Les bijoux Navajos
Historique.
La pratique de l’ornementation est très ancienne parmi les tribus indiennes et en particulier chez les Navajos. Le travail de l’argent est toutefois apparu au XIXe siècle, donc assez tardivement : les techniques proviennent d’artisans mexicains et ont été d’abord appliquées en fondant ensemble des pièces de dollar et des pesos mexicains.
Le véritable commencement de l’artisanat de l’argent et des turquoises remonte à 1863-1868. Pendant cette période, les Navajos furent parqués par les autorités américaines à Fort Sumner, la forteresse située près de Bosque Redondo, pour assurer la sécurité des nouveaux arrivants. La situation humaine et sanitaire dans ces camps était désastreuse. Privés de leurs moyens de subsistance habituelle, les Navajos recevaient des jetons métalliques pour les rations alimentaires.
Il y avait à Fort Sumner des maréchaux-ferrants pour apprendre aux hommes à travailler le métal. Les Navajos ont vite fabriqué des faux jetons d’alimentation…et appris à travailler le métal.
Ils furent renvoyés vers leurs terres en 1868 où ils développèrent ce nouvel artisanat.
Culture et style.
Les Navajos adorent les bijoux et les portent dans la vie quotidienne. L’achat de bijoux en turquoise représente un investissement pour les Navajo eux-mêmes, et même si aujourd’hui les pierres sont souvent importées (cela se voit en fonction du prix du bijou) leur bijoux restent des bijoux authentiques. Les Navajos utilisent parfois les boutiques de prêt-sur-gage qui leur servent en quelque sorte de « coffre », et reprennent leurs bijoux pour les grandes occasions.
Les Navajos sont dans la réciprocité, l’échange de cadeaux. Celui qui offre reçoit aussi un présent. Il y a donc une grande circulation de bijoux au sein de la Nation.
Lorsqu’on parle de bijoux amérindiens, cela recouvre principalement trois types de bijoux, trois peuples voisins géographiquement mais différents.
Le style Navajo se distingue du style Hopi et du style Zuni.
Les Navajos sont les principaux fabricants de bijoux amérindiens. Lorsqu’ un bijou est en argent massif (sterling silver, argent le plus pur à 925/1000) avec de grosses pierres, il y a de fortes chances qu’il soit Navajo.
S’il s’agit d’un bijou serti de petites pierres, en mosaïque ou cloisonnées, on peut croire que le travail est Zuni.
Si le bijou est tout en argent, travaillé en superposition (technique de recouvrement appelée « overlay » par opposition à « inlay » technique d’incrustation des pierres), avec la partie inférieure oxydée, noircie, afin de faire ressortir le décor, peut-être est-ce un travail Hopi.
Généralement, les artistes Zuni et Navajo signent des initiales de leur prénom et nom leur œuvre au dos. Les artistes Hopi généralement utilisent un symbole, comme un flocon de neige ou un soleil par exemple, pour signer leur travail.
Ces bijoux sont artisanaux, autant produits pour les Navajos eux-mêmes que destinés à la vente pour les touristes. Ils sont dans l’ensemble réalisés par des hommes, même s’ils sont parfois aidés de leur femme. Les femmes, elles, sont plutôt spécialisées dans le tissage.
Il y a des lois fédérales et tribales pour protéger les bijoux. Dans les réserves, les bijoux sont authentiques – sinon, ils peuvent venir d’Inde, des Philippines…
Les colliers « squash blossom »
Les Navajos se sont inspirés des Hopi et des Zuni, mais leurs colliers squash blossom sont inspirés eux du style arabe : la conquête espagnole a en effet importé sur le continent américain les influences mauresques dont l’art espagnol est très empreint.
Introduit vers 1880, ce collier appelé « fleur de courge » est en réalité une représentation symbolique de la grenade. Et le « Naja », cette forme en croissant de lune inversé, décorait les têtières dont les Maures revêtaient leurs chevaux pour se protéger du mauvais œil.
Aujourd’hui, c’est encore un dessin omniprésent dans ce type de parure.
photo © C.Houard
American Indian Art
Collier de turquoise Zuni
Nouveau Mexique, USA, circa 1890
Argent, turquoise, cordelette de coton
31 x 5,5 cm
Magnifique collier finement serti de nombreuses turquoises. De chaque côté, cinq pièces incrustées (ornées de “fleurs de courge”) s’intercalent avec des grosses perles d’argent (en série de quatre). Le pendentif en croissant, appelé “NAJA” , arbore un très beau cordage d’argent.
photo © C.Houard
American Indian Art
Collier Navajo Squash Blossom (fleurs de courge)
Arizona et Nouveau-Mexique, USA, circa 1920 – 30
Argent, chaîne, turquoises
31 x 5,5 cm
Beau collier d’homme Navajo arborant un pendentif (Naja) de style Mauresque (espagnol et mexicain), ornée de trois turquoises. Le bijou est paré, de chaque côté, de huit pendant en fleurs de courge (Squash Blossom).
photo © C.Houard
Lee A.Yazzie, 2012, Lone Turquoise Mountain et argent.
« La pièce parfaite » de l’artiste qui révèle sa maîtrise des « inlays » (incrustrations) et reprend les principaux motifs chers aux navajos : les demi-rosettes, les conchos, les nuages et la pluie.
Les bagues
photo © C.Houard
American Indian Art. Grande bague de turquoise Navajo. Arizona et Nouveau-Mexique, USA, circa 1900. Argent, turquoises. 5 cm
Superbe bague au sertissage complexe et très finement ciselé. Beau cordage d’argent.
photo © C.Houard
American Indian Art. Bague de turquoise Navajo. Arizona et Nouveau-Mexique, USA, circa 1910 – 15. Argent, turquoises. 2,8 cm
Beau travail de sertissage. Très élégante ornementation du pourtour.
Les « concho belt »
Un nouvel exemple de brassage de divers apports : ceintures des indiens des plaines et travail sur métal des colons espagnols.
Technique navajo du « repoussé », dessin en relief sur la surface arrière.
photo © C.Houard
photo © C.Houard
Les Boucles de ceinture
photo © C.Houard
Lee A.Yazzie, 2000. Lone Moutain Turquoise et argent.
Les bolo tie
L’accessoire typique du « far west » !
photo © C.Houard
Sun face bolo. Raymond C.Yazzie, 2013. Lone Moutain Turquoise, or 14 carats et argent.
Les bracelets
photo © C.Houard
American Indian Art. Bracelet de turquoises Zuni (29 pièces). Nouveau-Mexique, USA, circa 1900. Argent, turquoises. 7 x 4,5 cm
Elégant et complexe bracelet richement orné de turquoises “larmes du désert”. Beaux cordages d’argent.
Les normes des bijoux améridiens
La turquoise de qualité gemme étant rare, les pierres sont souvent soumises à divers traitements, améliorations et embellissement dans un but commercial : imprégnation de résine de synthèse, ou de cire, addition de colorants… Surtout, se méfier des « turquoises stabilisées », des « turquoises traitées » et des « turquoises reconstituées ».
Les imitations aussi sont nombreuses: en verre ou en plastique, en pierre teintée en bleu comme la howlite ou en pierre naturelle comme avec la variscite, la pectolite bleue ou larimar, ou l’amazonite !
C’est pourquoi, le très réputé marché indien de Santa Fe demande à ses artistes de respecter des normes strictes dans la création des produits « labélisés » amérindiens :
- Les composants non-indiens ou produits manufacturés ne sont pas autorisés.
- Les « Strung beads » où l’artiste n’a pas fait les perles ne sont pas autorisés, sauf dans les bijoux qui contiennent des composants réutilisés et où les composantes commerciales ne représentent pas plus de 50% de la pièce.
- Aucune pierre polie à la main importée ou non-indienne, aucune perle en coquillage ne peuvent être utilisés.
- Sont interdits les matières synthétiques, fabriquées en laboratoire, reconstituées ou compressées, ou en plastique.
- Sont interdites les pierres colorées – cela inclut aussi le Corail rouge irradié, l’éponge corail, le corail bambou ou l’Opale.
Le marché du bijou Navajo
S’il existe des négociants privés assurant la revente des bijoux Navajos, des lots sont régulièrement mis sur le marché, ce qui permet de se faire une idée de la cote des bijoux en question. Deux ventes significatives ont eu lieu en 2014 et en avril 2015 sous les auspices de Maîtres Tessier et Sarrou.
INDIENS DES PLAINES
Vendredi 4 avril 2014
Drouot Richelieu
American indian art ; Collection Martine Dérumaux (Dont objets de la Mission Paul COZE de 1930 )
ARCHIVES PAUL COZE – WAKANDA
Vendredi 10 avril 2015.
Drouot-Richelieu
Collection Daniel Dubois.
Peintre, illustrateur, ethnologue et écrivain français, Paul Coze a été un des principaux artisans de la renaissance culturelle et artistique du peuple indien.
Cet article se poursuit avec la lecture de La Turquoise, La Nation Navajo et Pour aller plus loin