoux améridiens
La turquoise de qualité gemme étant rare, les pierres sont souvent soumises à divers traitements, améliorations et embellissement dans un but commercial : imprégnation de résine de synthèse, ou de cire, addition de colorants… Surtout, se méfier des « turquoises stabilisées », des « turquoises traitées » et des « turquoises reconstituées ».
Les imitations aussi sont nombreuses: en verre ou en plastique, en pierre teintée en bleu comme la howlite ou en pierre naturelle comme avec la variscite, la pectolite bleue ou larimar, ou l’amazonite !
C’est pourquoi, le très réputé marché indien de Santa Fe demande à ses artistes de respecter des normes strictes dans la création des produits « labélisés » amérindiens :
- Les composants non-indiens ou produits manufacturés ne sont pas autorisés.
- Les « Strung beads » où l'artiste n'a pas fait les perles ne sont pas autorisés, sauf dans les bijoux qui contiennent des composants réutilisés et où les composantes commerciales ne représentent pas plus de 50% de la pièce.
- Aucune pierre polie à la main importée ou non-indienne, aucune perle en coquillage ne peuvent être utilisés.
- Sont interdits les matières synthétiques, fabriquées en laboratoire, reconstituées ou compressées, ou en plastique.
- Sont interdites les pierres colorées – cela inclut aussi le Corail rouge irradié, l’éponge corail, le corail bambou ou l’Opale.
Le marché du bijou Navajo
S’il existe des négociants privés assurant la revente des bijoux Navajos, des lots sont régulièrement mis sur le marché, ce qui permet de se faire une idée de la cote des bijoux en question. Deux ventes significatives ont eu lieu en 2014 et en avril 2015 sous les auspices de Maîtres Tessier et Sarrou.
INDIENS DES PLAINES
Vendredi 4 avril 2014
Drouot Richelieu
American indian art ; Collection Martine Dérumaux (Dont objets de la Mission Paul COZE de 1930 )
ARCHIVES PAUL COZE - WAKANDA
Vendredi 10 avril 2015.
Drouot-Richelieu
Collection Daniel Dubois.
Peintre, illustrateur, ethnologue et écrivain français, Paul Coze a été un des principaux artisans de la renaissance culturelle et artistique du peuple indien.
Où acheter des bijoux amérindiens ?
Harpo
19, rue de Turbigo - 75002 Paris
Dédiée au sud-ouest américain, la boutique présente bijoux, décorations et d'objets divers ainsi que quelques pièces uniques ou en séries limitées signées d’artistes renommés.
Navajo Arts and Crafts Enterprise
Depuis 1941, la Navajo Arts and Crafts Enterprise, dite NACE, présente divers produits de fabrication artisanale de haute qualité dont un vaste choix de bijoux contemporains, faits à la main par des orfèvres et artisans lapidaires amérindiens présentés sur le site.
Le magasin a déménagé de Fort Wingate, Nouveau-Mexique à Window Rock en Arizona -Capitale de la Nation Navajo et a ouvert de nombreuses boutiques dans l’Etat.
N8tiveArts
Erick Begay
1311 Nevada Hwy
Boulder City, NV 89005
Une collection de bijoux réalisés à la main par des artistes amérindiens et sélectionnée par Erick Begay, maître orfèvre qui a remporté de nombreux prix, y compris une 1ère place au marché indien de Santa Fe
Southwestern Association for Indian Arts, Inc. (SWAIA)
PO Box 969
Santa Fe, NM 87504-0969
Il y a 93 ans, s’ouvrait le plus grand et le plus prestigieux des marchés des arts autochtones: le marché indien de Santa Fe. Cet événement culturel majeur a lieu chaque année durant le troisième week-end d’août. Plus de 1100 artistes autochtones du Canada et des États-Unis vendent leurs œuvres. Qualité et authenticité sont les maîtres mots de ce marché indien de Santa Fe.
Expositions & musées
Exposition à la Galerie Catherine Houard
La Galerie présente 80 objets (hutte apache, gilet sioux perlé, sac iroquois…), bijoux (collier turquoise navajo…) et œuvres d’art datant de la fin du XIXe et du début du XXe siècle sont exposés. Une grande partie provient de la collection Paul Coze.
15 rue Saint-Benoît 75006 PARIS – jusqu’au 9 janvier – www.catherinehouard.com
Musée du Nouveau Monde à La Rochelle
Le MNM est une institution entièrement tournée vers les cultures amérindiennes et dont les expositions sont d’un grand intérêt.
• Du 01 Février 2012 au 31 Août 2019 se tient l’Exposition virtuelle E. S. Curtis, collection photographique du musée du Nouveau Monde : http://www.alienor.org/publications/curtis/
En 1981, le musée du Nouveau Monde de La Rochelle a procédé à l'acquisition de 267 héliogravures du photographe américain Edward Sheriff Curtis. Ces tirages sont issus de l'ambitieux projet intitulé The North American Indian, œuvre d'une vie couvrant l'étude de plus de 80 tribus amérindiennes sur toute la moitié ouest de l'Amérique du Nord.
Cette somme documentaire envisagée par Edward S. Curtis comme une mémoire écrite et pérenne de peuples menacés de disparition porte aussi la marque de son auteur par ses partis pris esthétiques et son regard. Cette exposition virtuelle donne accès à la consultation de la totalité de la collection rochelaise numérisée tout en évoquant l'aventure de ce vaste projet (en temps, moyens et distances parcourues).
• Et aussi, l’exposition Les Fils de Grand Corbeau : indiens de la Côte Nord-Ouest, du 11 décembre 2015 au 13 juin 2016.
Musée du Nouveau Monde
10, rue Fleuriau
17000 LA ROCHELLE
www.facebook.com/mah17000
http://www.larochelle-tourisme.com/a-voir-a-faire/decouvrir-la-rochelle/musees/123309-musee-du-nouveau-monde
• The National Museum of the American’s Indian George Gustav Heye Center à New-York
Est présentée jusqu’au 10 janvier 2016 l’exposition “Glittering world : Navajo Jewelry of the Yazzie Family”.
Une centaine de bijoux réalisés par plusieurs membres de la talentueuse famille Yazzie, issue de la ville de Gallup (Nouveau-Mexique) montre l’étroite corrélation entre culture Navajo et création contemporaine.
http://www.nmai.si.edu/explore/exhibitions/item/?id=890
Bibliographie
Marie-Claude Strigler, maître de conférences à l’Université Paris-III, est la spécialiste française la plus reconnue de la culture navajo. Parmi ses ouvrages signalons :
La Nation Navajo, tradition et développement, L’Harmattan, 2000.
La médecine navajo, Indigène éditions, 2001.
Parlons navajo, mythes, langue et culture, L’Harmattan, 2002.
Etre indien dans les Amériques (avec Christian Gros), Editions de l'Institut des Amériques, 2006.
Moi, Sam Begay homme-médecine navajo, Ed. Indiens de tous pays, Mars 2010
Lois Sherr Dubin, Glittering World, Navajo jewelry of the Yazzie family, Smithsonian book, 2014
René Thevenin/Paul Coze Moeurs et histoire des Indiens d’Amérique du Nord, Petite bibliothèque Payot, avril 2006
Je recommande aussi vivement le superbe reportage d'Yves Gellie dans Magazine GEO de janvier 2016, numéro 443 : "Enquête sur la Nation Navajo", ainsi que la vidéo "La Nation Navajo : un Etat dans un Etat" .
Remerciements
Marie Duffour, Galerie Catherine Houard
Annick Notter Conservatrice générale, Directrice des musées d’art et d’histoire de La Rochelle, Ainsi que Violetta Giraldos, MNM
Marie-Claude Strigler
Joshua Stevens, Public Affairs Specialist, Smithsonian’s National Museum of the American Indian, George Gustav Heye Center
Poursuivez ce thème avec la lecture de La Turquoise et La Nation Navajo
La turquoise
La turquoise possède à la fois une dimension sacrée et économique pour les peuples indiens. Sa couleur bleu, symbole du ciel et de l’eau, est un élément central dans les prières traditionnelles navajo pour la pluie. Les Navajos s’offrent aussi des turquoises les uns aux autres pour exprimer parenté et amitié.
Aspects minéralogiques.
La Turquoise du sud-ouest américain prédomine dans les bijoux Navajos. Les bijoutiers et maîtres-artisans ont accès aux turquoises de haute qualité grâce à des réseaux de revendeurs, mais aussi en retravaillant des pierres anciennes.
La turquoise est issue des ressources minières des territoires amérindiens.
Les dépôts de turquoise exposés dans les mines de l'Arizona le sont par de grandes sociétés minières, tandis que la plupart des mines de turquoises du Nevada, du Nouveau-Mexique et du Colorado sont détenues et exploitées par des individus et des familles.
La turquoise est un phosphate de cuivre et d’aluminium hydraté; les couleurs bleue et verte sont déterminées par la teneur en cuivre.
Elle est généralement cryptocristalline. On la trouve sous la forme de masses, nodules, ou veinules, très rarement sous forme de cristaux.
Les mines de turquoise.
Il y a trois grandes régions productrices de turquoises dans le monde, toutes situées dans des paysages arides :
- en Iran, provenance légendaire des plus belles turquoises
- au nord-ouest de la Chine
- et dans le sud-ouest américain.
Une turquoise naturelle de bonne couleur et de dureté suffisante pour être taillée et polie (environ 5-6 sur l’échelle de Mohs) est rare et très recherchée. La turquoise se décline en plusieurs variations de couleurs suivant les mines:
Par exemple, comparons trois mines situées dans le Nevada :
- Les turquoises de la mine de Blue Gem ont une couleur qui varie du bleu intense au vert foncé,
- Celles du Lander Blue (considérées parmi les plus précieuses dans le monde) sont d’une couleur de bleu moyen à bleu foncé et recouvertes d'une matrice en « toile d'araignée » noire
- Celles de Lone Mountain réputées pour leur teinte bleue claire profonde, peuvent tout de même varier du bleu clair au bleu-verdâtre foncé !
Certaines mines ont été complètement épuisées et les pierres brutes provenant de ces mines sont maintenant extrêmement précieuses.
Le National Museum of American Indian a publié cette liste des emplacements, présentés par ordre alphabétique, des mines de turquoises les plus importantes du sud-ouest américain :
Bisbee (Arizona)
Blue Gem (Nevada)
Fox (Nevada)
Blue Diamond (Nevada)
Carico Lake (Nevada)
Castle Dome, or Sleeping Beauty (Arizona)
Cerrillos (New Mexico)
Darling Darlene (Nevada)
Kingman (Arizona)
Lander Blue (Nevada)
Lone Mountain (Nevada)
Manassa (Colorado)
Montezuma (Nevada)
Morenci (Arizona)
Number 8 (Nevada)
New Lander (Nevada)
Royal Web (Nevada)
Royston (Nevada)
Santa Rita (New Mexico)
Tiffany Mountain (Arizona)
Villa Grove (Colorado)
Cet article se poursuit avec La Nation Navajo, Les bijoux des indiens Navajo et Pour aller plus loin
La Nation Navajo
Our jewelry has sacred meaning for us traditionally. It is a shield of protection [and] a respectful way to entice prosperity. Therefore, to be a jeweler, and to be among the best jewelers like the Yazzies, is an important honor, because our jewelry creates positive power, which to the wearer is a blessing.
Pour nous, les bijoux ont traditionnellement une signification sacrée. C’est un bouclier de protection [et] une manière respectueuse d’attirer la prospérité. Par conséquent, être bijoutier, et être parmi les meilleurs comme la famille Yazzie, est un honneur important, parce que nos bijoux créent une puissance positive, ce qui est une bénédiction pour celui qui les porte.
Manuelito Wheeler, Director, Navajo Nation Museum
Les Etats-Unis comptent aujourd’hui encore environ 40 millions de citoyens “autochtones”.
Ils sont répartis en de nombreuses tribus : Amuesha, Hopi, Inuit, Iroquois, Navajo, Sioux, Pueblos… Ces tribus sont la survivance des peuplades indiennes qui habitaient les futurs Etats-Unis au moment de l’arrivée des colons.
Histoire d’une nation.
Les Navajos à l’origine étaient un ensemble de bandes vivant au Nord-Ouest du Continent avant de s’organiser en tribus. Ils sont arrivés dans le Sud-Ouest entre les XIIIème et XVIème siècles. Rapidement ils ont été en contact avec les Pueblos, marqués par la conquête espagnole, et qui les ont influencés en de nombreux domaines : religieux, spirituel, artistique …
La violence et la ségrégation dont ils firent l’objet de la part des conquérants s’accentuèrent à partir de 1848, commencement de la ruée vers l’or, qui amena des populations nouvelles dans les Grandes Plaines et surtout dans l’Ouest des Etats-Unis : des territoires entiers furent alors captés par les chercheurs d’or et les populations indiennes qui y vivaient furent déracinées ou tuées.
La Nation Navajo occupe aujourd’hui environ le quart de l’Etat d’Arizona, en particulier au Nord-Est. Son territoire occupe également une partie sud-est de l’Utah, nord-ouest du Nouveau Mexique, sud-ouest du Colorado. Avec 250 000 personnes réparties sur 27000 miles carrés, la nation Navajo, qui inclut les Hopi, est la plus importante population indienne d’Amérique du Nord. C’est en 1969 que le conseil tribal décida que la tribu Navajo deviendrait « Nation » Navajo afin de marquer l’identité entre leur territoire et leur culture.
Le territoire de la Nation Navajo recouvre quelques-uns des sites les plus célèbres et impressionnants de l’Ouest américain. Il comprend notamment une large partie du Grand Canyon et inclut la fameuse Monument Valley : le territoire des Navajos est le décor des westerns de John Ford.
La Nation Navajo vit dans une certaine pauvreté, tiraillée entre la vie américaine moderne des « malls » et des villes-champignons, et le respect de leurs traditions culturelles. Leur territoire est marqué par l’exploitation minière, notamment du charbon (la Peabody Coal Mining Company est très active), et par l’économie des casinos.
C’est dans cet entre-deux économique et culturel que les Navajos perpétuent leurs croyances.
La religion navajo.
La religion des indiens Navajos est fondée sur l’idée que le monde comporte deux dimensions : celle des êtres de la terre (Earth People) et celle des êtres sacrés (Holy People). Notre monde est le « monde brillant de lumière et de soleil » (glittering world of light and sun) que nous ont accordés les êtres sacrés, qui vivent eux dans la brume et l’obscurité. L’harmonie et l’équilibre sont fondamentaux dans ce monde duel.
Le nombre d’or de la Nation Navajo caractérisant ces équilibres cosmologiques est le 4. Il se retrouve dans tous les segments de la vie des Navajos.
C’est d’abord le 4 des quatre monts sacrés délimitant le territoire Navajo : le Mont Blanca à l’est, le mont Taylor au Sud, le mont San Francisco au Sud, le mont Hespérus au nord. A ces quatre montagnes qui sont aussi quatre directions correspondent quatre matières : white shell (coquille blanche) pour le Mt Blanca, yellow abalon (haliotis jaune) pour le Mt San Francisco, jet black (jais noir) pour le Mt Hesperus, et turquoise pour le Mt Taylor. La cosmologie navajo repose aussi sur les quatre saisons, quatre clans, quatre couleurs… Cela s’exprime à travers pas moins de 50 cérémoniels qui rythment la vie et dont la durée varie de quelques heures à 9 jours.
Au cœur de cette cosmologie, la turquoise a un rôle particulier : elle est gage de bonté et de paix.
Cet article se poursuit avec La Turquoise, Les bijoux des indiens Navajo et Pour aller plus loin
Crédit photo ©Archives Paul Coze