Ventes aux enchères

Suzanne Belperron : le parcours d’une créatrice en cinq bijoux

L’ensemble formé par les lots 59 à 63 du catalogue de la prochaine vente de bijoux de la Maison Aguttes ne peut qu’arrêter l’œil des passionnés de joaillerie. Il s’agit de cinq bijoux non signés dont le style pourtant est immédiatement reconnaissable.

Le bleu indigo, les jaunes d’or, le vert émeraude, les roses éclatants ; les jeux de contraste entre les matières ; le lustre satiné de perles fines associées à la translucidité mate de l’agate ; les proportions parfaites des bijoux ; les motifs et les formes emblématiques – quoique fort variés : tout cela signale l’impressionnante inventivité et le charme inépuisable d’une créatrice qui ne jugea jamais utile de signer ses créations joaillières, Suzanne Belperron (1900-1983).

Les pièces présentées lors de cette vente ont comme particularité d’évoquer chacune un chapitre de la vie de Suzanne Belperron. Créées entre 1935 et 1973, elles jalonnent en effet quarante années de création joaillière qui virent Suzanne Belperron expérimenter, approfondir, se renouveler sans cesse.

Pour mémoire, c’est en mars 1919 que Suzanne Belperron débuta sa carrière en tant que modéliste-dessinatrice chez René Boivin. A l’aube de ses vingt-trois ans, en 1924, elle avait été nommée codirectrice de cette Maison. Elle la quitta non sans un certain fracas en mars 1932 pour devenir « directrice artistique et technique exclusive, unique et reconnue » de la maison Herz, aux côtés de Bernard Herz (1877-1943), négociant parisien en perles fines et pierres précieuses, Pygmalion de cette jeune créatrice dont il avait perçu l’originalité. En collaboration avec le lapidaire Adrien Louart (1890-1989) et l’atelier Groëné et Darde (puis Darde et fils à partir de 1955, et Darde et Cie entre 1970 à 1974), Suzanne Belperron se lança alors à corps perdu dans la création de bijoux d’avant-garde : elle conférait à ses bijoux un caractère puissant, fait d’audace et de sensualité, qui leur valut d’être bientôt recherchés des collectionneuses et fins connaisseurs en joaillerie. Le décès de la créatrice en 1983 mit un terme temporaire à ce succès, mais son travail fut rapidement redécouvert et n’a depuis jamais cessé d’être célébré.

 

Bracelet « Perles fines » (lot 62)

Bracelet en perles fines et agate, monture métal (alliage d'or).
L. du bracelet : 17 cm env. Dim.fermoir : 2.75 x 2.6 cm env - Pb. : 38.7 gr

Créé dans les années Trente, ce bracelet délicat, formé de six rangs de perles fines de forme légèrement baroque offre un doux camaïeu de blanc, crème et brun, dans un style qui renvoie aux bijoux du XIXe siècle, mais qu’un fermoir en agate blonde sculptée inscrit indubitablement dans la modernité. Une « idée de génie », selon Olivier Baroin, expert de Suzanne Belperron. Si le talent de l’artiste est encore en maturation à cette époque, l’affirmation d’un style vibre déjà dans cette pièce.

De forme rectangulaire, l’agate, gemme parmi les plus prisées de Suzanne Belperron, taillée en sept gradins surmontés d’une ligne de six perles fines très homogènes reflète le style de son temps : sans avoir jamais épousé à la lettre la vogue de l’Art déco, Suzanne Belperron a su en jouer subtilement.

Ce bijou paraît pour la première fois en vente publique.

 

Clip « Fleur » (lot 59)

 

Clip «Fleur» en citrines, diamants jaunes, rubis et émeraudes gravées. Haut. : 5.8 cm - Pb. : 26.9 gr.
Accompagné d'un rapport d'identification du Laboratoire Français de Gemmologie.

Ce clip atteste la « coloriste hors-pair » qu’était Suzanne Belperron . Il traduit sans conteste l’épanouissement personnel et artistique de la créatrice durant les années d’avant-guerre. Trois rangs circulaires de baguettes de citrines rayonnent en corolle autour d’un rubis central taillé en cabochon. Deux anneaux de diamants taille ancienne de couleur jaune « fancy vivid » et « fancy intense » au dégradé de teintes minutieusement sélectionné par l’artiste couronnent cette fleur, qui semble cueillie dans le jardin onirique de l’Alice de Lewis Carroll.

L’experte de la vente, Philippine Dupré la Tour, compte ce clip parmi les bijoux les plus marquants qu’elle ait rencontrés  : « son design très moderne et la perfection de ses proportions me subjugue. Il s’agit d’une pièce importante dans l’œuvre Belperron ». Le poinçon de maître Groëné et Darde, date ce bijou des années Quarante : ce n’est que très récemment qu’il a pu être attribué à Suzanne Belperron par Olivier Baroin, mais l’on ignore encore qui en fut la destinataire.

 

Bague « Tourbillon » (lot 63)

Bague «Tourbillon» formée d'un rubis sur une monture en quartz rose godronné. Td. : 45 - Pb. : 10 gr. Restauration.

 

Cette bague en quartz rose godronnée, ornée d’un rubis, fut exécutée en 1940 par Adrien Louart. C’est un dessin que l’on retrouve décliné dans d’autres matières précieuses dans l’œuvre de la créatrice. D’esprit fantaisiste, cette pièce atteste le goût prononcé de la créatrice pour les volutes, les formes rondes, organiques, sensuelles et sculptées, que la couleur du bijou ici allège et rend aériennes.

 

 

De ce bijou fait d’insouciance et de douceur, la créatrice parlait avec humour et affection : « C’est un bonbon », disait-elle. Il contraste avec les sombres années d’Occupation qui suivirent : emprisonné, Bernard Herz, l’associé, l’ami, l’âme-sœur et l’amant de Suzanne Belperron meurt à Drancy au cours de l’hiver 1943. La créatrice tomba alors dans un profond désespoir, et pendant trois ans, nous apprennent ses lettres, vécut les rideaux tirés.

 

Broche « Bouquet de ballons » (lot 61)

 

Broche «bouquet de ballons» en saphirs roses et or jaune 18K (750) Dim. : 5.2 x 5 cm env.- Pb. : 27 gr

Ce bijou arrive pour la première fois sur le marché des enchères. Créé en 1952 et insculpé du poinçon de maître Groené & Darde, cette broche présente un subtil dégradé ton sur ton, caractéristique de la palette Belperron, avec ses treize saphirs roses de Ceylan qui capturent la lumière avec intensité. En apparence d’une grande simplicité, cette broche frappe par la finesse poétique de sa composition et le rayonnement immédiat de cette efflorescence colorée. Elle fait irrésistiblement songer à la petite fille hissée sur la pointe des pieds de la flying balloons girl de Banksy retenant un bouquet de ballons.

Ce bijou est d’un style tout à fait à part dans l’œuvre joaillière de Suzanne Belperron.

 

Bague « Dôme » (Lot 60)

Bague «Dôme» composée d'un saphir sur pavage de rubis et or jaune 18K (750)
Poids du saphir : 19.15 carats selon extrait d'archives Belperron
Td. : 52 - Pb. : 14.7 gr

Les archives indiquent que cette bague fut commandée en octobre 1973, peu avant que Suzanne Belperron et son associé Jean Herz, qui avait pris la suite de son père Bernard, ne dissolvent à l’amiable leur société Herz-Belperron. Âgée alors de soixante-treize ans, Suzanne Belperron continuait de travailler tous les jours.

Les couleurs et le dessin de ce bijou appartiennent au répertoire bien identifiable de la créatrice. Olivier Baroin confirme qu’il existe différentes variations de cette bague boule « très Belperron » mais aucune d’entre elles n’est jamais absolument identique aux autres. Le bleu céleste et froid du saphir de Ceylan de 19.15 ct contraste avec le pavage ardent des rubis birmans, comme si les gemmes se rehaussaient mutuellement.

Cette bague « Dôme » apparaît aussi pour la première fois en vente publique.

 

Il est rare que soit présenté à la vente un ensemble qui raconte l’histoire d’un parcours si fécond. Il traduit un demi-siècle de recherches et d’audaces, et dessine le portrait en creux d’une créatrice que l’on ne finit jamais de découvrir.

Suzanne Belperron. Archives Olivier Baroin.

 

A noter que chaque lot est accompagné d'un certificat de Monsieur Olivier Baroin attestant qu'il s'agit d'une création de Suzanne Belperron.

Crédits photos @Aguttes

 

Informations pratiques : 

Aguttes

164 bis Avenue Charles de Gaulle
92200 Neuilly-sur-Seine
Directeur du département Bijoux et Perles fines
Philippine Dupré la Tour
duprelatour@aguttes.com
+33 1 41 92 06 42

Exposition sur rendez-vous :

Jusqu’au lundi 8 mars +33 (0)1 41 92 06 47

Exposition publique :

Mardi 9 et mercredi 10 mars : 10h-13h et 14h-18h

Jeudi 11 mars : 10h-12h

Vente aux enchères : 

jeudi 11 mars 2021 à 14h30

La Golconde

9, Place de la Madeleine
Galerie de la Madeleine
75008 Paris
Tél. +33 1 40 07 15 69

 


Suzanne Belperron and Aimée de Heeren: a friendship, a necklace, a rediscovery

Pour lire cet article en français, veuillez cliquer sur ce lien 

Recently, the market has seen a brief reappearance of a necklace by Suzanne Belperron which we had long lost track of. The experts looked at this piece with respect and admiration - and in particular the most famous of them Olivier Baroin, who was kind enough to share his impressions with us and unearth for us the too-often forgotten Aimée de Heeren, a dear friend of Suzanne Belperron, and also a great customer who dreamed of owning this necklace.

Suzanne Belperron at her desk, circa 1945. Olivier Baroin Archives

“It is an exceptional piece, from a private European collection, which I had never seen other than in a photograph carefully kept in the personal archives by the designer herself”, explains Olivier Baroin, expert for Suzanne Belperron and keeper of the designer’s own archives. “This necklace is without a doubt not a unique piece, it is one of those that was created at the end of the 1930’s and then reproduced by the designer over decades”. How many of these necklaces might exist? Difficult to be certain according to the expert…” Other pieces will probably resurface onto the market once this one has been revealed to both the press and the public. I cannot imagine that a piece of jewelry such as this would have been taken apart when handed down to any heirs: the esthetic of this necklace, itself a true work of art, supersedes in this instance its intrinsic value.”

Designed as a partially articulated collar composed of two conical motifs suspending five curved bands, set in alternation with cushion-shaped diamonds, inner circumference approximately 370mm, French assay marks for 18 carat gold (750/00), gross weight approximately 132.30 grams, some restoration. The five curved bands are articulated, and the maker’s mark is located at their center, on the second curved gold band. There is only a trace of this maker’s mark present - when it was struck, it slipped, and only one end of the lozenge-shaped mark was reproduced. The expert Olivier Baroin located the end of this lozenge, and within it the word ‘Sté’ (short for ‘société‘, which is roughly the equivalent of ’Ltd.’ in English company names). He recognized it as a mark for the makers Groené et Darde, meaning that the piece was manufactured for Suzanne Belperron between 1942 and 1955. Accompanied by a certificate of authenticity from Monsieur Olivier Baroin. Cf.: Sylvie Raulet & Olivier Baroin, Suzanne Belperron, Paris, 2011, p. 211, For an image of an identical necklace.

Influenced by the growing interest in African art that was enthusiastically collected by French artists at the start of the 20thcentury, Suzanne Belperron designed this signature necklace at the end of the 1930’s. The below drawing depicts a more slender variation of the necklace to be sold this Spring; although in this example, twisted strand of gold and diamonds, a characteristic of Belperron’s style, have replaced the gold studs.

Gouache, project for a necklace, bracelets and earrings “Africains”, yellow gold, platinum and diamonds. Archives Olivier Baroin. see: Sylvie Raulet and Olivier Baroin, Suzanne Belperron, Paris, 2011, P. 210.

We find an identical example of the necklace being offered sale in two adverts published in 1948, one in Femina, the other in Vogue, for Maison Herz-Belperron, as seen in the illustration below.

Advertisement in Vogue 1948, countersigned by the designer herself. @Archives Olivier Baroin

This necklace captivated many of the celebrities who followed the designers of their time very closely and in doing so had great influence on their reputations. Among those influential celebrities, Aimée de Heeren was one of the most important.

Aimée de Sá Sottomaior wearing a dress by Christian Dior, at the time designer for Robert Piguet, in the spring of 1939 at the reception of Lady Mendl’s (Elsie de Wolfe) Circus Ball at the Villa Trianon. From the exhibition Elegance in the Age of Crisis, Fashion of the 1930’s. This exhibition included a certain number of pieces of couture clothing that had once belonged to Aimée. @By The Museum at FIT, NYC.

Aimée de Heeren (circa 1903-2006), ravishing socialite of Brazilian origin famous for her beauty, her originality, her taste and her elegance, had an exceptional collection of jewelry (it is said that the Duke of Westminster, at the same time that he was Coco Chanel’s lover, gave Aimée gifts of jewelry that had once belonged to the Empress Eugénie). In December 2007, the New York Times paid homage to her with these words: “when she died last year at 103, Aimee de Heeren — of New York; Palm Beach, Fla.; Paris; and Biarritz, France — became one more lost link to an earlier age of social grace and high society".

Aimée Rodman de Heeren and her daughter Christina in Biarritz. Aimée remarried in 1941. Her husband, Rodman Arturo de Heeren was heir to the Wanamaker department store fortune. @Getty images. Henry Clarke.

Always on the lookout for the talented of her time, Aimée de Heeren was one of Suzanne Belperron’s most important clients. “We can even go so far as to say that she and Suzanne Belperron were friends”, explains Olivier Baroin.

Aimée in 1939 photographed by Horst P. Horst
Suzanne Belperron at her desk at the end of the 1930’s @Archives Olivier Baroin

The importance of their correspondence, now kept in the designer’s personal archives, is testimony to a friendship that went beyond the communication relating to orders for pieces of jewelry.

Aimée de Heeren was a great admirer of the work of Suzanne Belperron. She supported the project for a book on the oeuvre of the jewelry designer, which would have been the crowning achievement of Belperron’s career. It is, in fact, for this project, which would have seen Hans Nadelhoffer as the author, that the designer assembled her order books and memorabilia. It was Aimée de Heeren who gave Suzanne Belperron the equipment with which to record her memoires and offered support for her friend to have an exhibition at New York’s Metropolitan Museum of Art.

A page from Suzanne Belperron’s order book dated November 1970, which shows the number of pieces of jewelry by Belperron owned by Aimée de Heeren! @Archives Olivier Baroin

In the postscript of a letter sent from the Hôtel Meurice (in the beginning of the 1980’s) to her “dear friend”, Aimée de Heeren describes, in no uncertain terms, the African inspired necklace that she had seen years earlier with Bernard Herz, the memory of which had remained amazingly clear: “if while you are going through your drawings, you happen upon one of that wonderful gold necklace with diamonds (of African inspiration?), which had those large gold studs that I had seen at Herz’s in 1939.(…) It was really wonderful. Would you be able to reproduce it? A gold necklace for the evening that is original and not those horrors that one usually sees is so rare”.

Letter from Aimée de Heeren to Suzanne Belperron. @Archives Olivier Baroin

It's moving that the reappearance of this necklace brings to life a whole part of Suzanne Belperron's life and in particular her friendship with Aimée de Heeren, a worldly socialite embodying a past period.

 

Galerie La Golconde - Olivier Baroin
9, Place de la Madeleine. 75008 Paris.
Tel : + 33 (0) 1 40 07 15 69

Suzanne Belperron, Sylvie Raulet et Olivier Baroin,
La Bibliothèque des Arts (version française), 2011.
Antique Collector’s Club (version Anglaise)

Les bijoux de Suzanne Belperron, Patricia Corbett, Ward and Nico Landrigan, Karl Lagerfeld, Thames & Hudson, 2015.

 

 


Le grenat démantoïde, un rayon vert venu de l'Oural

Par Marie-Laure Cassius-Duranton.

EXCEPTIONNELLE COLLECTION DE GRENATS DEMANTOIDES ET ANDRADITES @ Osenat

La vente d’une exceptionnelle collection de grenats démantoïdes de Russie chez Osenat à Fontainebleau le 9 juin prochain est l’occasion de faire découvrir cette gemme prestigieuse peu connue du monde de la joaillerie. La collection consiste en un ensemble de dix-huit gemmes d'un poids total de 22,21 ct, réunies dans un écrin de la fin XIXème ou début XXème siècle.

GRENATS DEMANTOIDES ET ANDRADITES certifiés d’origine russe par le laboratoire GemParis. Les gemmes sont de diverses tailles et sans modification ou traitement observés. Cette collection comprend : quinze grenats démantoïdes de taille ancienne de type coussin, ronde, ovale et poire. Poids individuels : 4,08 - 3,36 - 1,82 - 1,68 - 1,49 - 1,33 - 1,23 - 0,99 - 0,98 - 0,63 - 0,58 - 0,42 - 0,42 - 0,40 - 0,09 carats pour un poids total de 19,55 carats. Et trois grenats andradites de taille ancienne type ronde ou ovale. Poids total : 2,66 carats. Dimensions de l'écrin : 6,5 x 5,2 x 1 cm. Collection présentée dans son écrin rouge, fin XIXe ou début XXe siècle, marqué «Demantoid» et signé «SCHWARZ & STEINER Juweleire Wien Karnthnerstr 10». Provenant d’une famille de gemmologues sur deux générations. Cette collection, estimée entre 30.000 et 50.000 €, fut adjugée tous frais inclus 42 500 €. @Osenat

Sur le marché des gemmes, le démantoïde est le grenat le plus rare et le plus recherché.

Contrairement aux idées reçues, les grenats ne sont pas toujours rouges. Ils existent en fait dans toutes les couleurs et forment un groupe minéral composé de six espèces différentes dans leurs compositions chimiques mais partageant la même structure (isomorphisme)

Le groupe minéral des grenats. Rangée du haut, de gauche à droite: grossulaire ovale jaune de 16,94 ct ; spessartite orange rond de 19,89 ct ;  rhodolite rose foncé de 44,28 ct; pyrope-spessartite taille coussin de 16,99 ct ;  tsavorite taillé en coussin de 7,26 ct. Rangée du bas, de gauche à droite: grossulaire andradite ovale de 8,20 ct; grossulaire jaune-orangé ovale de 12,36 ct ; rhodolite taille poire de 9,22 ct ; grossulaire vert pâle de taille coussin  de 14,53 ct et démantoïde de 4,32 ct. @Photographed from the GIA Collection for the CIBJO project.

On rencontre deux types différents de grenats verts : la tsavorite, variété verte de l’espèce grossulaire découverte au début des années 1970 dans le parc Tsavo au Kenya, et le démantoïde qui est la variété verte de l’espèce andradite. Ce dernier est un silicate de calcium et de fer qui cristallise dans le système cubique.

Cristaux démantoïdes de 2 cm provenant d’Antetezambato (Madagascar). Spécimen de Daniel Trinchillo (Fine Minerals International). Photo de James Elliott.

Brut, il se présente le plus souvent sous forme de rhombododécaèdre. Il est intrinsèquement coloré par le fer. Il peut être vert-jaune à vert-bleu. La couleur la plus recherchée, le vert pur très saturé lumineux à profond, est rarissime et est due à des impuretés de chrome.

Cristaux de démantoïde sur matrice, 3,6 cm, d’Antetezambato (Madagascar). Spécimen de Daniel Trinchillo (Fine Minerals International). Photo de James Elliott.

Cette gemme a été découverte pour la première fois en Russie vers 1853 dans les montagnes de l’Oural, dans la région d’Ekaterinbourg, près du village de Nizhny Tagil, notamment dans le gisement alluvionnaire de Bobrovka. Lors de sa découverte, cette gemme fut d’abord confondue avec l’émeraude et la « chrysolite », terme ancien et désuet désignant indifféremment le péridot et le chrysobéryl, avant d’être déterminée scientifiquement en 1864 par le minéralogiste finlandais Nils Gustaf Nordenskiold (ou Nordensheld) qui l’identifie comme grenat andradite vert chromifère. Il lui donne le nom de « démantoïde », terme dérivant de « demant » qui signifie « diamant » dans les langues germaniques anciennes, en référence à son éclat adamantin (comparable à celui du diamant) et surtout à sa dispersion (supérieure à celle du diamant). Cette découverte est publiée officiellement en 1878.

Dans la continuité de Nordenskiold, certains gemmologues comme Heja Garcia du laboratoire GemParis, qui a effectué l’analyse de la collection, considèrent que seuls les andradites verts chromifères ont droit à l’appellation de « démantoïde ». C’est aussi la définition que Poirot et Bariand donnent dans le Larousse des Pierres précieuses (1985), ainsi que François Farges dans Minéraux et pierres précieuses (2013). Cette distinction entre démantoïde (coloré par le fer et le chrome) et andradite vert (coloré uniquement par le fer) n’est pas partagée par tous et le plus souvent tous les andradites verts sont appelés « démantoïdes ». C’est notamment la position d’Emmanuel Fritsch dans le Gemmes de l’Association Française de Gemmologie (2013) et de Jean-Claude Boulliard dans Pierres précieuses, guide pratique d’identification (2015).

Quelques mots sur la géologie du démantoïde

En Russie, les démantoïdes se forment principalement dans des veines de serpentine asbestifère riche en chrome et se caractérisent par des inclusions de fibres de chrysotile (une variété d’asbeste) fibroradiées dites en « queues de cheval » car elles se présentent en touffes.

Inclusion de fibres de chrysotile dans un démantoïde russe. @LFG

Bien que ce minéral ne soit pas très dur (6,5 à 7 sur l’échelle de Mohs) et relativement fragile, on le trouve aussi bien en gîte primaire que secondaire. Historiquement, la production a toujours été erratique et effectuée essentiellement par des mineurs illégaux. Aujourd’hui, d’après Alexey Burlakov de Tsarina Jewels, ce sont surtout les mines de Korkodin et Poldnevaya qui produisent des démantoïdes en quantité notable pour le marché. Pour la mine de Poldnevaya, connue depuis 1879, la production actuelle de démantoïdes qualité gemme est estimée entre 300 et 1000 ct par mois. Pour enlever la nuance secondaire de brun, certaines gemmes doivent être chauffées.

En dehors de la Russie, on trouve des démantoïdes en Italie du nord dans la région du Val Malenco et surtout, depuis une vingtaine d’années, d’autres gisements ont été découverts notamment en Iran, en Namibie (Green Dragon Mine) et dernièrement à Madagascar (Antetezambato), ce qui a permis d’alimenter le marché. Mais ils ont rarement une aussi belle couleur que les démantoïdes russes.

Du point de vue des critères d’évaluation, la couleur verte, pure, lumineuse à intense est la plus recherchée.

Andradite (var. Démantoïde). photo Harold and Erica Van Pelt. @ Smithsonian Institution

La pureté est importante, mais la présence des « queues de cheval », quand elles n’affectent pas la transparence de la gemme, est très appréciée car associée à l’origine géographique la plus prestigieuse, c’est-à-dire la Russie (en fait, on peut aussi en observer dans les démantoïdes du Canada ou du Pakistan par exemple…).

Les démantoïdes qualité gemme d’une masse supérieure à un carat sont extrêmement rares : le prix au carat augmente donc de manière spectaculaire avec la masse à critères comparables. Ainsi, le démantoïde de 11,24 ct conservé depuis 2011 à la Smithsonian Institution de Washington, remarquable par sa couleur, est exceptionnel et l’un des plus gros connus.

Aux enchères, les démantoïdes sont rares. Une paire de démantoïdes russes montés en pendants d’oreilles pesant respectivement 5,93 ct et 5,61 ct a été adjugée 780.000 $ chez Christie’s à Hong Kong en mai 2018. Il s’agit d’un record mondial.

Hong Kong, Christie's Magnificent Jewels, 29 May 2018.

En joaillerie, la période allant de 1875 à 1917 a été la plus faste pour le démantoïde.

Les gemmes de masse supérieure à 1ct étant rarissimes, le démantoïde a surtout été employé comme mêlée pour les entourages et pavages ou en pierres calibrées.

On le rencontre dans la joaillerie russe, notamment chez Fabergé, mais c’est surtout en Europe occidentale et aux Etats-Unis qu’il a connu le succès. Sa couleur verte intense et sa remarquable vivacité ont particulièrement inspiré les joailliers. En Angleterre, les bijoux naturalistes figurant des insectes ou des reptiles sont souvent pavés de démantoïdes.

Broche scarabée en or serti de diamants et de démantoïdes, travail anglais, vers 1900, Wartski
Broche sauterelle, de style édouardien, vers 1910. @ Skinner

George Frederick Kunz (1856-1932), célèbre minéralogiste américain et gemmologue de la maison Tiffany & Co à partir de 1879, se prend de passion pour cette gemme et en achète autant qu’il peut pour alimenter les créations de la maison.

Cette gemme est ainsi omniprésente dans les créations de George Paulding Farnham (1859-1927) :

George Paulding Farnham pour Tiffany, broche iris saphirs du Montana, diamants et demantoides. Exposition universelle de Paris en 1900. Don de Tiffany & Co en 1988 au Walters Art Museum, Baltimore.

... puis dans celles de Louis Comfort Tiffany (1848-1933). Inspiré par l'accord de couleurs particulièrement vibrant entre le démantoïde et l'opale noire d'Australie (découverte vers 1900 dans les gisements de Lightning Ridge), Louis Comfort Tiffany a créé à partir de 1902 des bijoux de facture naturaliste illustrant merveilleusement le mouvement Arts & Crafts.

Louis Comfort Tiffany, vers 1915. Broche en or et platine, sertie d'une opale noire d'Australie, de saphirs, grenats spessartites et démantoïdes. @ Sotheby's New-York, décembre 2010.
Collier en or et émail, serti de deux opales noires, de grenats démantoïdes et de saphirs. Louis Comfort Tiffany, Tiffany & Co. Christie's New-York, Magnificent jewels, 20 juin 2017.
Broche en or jaune, sertie d'une opale noire, de saphirs  et de grenats démantoïdes. Louis Comfort Tiffany, Tiffany & Co. Christie's New-York, Magnificent jewels, 20 juin 2017.

Le grenat démantoïde a également été interprété de manière atypique par le joaillier américain Marcus & Co : simplement poli sous forme de perles ou de cabochons, ce qui est inhabituel car en général on cherche plutôt à mettre en valeur sa brillance et ses feux par une taille à facettes.

Marcus & Co, gouaché, Siegelson

 

Marcus & Co, collier draperie en or, émail à jour, perles et démantoïdes, vers 1900, Siegelson

En France, ce sont surtout les joailliers de l’Art Nouveau qui l’ont utilisé.

"Through the eyes of a connoisseur" (TM). Pendentif serti d'opales et de pierres précieuses de Vever  © Albion Art Jewellery Institute, Photo Tsuneharu Doi

Après la Révolution Russe de 1917, la production cessa et la gemme disparut presque complètement du marché pour réapparaître sporadiquement.

Aujourd’hui, le démantoïde est une gemme discrète mais prestigieuse. Généralement utilisée comme gemme « secondaire », elle est le signe d’un certain raffinement et d’un goût pour la distinction. En joaillerie, on ne l’utilise que sur les pièces uniques. La Maison Boivin est l’une des rares maisons à l’avoir toujours utilisée.

Broche « bucrane » en or serti de diamants, rubis calibrés et démantoïdes, Boivin vers 1940. Christie’s New-York, Magnificent jewels. 22-23 octobre 2001.
Sotheby's Magnificent jewels and noble jewels. 11 novembre 2015. Genève. Lot 52. Boivin, broche « botte de radis » en or serti de diamants, rhodochrosites et démantoïdes, 1985. Création de Marie-Caroline de Brosses.

Récemment, des signatures exclusives comme Hemmerle ou JAR l’ont particulièrement mise à l’honneur.

Hemmerle, pendants d’oreilles en grenats démantoïdes

 

Par Marie-Laure Cassius-Duranton.
Historienne d'Art, gemmologue, professeur au Laboratoire Français de Gemmologie ainsi qu'à l'Ecole des Arts Joailliers.

Bibliographie :

Wim Vertriest, « Update on Russian Demantoid Production », in Gems & Gemology, Spring 2018, Vol. 54, No. 1.

InColor, Summer 2017.

Pierre-Yves Chatagnier, « Le traitement thermique de l’andradite », DUG 2012, Université de Nantes (site de Gemnantes.fr)

Wm. Revell Phillips & Anatoly S. Talantsev, « Russian Demantoid, Czar of the Garnet Family », in Gems & Gemology, Summer 1996, Vol. 32, No. 2.

Pezzotta, Federico. (2010). Andradite from antetezambato, North Madagascar. Mineralogical Record. 41. 209-229.

 

visuel de "une" : Louis Comfort Tiffany vers 1905, Sotheby's New-York, Important jewels, 24 septembre 2013. Lot 352. Bague en or, émail vert et orné en son centre d'un grenat démantoïde d'environ 3,50 carats.


The renaissance of Suzanne Belperron : an interview with Olivier Baroin

This article is a translation by Claudine Seroussi of : Suzanne Belperron, histoire d'une consécration. Entretien avec Olivier Baroin 

"Suzanne Belperron is the most talented and influential jewelry designer of the twentieth century," said David Bennett, now Global President of Sotheby's International Jewelry Division, when he opened the auction on May 14, 2012 in Geneva of "the personal collection of one of the greatest jewelers of the 20thcentury: Suzanne Belperron (1900-1983)".

The sale was comprised of 60 lots, all of which sold, for the most part, at exceptional prices – on average three times their estimate.

‘Jewels from the Personal Collection of Suzanne Belperron’. Sotheby’s. Lot 59. A carved rock crystal, white gold and platinum brooch of scrolling design set with diamonds, Suzanne Belperron, 1932-1955. Makers mark for Groëné et Darde. Estimate: 45,000 – 72,000 CHF (37,537 – 60,060 EUR). Hammer price: 302,500 CHF (252,355 EUR). An iconic piece of innovative and avant-garde design that the designer loved to wear. It sold for four times the high estimate.
Jewels from the Personal Collection of Suzanne Belperron. Sotheby’s. Lot 60. A rock crystal and diamond ring, circa 1935. This ring is set with a 12-carat marquise-cut diamond and is without maker’s mark. With an estimate of 45,000 – 72,000 CHF, it sold for 464,5000 CHF (506,000 USD), more than 6 times the high estimate. It was the most expensive piece in the sale. It was acquired by the renowned gallerist Siegelson, who presented it at that autumn at the 2012 Biennale des Antiquaires in Paris with a price tag of 921,500 USD. The journey of this ring is a testament to its aesthetic value and iconic Belperron design.

At the December 5, 2018, Christie’s ‘Magnificent Jewels’, sale in New York, a platinum and gray gold “Tube” bracelet set with old-cut diamonds, designed by Suzanne Belperron in 1935 as confirmed in her personal archives, appeared at auction. It had an estimate of 200,000 – 300,000 USD and was sold for 852,500 USD. Today, Suzanne Belperron is ranked amongst the greatest names in jewelry: Cartier, Van Cleef & Arpels, Boucheron, Chaumet… and collectors of her work push the prices for her pieces ever higher to record levels.

Christie’s Head of Jewellery in the Americas Daphne Lingon explains, "iIf you think of when these pieces were made in the 1930s and ’40s, they transcend the time period in which they were created, revealing a confident, bold and brave visionary." And she adds : “It has been a true honor to have been a part of this journey with this masterpiece by Suzanne Belperron, from researching and identifying the bracelet, to the excitement surrounding the sale. All of this culminating with a new world auction record for a Belperron jewel and we are delighted with this stellar result.”
A Jean Herz-Suzanne Belperron advert that appeared in French Vogue in February 1948. It is one of the first advertisements published after the establishment of Suzanne Belperron and Jean Herz company in the post war years, and which mentions the name of the designer.
Suzanne Belperron personal archives. Advertisement in Vogue in 1948, original page personally countersigned dating the illustrated bracelet from 1935. On the right side of the page, the certificate of this bracelet expertised by Olivier Baroin.

This crowning glory is the fruit of a very long journey.

Recognized, admired and highly sought after during her lifetime, Belperron’s name briefly fell into oblivion following her death. Her name reappeared in two major sales in the following years.

  • ‘The Jewels of the Duchess of Windsor’, Sotheby’s Geneva 2 – 3 April 1987, featured 16 pieces by Belperron.
The Duchess of Windsor wearing her necklace of two rows of blue chalcedony beads, with a clasp of two blue chalcedony leaves set with diamonds and cabochon sapphires. Later the Duchess transformed the necklace by replacing the two leaves with a blue chalcedony flowerhead clasp (transformable into a brooch), the center of which is set with diamonds and cabochon sapphires. A pair of blue chalcedony cuffs completed the set. Photo: Archives Olivier Baroin.
Original design for the Duchess of Windsor’s blue chalcedony parure. Archives Olivier Baroin.
At the 1987 Sotheby’s sale, the necklace (lot 123) was sold for 183,000 USD and the pair of cuffs (lot 124), sold for 146,000 USD. Seventeen years later, the necklace and cuffs appeared in the Christie’s ‘Magnificent Jewels and Jewels of Style, Personal Collection” sale in New York on October 12, 2004. The sale prices were lower than those in 1987, with the necklace achieving a price of 119,500 USD and the cuffs 117,110 USD. The set appeared at auction a third time at Sotheby’s on the 9thDecember 2015, by which time the demand for Belperron had increased. The necklace, lot 459, sold for 430,000 USD and the cuffs, lot 458, sold for 526,000 USD. It is interesting to note that in 2015 the cuffs were estimated - and then achieved - a higher price than the necklace, which is probably more a reflection of the changing taste and fashion. The successive owners of these jewels were the Duchess of Windsor, Fred Leighton and Lee Siegelson. Today the necklace is in a private collection. Photo: Sotheby’s, 2015.
The Duchess of Windsor wearing her blue chalcedony flower clip, set with diamonds and cabochon sapphires. Photo: Cecil Beaton, 1937, Sotheby’s. Olivier Baroin book p 278
  • The May 17, 2004 sale held by Pierre Bergé & Associés in Geneva which featured 62 lots entitled ‘Créations de Suzanne Belperron’.
‘Créations de Suzanne Belperron’. PB&A, Geneva May 17, 2004. Lot 226. Fan-shaped blue agate clip, set with calibré-cut sapphires and featuring a cabochon sapphire (which was chipped), mounted in gold and platinum. Makers mark for Groëné et Darde.
‘Créations de Suzanne Belperron’. PB&A, Geneva May 17, 2004. Lot 279. Cuff with a detachable clip in the form of an ammonite, set with brilliant and baguette-cut diamonds. Makers mark for Groëné et Darde.

However, it was the discovery of Belperron’s personal archives by Olivier Baroin in December 2007, followed by the publication of Baroin’s book ‘Suzanne Belperron’, co-written with Sylvie Raulet and published in 2011, that saw the return of Belperron’s name and work to the limelight. In recent years, auction houses have presented works by Belperron at auction with great fanfare, emphasizing the unique style, and artist’s soul, of this grande dame of 20thcentury jewelry.

If the life of Suzanne Belperron was a passionate one, then so too is her legacy. From the incredible discovery of her personal archives, which had been thought to have been burned, to the tensions surrounding the reattribution of her work, the transatlantic disputes over the succession of her legacy, the name of Suzanne Belperron is in no danger of being forgotten for a second time.

Olivier Baroin, expert on the work of Suzanne Belperron, is here to explain to us how this artist, who was celebrated in her lifetime yet slipped into obscurity following her death, has become lionized in the salerooms.

 

Beginnings, life and legacy of a singular style

Suzanne Belperron: chapters of a life

Madeleine Suzanne Vuillerme was born in the Jura on the 26thof September 1900. At 18 she won the first prize at the Ecole des Beaux-Arts in Besançon, and soon after moved to Paris. In March 1919 she was hired as a modelist-designer by Jeanne Boivin, the widow of René Boivin who ran the eponymous house.

Five years later, she was promoted to co-director of Boivin. The same year she married Jean Belperron (1898-1970), an engineer from Besançon, whose name she took. The couple did not have any children.

Aguttes, June 2017. Lot 81. ‘Yin and Yang’ ring in yellow gold. The certificate of authenticity attests that this ring was designed by Suzanne Belperron and was ordered in November 1964. In the archives this ring is described by Suzanne Belperron as “Ring in fine gold cross-over like mine”. Designed in 1923, this ring design is the very one the talented Suzanne Belperron – then still Vuillerme – had designed for her own engagement to Jean Belperron. Estimate: 7,000  - 10,000 EUR. Hammer price: (including fees): 43,350 EUR.

In 1932, Suzanne left Maison Boivin to join Bernard Herz, a great dealer in fine pearls and precious stones, as artistic and technical director at Société Bernard Herz until 1940.

Vogue Paris, September 1933. Courtesy of Claudine Seroussi.

At the beginning of the Second World War, shortly before the anti-Semitic Vichy laws, and at the request of Bernard Herz, Belperron purchased the company and created Suzanne Belperron SARL (1941-1945). In 1943, Bernard Herz was deported to Germany, never to return.

In 1946, Jean Herz, The son of Bernard Herz, returned from the war. Belperron offered - in memory of his father Bernard, for whom she held deep affection - the joint ownership of a company incorporated in equal parts, to be called "Jean Herz Suzanne Belperron". Belperron assumed the artistic and financial direction of the company until its liquidation on December 31, 1974.

From the 1930s to the 1970s, Suzanne Belperron continuously designed and created, and never once showing any desire to work for another house. She achieved great fame in here lifetime, both in France and abroad. In 1963 she was awarded the rank of Chevalier of the Legion of Honor in 1963 for her services as a "jewelry designer".

Personal papers of the Suzanne Belperron. Archives Olivier Baroin

After her retirement, she continued to create pieces just for relatives and close friends. She died in Paris on March 28, 1983. She was eighty-two years old.

Observations on the Belperron style

Her creations reflect a very personal style, a ‘signature’, even though the designer never signed any of her pieces. "My style is my signature," she said in a famous quote.

Silver brooch, white agate and gray mabe pearls in the form of a stylized bunch of grapes. It formed part of a set that included earrings and a ring. The design is emblematic of the designer's work. Maker’s mark for Groëné et Darde. Private collection. Sotheby's. Olivier Baroin Book p.252.

Belperron jewelry is often characterized by the bold choice, for its time, to marry precious stones or fine pearls with fine or ornamental stones. Belperron did not hesitate to set sapphires with chalcedony, diamonds in rock crystal, or silver with hematite, or an amethyst with chrysoprase.

Aguttes. October 2018. A modernist signet ring. Lot 82 Estimate: 8,000 - 10,000 EUR. Hammer price (incl. fees): 75 000 EUR. An important modernist silver (<800) signet ring set with a step-cut amethyst, with all four sides of the body of the ring set with rectangular chrysoprase cabochons. Maker’s mark for Groëné et Darde. Created by Suzanne Belperron between 1933 and 1937. "This ring is a piece never seen before. The maker’s mark dates from the very first period, rings of this era are rare on the market. The raw material is not the most precious, but the creativity for the time is remarkable and gives this piece all its value".

These combinations of colors and materials (transparent, translucent, opaque) created unusual light effects. However, Suzanne Belperron also created pieces that could be described as "high-jewelry" since they were composed of precious materials.

Christie's, Paris, November 24, 2011. Lot 275. A Gold bracelet set with emeralds, tourmaline, beryl, peridots and colored sapphires. Estimate: 80,000 - 120,000 EUR Hammer price: 247,000 EUR. Maker’s mark for Darde & Cie. This appeared at auction following the publication of ‘Suzanne Belperron’ in 2011, and is one of the Belperron record auction prices.

Another characteristic of the work of this avant-garde designer, are the volumes that sometimes border on excess. However, says Olivier Baroin, "even if the jewel is sometimes a little exuberant, it does remains elegant. Madame Belperron's creativity never went beyond the limits of good taste. " And he adds: "her work is pure and graphic jewelry, but above all sensual, almost carnal".

Aguttes. June 2018. Lot 122. Large articulated ‘butterfly’ brooch in 18k yellow gold (750) and platinum (950). Circa 1940. The two upper wings are set with cabochon emeralds and surrounded by old-cut diamonds, the lower wings are set with rows of baguettes diamonds and calibré-cut emeralds, the body and antennas are enhanced with brilliant-cut diamonds. The wings are articulated thanks to a ball-and-socket mechanism. Maker’s mark:  Groëné et Darde. Width of the wings: approx. 13.5 cm. Weight: 98.7g. Estimate: 35,000 - 50,000 EUR. Hammer price (incl. fees): 303,460 EUR. In the archives of Suzanne Belperron, a note from Colette was found inside the book “Splendor of Butterflies”, published in 1936 by Plon. In this letter dated March 4, 1937, Colette thanked Belperron - who would later become a friend: "Dear Madam, The blue ring is very pretty, thank you. Perhaps one day I will ask you to remove some height, we'll see. I'm waiting for the small clip. And I send sincerest regards. Colette".

The craze for Belperron’s style extended beyond the world of jewelry connoisseurs. For example, Suzanne Belperron was one of the first jewelry designers to be mentioned by name in fashion magazines such as ‘Harper's Bazaar’ and ‘Vogue’.  As early as 1933, Elsa Schiaparelli posed in Vogue adorned in Belperron jewels. Suzanne Belperron's jewelry enhanced the creations of fashion designers – so much so, that designers sometimes feared their creations would be entirely overshadowed!

A designer for the happy few

Belperron’s clientele was incredibly varied. It included the members of royal families and the European aristocracy, rich bankers and industrialists, and also actors, artists and writers. Her personal order books show that she received the Duke and Duchess of Windsor, Colette, Jean Cocteau, Nina Ricci, Jeanne Lanvin, Elsa Schiaparelli, Gary Cooper, the Begah Aga Khan, the Baroness Rothschild, Daisy Fellowes, the singer Ganna Walska and Merle Oberon, the beautiful heroine of ‘Wuthering Heights’, to name a few!

Even today, her creations remain unknown to the general public. For the past ten years, however, they have become in great demand for art dealers, jewelry dealers and knowledgeable collectors.

Philippine Dupré La Tour, director of the jewelry and watch department at Aguttes, explains that Belperron jewels occupy a special place in her work as an expert because often clients who consign a Belperron piece are unaware of its value. "It is therefore a double pleasure: to see these jewels and to unearth them".

Aguttes. October 2017. Lot 114. Geometric tiered silver ring (<800) featuring three pyramidal hematite spikes in the center. The certificate of authenticity for this piece states that it was created by Suzanne Belperron before 1935. This type of design appears very early in the cannon of Suzanne Belperron designs, originating from the period when she was working at René Boivin. It is made by hand. Estimate: 4,000 - 5,000 €. Hammer price (incl. fees): 48 450 €.

Today collectors of Belperron are a new kind of elite. Olivier Baroin finds that buyers are influenced more by the design of the jewel than by its intrinsic value. "Collectors who appreciate Belperron pieces do not need their jewelry to be set with diamonds; those who recognize her style understand its importance."

During auctions, buyers are rarely wrong; the most expensive pieces are those that are the most emblematic of the Belperron oeuvre. Karl Lagerfeld, one of the leading collectors of Belperron jewelry, sums it up as follows: "A Belperron jewel can be recognized right away. It's an attitude."

‘Fine Jewels’ Christie's, Paris, December 4, 2018. Lot 253. Bracelet in fine pearls, cultured pearls, onyx, enamel and diamonds. 26 Fine pearls and 69 cultured pearls, onyx beads, black enamel, round diamonds and square diamonds, platinum (850) and 18K gold (750), French hallmarks, circa 1940. Circumference: 16.2 cm. Estimate: 30,000-40,000 EUR. Hammer price: 122,500 EUR

 

Olivier Baroin and the rebirth of Suzanne Belperron

How did your affiliation with Madame Belperron come about?

By an incredible twist of fate!

I had been a jeweler since 1987 and an expert in antique jewelry since 2001. At that time I already had a great admiration for Suzanne Belperron whose work I knew thanks to my friend Miriam Mellini, pearl merchant, who is passionate about old jewels and Belperron amateur enthusiast.

One day in December 2007, I was sketching a project in front of a client and he looked at me and said: "It's funny to see you draw this way, my father just inherited the estate of a jewelry designer". I dared to ask the name of this designer. The customer answered me, obviously uncertain: "maybe Josiane Duperron". My blood turned and I calmly asked him, "Are you sure? Could it possibly be Suzanne Belperron? ".

At the time, we thought that Suzanne Belperron had burned her archives while she was alive, as Ward Landrigan had explained in the New York Times in August 1998.

The client invited me to visit, the following day, a small apartment located at the foot of Montmartre, which had not been opened for nearly twenty-four years. Stored in this apartment were all the belongings of Madame Belperron. I went there very early in the morning, before the junk dealers came to empty the premises, as an auctioneer had informed the heir that the contents were worthless!

I had no idea what it was worth, but I suspected that what this small apartment contained was priceless. And rightly ... there was the contents of this woman’s life stored pell-mell: her furniture and decorative objects, including living room furniture that appeared to be designed by her friend Marcel Coard, decorator and set designer from the 1930s, her table service, her tablecloths, a lot of Asian art ... all covered in a thick layer of dust!

We took an inventory of the contents and then we came to an agreement to purchase Suzanne Belperron's personal belongings. The heir was a great gentleman, a very straightforward and loyal man, passionate about art, having come from a family of painters. Once he had realized who Suzanne Belperron was, having greatly admired the pieces he had seen, he wished that Suzanne Belperron, who was then somewhat forgotten, should receive new recognition. It was this man, heir to Mme Belperron's legatee, who suggested that I write a book about her work. Sufficed to say we owe him a lot.

He died a few days after the sale of the personal jewels of Suzanne Belperron, which took place Geneva in May of 2012, reassured as to the legacy of the work of the designer. Prior to his death he had read with infinite attention the book I co-wrote with Sylvie Raulet, entitled ‘Suzanne Belperron’, which was published in August 2011.

It is a very romantic story!

Indeed, the odds were slim that I would stumble across the personal papers of Suzanne Belperron! Moreover, the daughter of the heir hoped, one day, to make a film retracing Belperron’s life and her career. There is so much to tell: her personal story, her creative genius, her famous clients, her estate, the discovery of personal archives, the recognition she enjoys today and so much more ...

When you rediscovered Suzanne Belperron's personal archives in December 2007, it was twenty-four years since the designer had stopped working. What remained of her work?

Suzanne Belperron officially stopped working in 1975, but in reality she continued to create pieces for her most favored clients and friends virtually up until her death in March 1983.

Once I had acquired her personal archives, I began with the important task of tracing the jewels. Through researching auction results, I realized that 90% of the jewels by Suzanne Belperron had not been attributed to her, regardless of the period in which they were made. The expert authority on René Boivin made virtually no distinction between Boivin and Belperron. Based on the assumption that Suzanne Belperron began her career at Boivin as a "young saleswoman" (sic) before moving under the leadership of Jeanne Boivin, the certificates of authenticity didn’t differentiate between her work at Boivin, the house in which she had worked from 1919 to 1932, and the next forty years of her career.

Today we know that Suzanne Vuillerme, after obtaining the first prize at the Ecole des Beaux-Arts in Besançon for a watch design featuring champlevé decoration, entered René Boivin in 1919 not as a "young saleswoman" but as a "model-designer" before becoming in 1924 co-director of the House and marrying Jean Belperron.

Suzanne Vuillerme. Ecole des Beaux-Arts de Besançon. Archives Olivier Baroin.

It is also now recognized that René Boivin, prior to the arrival of Suzanne Belperron, was a manufacturing workshop, which produced pieces for other jewelry houses. It was a family workshop, which had bought up other Parisian workshops in the late nineteenth century, in order to acquire the best craftsmen and equipment.

Boucheron Archives, 1912. Photo courtesy of Olivier Baroin.

For example, these three necklaces, photographed above, which are of relatively classic design (diamond-set with pearls) were manufactured in 1912 by René Boivin for Boucheron. I am very grateful to my friend Claudine Sablier, curator of the Boucheron archives for sharing these images with me. In 1912, René Boivin moved to 27 rue des Pyramides, with reception rooms that adjoined his workshops. However, the fact remains that the house gained its notoriety only after the arrival of Suzanne Belperron. In a letter from Jeanne Boivin of November 1923, that Suzanne Belperron carefully preserved, she writes that Suzanne "is now a necessary active force and holds a great place in the artistic life of the house René Boivin". As such I challenge anyone to show me a modernist work that was created Mr. Boivin!

Letter from Jeanne Boivin to Madame Vuillerme, Suzanne's mother, dated November 1923. Personal papers of Suzanne Belperron. Archives Olivier Baroin.
Extract from the letter quoted above.

How did you go about reinstating the work of Suzanne Belperron?

Many at the auction houses have helped with my research – especially Aguttes. Philippine Dupré la Tour agreed to contact some of her “selling” customers. If a jewel appeared to me to be by the hands of Suzanne Belperron , then they were asked if they would agree to give us the names of their ancestors, and any information as to whether they were purchased at René Boivin or Suzanne Belperron.

This allowed me to go back to the archives and see if I could find the seller's family. It allowed me to go back in time. I soon learned many jewels sold at auction under the name of Boivin, were actually pieces ordered from Suzanne Belperron by the seller's family after 1932.

I am very grateful to Philippine Dupré La Tour for her cooperation as well as her trust - auction houses are normally very secretive. David Bennett was also incredibly helpful. He was immediately supportive of the book project and consequently Sotheby’s made their resources available, worldwide, so that the owners of Belperron jewels could have their pieces recorded, valued and photographed. I am very grateful to David Bennett and Claire de Truchis-Lauriston, then the head of the jewelry department in Paris. They had the courage, and the strength, to take that risk, while others would have been fearful of destabilizing the market.  Sotheby's was incredibly supportive of the book.

With the discovery of the Belperron’s personal order books, it allowed her pieces to be formally authenticated. Has it helped propel Belperron's position in the auction market?

When my book was published, the jewelry world, (the auction houses in particular) became aware that Suzanne Belperron and her universal legatee had preserved the archives, consisting of about twenty order books, that Belperron maintained and kept. They date from 1937, and contain the names of 6,730 customers and nearly 45 000 appointments!

As a result, it became possible to attribute the jewels - if one had the last name of the client and/or their family or associates. The order books end in 1974. However, later, between 1974 and 1983, various letters testify to the fact that Suzanne Belperron remained active.

I began to work on tracing the provenance back to the original orders, to reestablish the work of Suzanne Belperron and to reattribute the pieces she had created over a period of fifty years. My certificates ended up clarifying the auction market for Belperron. Her position in the market continues to grow and auction prices for her jewels are almost on a par with those from the biggest jewelry houses.

Aguttes. December 2017. Lot 83. Pair of 18k white gold pendant earrings (750) composed of 3 tiers of frosted rock crystal domes, each with a band of diamonds set in platinum from which drop–shaped pearl is suspended. Created by Suzanne Belperron before 1935, this type of design appears very early in her work when she was at René Boivin (1919/1932). Estimate: 15,000 - 20,000 EUR. Hammer price (incl. fees): 255, 000 EUR. And, lot 84. A brooch in the form of a sprig of leaves made in platinum (950) and 18k white gold (750) and set with old-cut diamonds. Made to order on January 14, 1946 according to the archives. Estimate: 6,000 - 8,000 EUR.  Hammer price (incl. fees): 45, 900 EUR

How do you authenticate a jewel by Suzanne Belperron?

Suzanne Belperron never signed any of her pieces, neither at René Boivin nor at Herz where she became the sole decision-maker and creator in her own right.

At first I was particularly vigilant! When I was in doubt and when there was no factual evidence, or documented order, I abstained. Over time, knowing that I have many elements: studio models, plasters, drawings and sketches, photos and press articles countersigned by her hand and of course the personal order books, I managed to crosscheck. My eye was formed by the twenty years I had spent in the studio. As a jeweler, I am familiar with jewelry making; I know how a jewel is constructed, mounted, adjusted etc...

But it's mostly the years spent authenticating and the accumulated experience - I've searched, searched again and again! – that allowed me to refine my expertise.

Rock crystal brooch in the form of a stylized bunch of grapes, set with sapphires of different shapes and mounted in silver. Maker’s mark for Groëné et Darde. Private collection. Olivier Baroin book p.122.

At the very beginning, the quality of workmanship of certain pieces was almost closer to that of costume jewelry, with pieces executed in silver, than high jewelry - although I should clarify that during this period costume jewelry was of high quality and well made.

Eve, Paris, December 7, 2018. Lot 794. Agate clip featuring three gadroons - each set with a pearl, probably fine. The frame is white gold (750) and silver (800). Circa 1935. Estimate: 2,000 - 3,000 EUR. Hammer price: 22,000 EUR.

Between 1942 and 1955 saw a return to high quality production, reaching its apex in the 1950s. All jewelry is made by hand using precious metal wire, sheets and soldering.

Two views, exterior and interior, of a platinum ‘Toit’ ring set with three rows of pavé diamonds. Private collection. Olivier Baroin book p.298

Then, between 1955 and 1970 the manufacturing techniques begin to evolve. These new techniques mean the quality is no longer the same but not because of a lack of skill from craftsmen. Lost wax casting begins to take over the market, resulting in the acceleration of production. We are entering a new era of industrialization of jewelry, which resulted in Belperron jewels still remaining, in part, handmade as well as now being cast.

In the 1970s and 1980s became easier to execute, but those that were unable to be cast remained entirely handmade.

In 1932, the Groëné et Darde workshop was working exclusively with Suzanne Belperron and it remained exclusive right until the end. The various workshop marks allow us to date, approximately, the jewels by Suzanne Belperron and, at the very least, to authenticate them.

- From 1928 to 1955, the company bears the name of Groëné et Darde (Emile Darde and Maurice Groëné). The workshop mark has the initials GD with a fleur de lys in the center, which is surmounted by surmounted by Ste.

- From 1955 to 1970, the workshop took the name of Darde et Fils (Emile Darde and his son Michel). The workshop mark shows the initials DF with a fleur de lys in the center.

- From 1970 to 1974, the workshop is known as Darde et Compagnie (Michel Darde) and the workshop mark has the initial D a fleur de lys, surmounted by Ste, followed by the letters CIE.

set of white agate ‘Camellia’ scatter clips, the center of each is composed of a cluster of diamonds and cabochon rubies. This set is an example of mastery of Adrien Louart’s work. Private collection. Olivier Baroin book p.199.

In cases where there is no record of an order in the archives, only the extraordinary skill of the lapidary Adrien Louart (1890-1989), to whom Suzanne Belperron entrusted to work on carving her hard stone pieces, makes it possible to authenticate the Belperron pieces.

Rock crystal bracelet punctuated by three diamonds. This bracelet is one of the pair carved by Adrien Louart. Private collection. Olivier Baroin book p. 62.

What about certificates?

In September 2008 when I acquired all the archives, discovered the previous year in Montmartre, the last universal legatee authorized me to safeguard "the future expertise of the work realized by Madame Suzanne Belperron".

That's how I started to authenticate jewelry for Sotheby's, Aguttes, Artcurial, and so many other auction houses ...

Today, I establish the certificates (or simple testimonials in the instances where I believe a jewel was created by Suzanne Belperron, but that I do not have the documentary proof in the archives!). For the majority of collectors and auction houses, including American auction houses (most recently Fortuna in New York) I am sometimes considered as the gatekeeper, though I would prefer to be thought of as guardian of Madame Belperron’s memory, especially since I now devote practically most of my time to her work.

 

Portfolio: some of the most beautiful pieces Belperron that have for sale in recent years

Suzanne Belperron holds a special place in the jewelry market. Overall, Belperron jewelry is reaching stellar prices at auction, but in reality, there is no benchmark applicable to Belperron. The buyers judge each piece according to the significance of the jewel. That is, they judge and buy each piece according to its aesthetic value and its place in the cannon of Suzanne Belperron. These criteria are very similar to those applied to the market for painters or visual artists.

Christie's Paris. 2011.

Here is an additional selection of some remarkable jewels that have been on sale in recent years and that Olivier Baroin has appraised.

AGUTTES

Lot 91. June 2016. Important platinum ring composed of a large curved ring set with rubies and small diamonds. Maker’s mark  for Groené & Darde is partially readable. Sold with box. This ring was made between 1942 and 1955. Estimate: 20,000 - 25,000 EUR. Hammer price: 116,025 EUR
Lot 143. June 2014. Chalcedony and grey cold ‘barrel’ clip set with six old cut diamonds, with lines of black enamel at side. Circa 1935. Sold with a B.HERZ box. Estimate: 15,000 - 20,000 EUR Hammer price:  61,200 EUR.

 

Lot 89. Sale December 2016 ‘Dome’ ring in 18k yellow gold set with an important cushion-cut citrine and gold, honey and cognac colored citrines set in a honeycomb setting.honey or cognac. Circa 1953. Estimate: 25,000-30,000 EUR Hammer price: 67,575 EUR
Lot 83. December 2017. A pair of 18k white gold pendant earrings (750) composed of 3 tiers of frosted rock crystal domes, each with a band of diamonds set in platinum from which a drop–shaped pearl is suspended. Accompanied by certificate LFG N ° 325647 certifying the pearls are saltwater in origin. Accompanied by a certificate by Mr Olivier Baroin attesting that it is a creation of Suzanne Belperron dating from prior to 1935. Estimate: 15 000 - 20 000 EUR. Hammer price: 255,000 EUR

ARTCURIAL

A U-shaped lapel clip in platinum (950) and 18k white gold (750), set with brilliant cut diamonds, finished with two button-shaped pearls, one white and the other gray. Maker’s mark for Groëné et Darde. Executed between 1942 and 1955. Estimate: 15,000 - 20,000 EUR. Hammer price: 96,100 EUR
‘Important Jewelry’, July 23, 2014. Lot 741.  A rare pair of platinum (950) ‘Christmas Tree’ pendants. The design of each features diamond-set long arched leaves, each punctuated with 9 brilliant cut diamonds and the base of the trees are set with baguettes. Executed between 1942 and 1955. Maker’s mark for Groëné et Darde. Estimate: 120,000 - 150,000 EUR. Hammer price: 121,500 EUR
‘Important Jewelry’, July 23, 2014. Lot 740. In 18k (750) white gold bracelet, featuring a beveled edge, adorned with a line of baguette cut diamonds between two lines of brilliant cut diamonds. The edges of the bracelet are lined with pear-shaped settings each set with two brilliant-cut diamonds. Executed between 1942 and 1955. Maker’s mark: Groëné et Darde. Estimate: 40,000 – 60,000 EUR. Hammer price: 155,100 EUR.
July 19, 2016.  Lot 651 Pair of ‘Spiral’ lapel clips. One in 18k (750) and platinum (950) white gold, set with a half-cut diamond in a spiral pave setting with brilliant-cut diamonds, the other in 18k yellow gold (750) of the same design, set with yellow, brown or Madeira diamonds. Maker’s mark for Groëné et Darde. Circa 1938-39. Fittings on the reverse of the clips allow them to be joined and mounted on a necklace in yellow gold and gray gold.  Estimate: 40,000 - 50 000 EUR. Hammer price: 105,920 EUR.
January 19, 2017. Lot 401.  ‘Egyptian’ bib necklace in yellow gold and 18k white gold (750) formed of a solid circle in a fall, highlighted by a line of old-cut diamonds. The bib is attached by two long loops to the back of the necklace. Circa 1942.  Maker’s mark for Groëné et Darde. In a box labeled B. Herz. Provenance: Ms. Arman Salacrou, academician and playwright. Estimated 30,000 - 40,000 EUR. Hammer price: 77,500 EUR
"Egyptian" clip and its original plaster cast. Personal archives of Suzanne Belperron. Archives Olivier Baroin.
January 19, 2017. Lot 402. A stylized paisley "Egyptian" clip in 18k (750) yellow gold and 18k white gold set with a ruff of diamonds. Circa 1937. Maker’s mark for Groëné et Darde. Estimate: 10,000 - 15,000 EUR. Hammer price: 14,300 EUR.

CHRISTIE'S

Paris Jewels, 19 May 2010. Lot 228. Featuring a stylized cornucopia of amatiated yellow gold set with cabochon emeralds and old-cut diamonds holding an old pale yellow oval diamond weighing 32.80 carats, French gold markings. Circa 1950. Estimate: EUR 160,000 - EUR 200,000. Price realised: EUR 553,000
Paris Jewels, 1 June 2016. Lot 81. Pair of "seashell" clips. Each contained a shell paved with old cut diamonds and enhanced with a line of black enamel (accidents), around 1935, gross weight: 25.09 gr., Platinum (850) and 18K gray (750), French punches. Wear the hallmark of the company Groëné & Darde. "The shell is a new kind of jewellery because it is eternal. But these are entirely of human invention, being made from diamonds, black enamel and crystal. They can be worn as clips, as a brooch or even to support four strings of pearls, making this a superb piece of evening jewellery". New jewellery, Vogue Paris, September 1933. Estimate: EUR 40,000 - EUR 60,000. Price realised: EUR 85,500
Paris Jewels, 24 November 2015. Lot 166. Pair of diamond clips. Each adorned with two patterns set with round diamonds wrapped around a larger diamond and enhanced by a line of baguette diamonds, gross weight: 48.86 gr., Platinum setting (850) and 18K gray gold (750), french punches Wear the hallmark of the Groene & Darde Company for Suzanne Belperron. Estimate : EUR 80,000 - EUR 120,000. Price realised: EUR 111,900
Jewels for Hope: The Collection of Mrs Lily Safra. Geneva, 14 May 2012. Lot 30. The central scalloped swirl centering upon a circular-cut diamond collet and extending a rigid cuff, set with diamonds and enhanced by a line of calibré-cut sapphires, 1941-1945, inner diameter 6.0 cm, with French assay mark for platinum With maker's mark of Groene et Darde (partially indistinct) for Suzanne Belperron Estimate CHF 74,000 - CHF 110,000. Price realised CHF 159,000.

DROUOT

On Wednesday December 17, 2014 Drouot presented this sumptuous necklace and bracelet achieved a record price. Estimated between 10,000 and 20,000 EUR this parure flew for 415,000 EUR. This set is characteristic of the Belperron style, with its volumes and delicate shades of velvety blue stones selected by the designer.

Large white gold lozenge-shaped articulated bracelet set with cabochon sapphires of varying hues. Executed circa 1935. Gross weight: 163 g. Length: 17 cm. Width: 9 cm. Accompanied by a certificate of origin Ref. No. 141122b Belp / Ppl / De, dated November 22, 2014 by Mr. Olivier Baroin.
White gold bib necklace entirely set with cabochon sapphires. Executed circa 1935. Gross weight: 136 grs. Slight damage to the clasp.  Accompanied by a certificate of origin Ref. No. 141122a Belp / Ppl / De, dated November 22, 2014 by Mr. Olivier Baroin.

FORTUNA

On April 25, 2018, Fortuna Auction in New York sold an exceptional collection of Belperron jewelry from the Bokara "Bo" Legendre estate.

Lot 58. Rock crystal convertible cuff and brooch. A rock crystal flower brooch, circa 1935, set in platinum, displaying cabochon rubies weighing a total of approximately 5.90 carats, and round brilliant-cut diamonds weighing a total of approximately 0.20 carat, with I-J color and VS clarity; can be worn as a brooch fastened by double pinstems or attached to an 18K white gold cuff; flower diameter measures 1-5/8 inches, cuff inner circumference measures 6 inches, with 3/4 inch breach; total weight 50.70 g. Accompanied by an attestation from Mr. Olivier Baroin . Stamped: French assay marks on brooch. Estimate: $30,000 - $50,000. SOLD $78,125

 

Lot 61. A carved chalcedony leaf motif bombe ring, featuring three old European-cut diamonds set in platinum, the center diamond weighing approximately 1.65 carats, flanked by two diamonds weighing approximately 1.00 carat each, for a total diamond weight of approximately 3.65 carats, with K-L color and VS-SI clarity.  Estimate: 10,000 - 15,000 USD. Hammer price: 65,625 USD.
Lot 60. A carved chalcedony fan clip set with marquise diamonds set in platinum. Estimate: 20,000 - 30,000 USD. Hammer price: 62,500 USD
Lot 59. A modified gold and diamond ring, fashioned from one of a pair of earrings created by Suzanne Belperron. Estimate:  4,000 - 6,000 USD. Hammer price: 16,250 USD

Lot 58A. A gold cuff, set with citrines and diamonds. Made in circa 1945, this bracelet features at its center a 160-carat octagonal brilliant-cut citrine, surrounded by two trapezoidal citrines of mixed size weighing - approx. 14 cats each. The gems are separated rows of round brilliant-cut diamonds that have a total weight of approx. 2.50 carats. Estimate: 30,000 USD to $ 50,000 USD. Hammer price: $ 150,000

SOTHEBY'S

Magnificent jewels & Noble jewels, 15 november 2018, Geneva.

LOT 168. Gold and emerald clip, Suzanne Belperron, 1930s. Composed of textured gold centering an oblong drilled emerald bead, French assay mark for gold and maker's mark for Grœné et Darde, later added pendant loop. Formerly in the collection of Ganna Walska (1887-1984). The Polish-born opera and concert singer, had a personality as large as her fortune. Married six times over the course of her lifetime, she had acquired an extraordinary collection of jewelry. Estimate 30,000 — 50,000 CHF (29,814 - 49,690USD). LOT SOLD : 60,000 CHF (59,627 USD)

Magnificent jewels & Noble jewels, 15 may 2018, Geneva.

Lot 205. Rock crystal and diamond bracelet, 'Bibendum', Suzanne Belperron, circa 1930. Composed of circular carved rock crystal plaques inset with circular-cut diamonds, alternating with single-cut diamond links, length approximately 180mm, French assay marks for gold and platinum. Estimate 70,000 — 90,000 CHF (69,938 - 89,921USD) LOT SOLD : 106,250 CHF (106,157 USD)
Lot 203. Blue chalcedony and sapphire clip, Suzanne Belperron, circa 1940. Of fluted design, the carved blue chalcedony highlighted at the center with three rows of sapphire beads, French assay marks for gold and maker's mark for Groëne et Darde. Estimate 20,000 — 30,000 CHF (19,982 - 29,974USD). LOT SOLD : 65,000 CHF (64,943 USD)

Magnificent jewels & Noble jewels, 15 november 2017, Geneva.

Lot 213. Pearl and chalcedony ring. Polished engraved chalcedony set with a cultured pearl. Estimate 8,000 — 12,000 CHF (8,108 - 12,162 USD). LOT SOLD : 22,500 CHF (22,805 USD)

Magnificent jewels & Noble jewels, 16 may 2017, Geneva

Lot 66. Gold and yellow sapphire brooch, circa 1940. Of stylised floral design, collet-set with two oval yellow sapphires, French assay and maker's marks. Estimate 12,000 — 18,000 CHF (12,064 - 18,097 USD). LOT SOLD : 21,250 CHF (21,364 USD)

Magnificent jewels & Noble jewels, 17 november 2016, Geneva

Lot 195. Chalcedony, cultured pearl and natural pearl brooch, circa 1955. Of foliate design, set with a carved chalcedony of leaf motif, the branches decorated with natural and cultured pearls, French assay mark, maker's mark for Groene et Darde. Estimate 70,000 — 100,000 CHF (69,843 - 99,776 USD). LOT SOLD : 81,250 CHF (81,068 USD)

Magnificent jewels & Noble jewels, 11 november 2015, Geneva

Lot 23. Topaz bangle, circa 1935. Designed as four silver bands swing set with collet-set cushion-shaped, circular-cut and oval light blue topaz, smaller inner circumference approximately 125mm, French assay and partial maker’s marks. Originally purchased by Elsa Schiaparelli from Suzanne Belperron. Schiaparelli admired Suzanne Belperron’s creations for their simplicity, the avant-garde combination of jewels and stones, and their sheer modernity. She was photographed in Vogue magazine in 1933 wearing several Belperron jewels. Throughout the 1930s, Belperron and Schiaperelli creations were used in photo spreads in all the leading fashion magazines. The archives of these two creators reveal many of the same clients: opera singer and socialite Ganna Walska, Daisy Fellowes, Indian Princess Karam of Kapurthala, Mrs. Harrison Williams (the future Countess Mona Bismarck) and the Duchess of Windsor. In Sotheby's catalogue note. Estimate 39,000 — 59,000 CHF (38,867 - 58,799 USD). LOT SOLD : 212,500 CHF (211,775 USD).
Lot 440. Quartz and diamond brooch, 1940s. Designed as fluted smoky quartz between lines of cushion-shaped diamonds. Estimate 8,000 — 12,000 CHF (7,973 - 11,959 USD). LOT SOLD : 52,500 CHF (52,321 USD).
Lot 443. Smoky quartz, yellow sapphire and citrine brooch, circa 1935. Collet-set with variously shaped yellow sapphires and citrines to a fluted smoky quartz jewel, French assay mark and maker's mark for Groëné & Darde. Estimate : 30,000 — 49,000 CHF (29,898 - 48,833 USD). LOT SOLD : 93,750 CHF (93,430 USD)

Magnificent jewels & Noble jewels, 12 may 2015, Geneva

Lot 3 .Star sapphire, chalcedony and diamond ring, Suzanne Belperron, 1961 The blue chalcedony ring set with a blue star sapphire framed with a petal-like border of single-cut diamonds. Estimate : 9,000 — 11,000 CHF. (9,664 - 11,812 USD). LOT SOLD : 40,000 CHF (42,953 USD)

TAJAN

On June 29, 2015, the expert Jean-Norbert Salit presented at auction a rare set of four pieces in white gold, diamonds and rubies (of certified Burmese origin and with no trace of heat treatment). Circa 1936 with a maker’s mark for Groëné et Darde.

Lot 262. An 18K white gold platinum domed ruby cuff set with rubies and brilliant-cut diamonds. Estimate: 40,000-60,000 EUR. Hammer price (incl. fees): 180,700 EUR
Lot 264.An 18K white gold and platinum stylized shell clip set with brilliant-cut diamonds and oval rubies and featuring a cabochon ruby. Frame in. French made, workshop mark of Groënéet Darde. Estimate: 20,000 – 30,000 EUR. Hammer price (incl. fees): 102,320 EUR.
Lot 263. Pair of platinum pendant earrings, each adorned with a cabochon ruby ​​and set with diamonds and featuring gadroons on the outer edge. Estimate: 15,000-18,000 EUR. Hammer price (incl. fees): 45,000 EUR.
Lot 265.A platinum ring features three large gadroons. The outer gadroons are pave-set with brilliant-cut diamonds and the central gadroon is set with an oval-cut ruby. Estimate: 30,000-40,000 EUR. Hammer price (incl. fees): 72,800 EUR.
Tajan, June 21, 2016. Lot 74. Dome ring decorated with a large cushion-cut sapphire (5,80-6 carats) originating from Ceylon and no heat treatment. The body of the ring is pave-set brilliant-cut and round diamonds punctuated with cabochon sapphires. Platinum frame. French work, with the maker’s mark for Groëné et Darde. Circa 1947. Estimate: 40,000-60,00 EUR. Hammer price (incl. fees):  111,800 EUR.

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My thanks to Aguttes, Artcurial, Christie's, Drouot, Eve, Fortuna, PB & A, Sotheby's and Tajan.

Special thanks to Olivier Baroin who combines, as few others do, the precision of an expert and the passion of a pedagogue.

And finally, my warmest thanks to Claudine Seroussi for her beautiful translation.

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La Golconde
Galerie d'Olivier Baroin
9, Place de la Madeleine. 75008 Paris.
Tél. 01 40 07 15 69

Sotheby's.

Suzanne Belperron, Sylvie Raulet et Olivier Baroin, La Bibliothèque des Arts , 2011.

Les bijoux de Suzanne Belperron, Patricia Corbett, Ward and Nico Landrigan, Karl Lagerfeld, Thames & Hudson, 2015.

Jewels from the personnal collection of Suzanne Belperron, Geneva 14 may 2012, catalogue Sotheby’s

Vente bijoux, créations Suzanne Belperron, catalogue Pierre Bergé et Associés, mai 2004

Claudine Seroussi. Instagram : Artofthejewel

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Le bijou rétro. Chefs-d'oeuvre d'orfèvrerie des années 40 et 50

Qu'est-ce que le "rétro" en joaillerie ? Dans les ventes, ce terme désigne un style et une mode qui va de la toute fin des années 30 à la fin des années 50. Plus précisément, il est caractéristique des années 1940-50. Par ses matériaux, par ses jeux de volume, par ses thématiques, le style rétro est un style à part entière.

Travail français vers 1940. Or, platine et diamants taille ancienne. Maison Riondet

L'expert Geoffray Riondet observe que "ce type de bijou ancien immédiatement reconnaissable fait aujourd’hui l’objet d’un regain d’intérêt".

Et en effet ! Des pièces de joaillerie rétro figuraient en bonne place à la Tefaf ("The European Fine Art Fair") de Maastricht en mars dernier, on en retrouvait aux Magnificent Jewels de Christie's et Sotheby's à  Genève mi-mai et les voici également  dans la vente des Fine jewels de Christie's Paris du 6 juin, mais également dans celle de Baron Ribeyre et Associés à Drouot le 5 juin ainsi que chez des marchands spécialisés dans le bijou ancien... Le "regain d'intérêt" est là et bien là.

De gauche à droite, de haut en bas : Broche en or et diamants Boucheron, circa 1950; Bracelet en or Boucheron circa 1940; Broche en or et diamants VC&A circa 1950. Sotheby's.

Eclairage sur le bijou rétro  

Dans quel contexte est apparu le bijou rétro?

L'Exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne , 25 mai au 25 novembre 1937. Photo du Champs de Mars vu depuis la Tour Eiffel par François Kollar. Archives photographiques de la Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine.

En 1937, dans un contexte politique tendu, s'ouvrait à Paris l'Exposition Internationale des Arts Techniques dans la Vie Moderne. Y étaient présentées les inventions techniques d'une cinquantaine de pays supposées démontrer le progrès de la civilisation apporté par la révolution industrielle.

Dans les Arts de la Parure, l'Exposition marqua le retour de l'inspiration figurative. L'historienne Sylvie Raulet y voit la source même de l'esthétique des bijoux vedettes des années 40-50  (in Bijoux des années 1940-1950).  L'Exposition Internationale apporte ainsi une première rupture avec la période Art Déco.

CLIP RÉTRO "FIACRE" SAPHIR ET RUBIS, PAR MELLERIO DITS MELLER. 1943. Figurant un fiacre avec un cocher ponctué d'un saphir et de rubis, monture en or jaune. Christie's Paris.

L'autre explication de ce style rétro, c'est l'économie de moyen. En 1939, dès lors que la France fut engagée dans la guerre, puis assujettie à l'Occupation, les femmes durent porter une joaillerie moins luxueuse que pendant la décennie passée. La Passante du Sans-Souci remplace désormais l'insouciante Daisy des Années Folles.

Rare clip de corsage en or jaune (750 millièmes) et argent (min. 800 millièmes) « Rose à la main «, composé d’une rose découpée et assemblée, le pistil serti d’un diamant taille ancienne de forme coussin, retenue par une main en laque noir et ses bracelets bleu-vert (manques) et rehaussé de diamants taillés en rose. Travail français, vers 1938. Signé CARTIER, Paris et numéroté. Annabelle Cukierman/Baron Ribeyre & Associés/ Drouot

Quelles sont alors les caractéristiques de ces bijoux? Reflet de son époque, ce bijou se porte souvent seul - en tout cas plus en parure. Il présente toutefois un dessin original et sa taille est relativement importante.

L'or, valeur refuge, prend le relai du platine pendant une période où les matériaux précieux (et notamment le platine, justement) sont requis pour l'industrie de guerre. L'or est soumis à de lourdes contraintes commerciales et les troupes de Hitler n'hésitent pas à piller littéralement tout l'or qu'elles trouvent pour nourrir l'effort de guerre ou simplement s'accaparer des richesses.

Quant aux importations de pierres précieuses, elles deviennent rares et coûteuses. Il est significatif de constater que nombre de rubis sertis sur des pièces de ces années sont en fait des pierres synthétiques. Enfin, et en toute logique, les périodes de guerre ne sont pas propices au commerce des articles de luxe et les Maisons de joaillerie voient leur activité réduite.

C'est tout cela qui forge l'identité du bijou rétro.

Bague "Tank" vers 1940. Au cours de cette décennie, les bijoux « tank » vont faire leur apparition. Ils sont ainsi appelés car leurs maillons ressemblent à des chenilles de char d’assaut (en anglais tank). Cette bague en or jaune est ornée d'un diamant demi taille, de diamants taillés en rose et de rubis calibrés synthétiques. Travail français. Maison Riondet

Rétro versus Art Déco

Le style Rétro succède au style Art Déco des années 1920-1930. La joaillerie Art Déco se signalait principalement par ses lignes géométriques et abstraites, ses volumes en aplat, et l'utilisation massive du platine et des diamants. La joaillerie Rétro, au contraire, est majoritairement composée d'or jaune et égayée de petites pierres précieuses aux couleurs vives.

Lorsque les gemmes sont de taille plus importante, bien souvent il s'agit de pierres fines : citrines, aigues-marines, améthystes. Les volumes du bijou rétro sont tridimensionnels, si bien qu'on accole souvent le mot "sculpture" au bijou rétro. Les lignes de l'Art Déco qu'on y retrouve parfois se sont assouplies. Courbes et volutes réapparaissent. Les motifs se font plus souvent figuratifs (fleurs, animaux) et les bracelets-manchettes cachent sous leurs arrondis de savants mécanismes horlogers.

CLIP CITRINES, AMÉTHYSTES, ÉMERAUDES ET DIAMANTS, PAR BOUCHERON Figurant une fleur, les pétales sertis de citrines et d'améthystes suiffées, le pistil ponctué d'émeraudes et de diamants ronds, les feuilles en fils d'or torsadés, vers 1950. Vente Fine jewels du 6 juin 2018. Christie's Paris.

Le rétro invité d'honneur des Magnificent Jewels

Marie-Cécile Cisamolo, experte joaillerie chez Christie's Genève, explique que la Maison de vente a pu rassembler cette année pour la première fois vingt-quatre pièces "rétro" grâce tout d'abord à une collection d'une dizaine de pièces qui se trouvait en Italie. C'est de Londres qu'un des "top lot" (lot majeur) est venu enrichir ce premier apport. Enfin, de ci-de là, une véritable collection de bijoux rétro a pu être présentée. "Un véritable coup de coeur!".

Si la Maison Sotheby's présentait un nombre moins élevé de pièces des années quarante quelques chefs-d'oeuvre tout à fait emblématiques de ce style figuraient dans ses salons du Mandarin Oriental.

Gold and diamond bracelet, Mauboussin, 1940s Of jarretière design, the strap of pyramidal links, the detachable buckle set with circular-cut and baguette diamonds, Sotheby's

Comment reconnaître un bijou rétro?

Le rétro c'est de l'or d'abord!

RETRO RUBY AND DIAMOND BRACELET AND EARRING SET, BOUCHERON Calibré-cut rubies, circular and single-cut diamonds, platinum and gold (French marks), circa 1940. Christie's
Bracelet or et saphirs calibrés. Christie's

Le rétro c'est une certaine sensualité des formes 

RETRO EMERALD AND DIAMOND BROOCH, CARTIER Cabochon emeralds, circular-cut diamonds, gold, 1940s, 4.8 cm, signed Cartier, green Cartier case. Christie's.

Le rétro & l'art de la passementerie

On retrouve dans le bijou rétro tout un répertoire lié au textile : fils d'or tressés, noeuds, papilles, plissés et ajourés, dentelles et tulles. Les joailliers travaillent l'or sous toutes ses coutures.

Tirage argentique représentant un modèle de Cristobal Balenciaga pour 1948. Il s'agit d'un manteau de lainage couleur moutarde porté sur une jupe noire. Cette tenue est portée avec un bijou Van Cleef & Arpels. Librairie Diktats.
Gold, emerald and diamond necklace, 1950s. Sotheby's

 

Portrait de Madame Grès drapant un modèle sur le mannequin Muni. Photographie de Philippe Pottier. 1942. Librairie Diktats.
Gold and diamond bracelet, 1950s. The center of bombé design, set with brilliant-cut diamonds, suspending a tassel highlighted with similarly-cut diamonds, inner circumference approximately 145mm, partial French maker's marks. Sotheby's

 

Gem set and diamond demi-parure, 'Zip', Van Cleef & Arpels, 1950s. Sotheby's

Le rétro c'est bien pratique 

Bien souvent ce que l'on croit être de proéminents fermoirs renferment en fait des mécanismes horlogers bien pensés!

Montre-bracelet à mouvement mécanique Tissot, vers 1940. Christie's.

Montre-bracelet à mouvement mécanique en or, diamants et rubis synthétiques calibrés. Vers 1940. Patek Philippe.Christie's.
RETRO SAPPHIRE, DIAMOND AND GOLD BRACELET-WATCH, UNIVERSAL Calibré-cut sapphires, circular-cut diamonds, gold, mechanical movement, 1940s, Universal. Christie's

Le rétro c'est patriotique

Les bijoux aux couleurs des pays alliés, bleu-blanc-rouge, connaissent un vif succès après guerre. Ces bijoux prennent une nouvelle dimension lors de la Libération.  Et témoignent d'une nouvelle légèreté!

La collection "Hawaï" de Van Cleef & Arpels est assez emblématique de ce phénomène. Cliquer sur ce lien pour zoomer sur cette parure.

 

Ruby, sapphire and diamond parure, 'Hawaï', Van Cleef & Arpels, 1940s. Sotheby's

 

RETRO RUBY, SAPPHIRE AND DIAMOND 'BAGATELLE' NECKLACE, VAN CLEEF & ARPELS Circular-cut rubies, circular-cut sapphires, circular-cut diamonds, gold (French marks), 1940s, 37.0 cm, signed Van Cleef & Arpels, numbered. Christie's.
RETRO AGATE, RUBY, SAPPHIRE AND DIAMOND KINGFISHER BROOCH, CARTIER Agate body, circular-cut ruby, rose-cut diamonds, calibré-cut sapphires, gold, 1950s, 3.2 cm, signed Cartier, numbered. Christie's

Le rétro c'est abordable

Il est, en guise de conclusion, un argument qui n'est pas des moindres pour qui souhaiterait posséder une pièce joaillière de caractère : le bijou rétro est accessible.

2018 : le grand retour des accessoires et bijoux rétro. Christie's Paris.

Si les bijoux signés conservent toujours mieux leur valeur, on trouve aussi des créations anonymes très réussies.

Bague vers 1940. Travail français. Métal : Or 750/1000 (18 k). Poids total (brut) : 6,80 grammes. Dimensions (tête de bague) : 13 mm x 18 mm. Tour de doigt : 53 (mise à taille possible). Nature des pierres : Diamant brillant, diamants taillés en rose. Très bon état de conservation. Prix : 1250 euros. Maison Riondet

A lire, à voir et si vous souhaitez enchérir...

Van Cleef & Arpels L'Art de la Haute Joaillerie. Sous la direction d'Evelyne Possémé. Les Arts Décoratifs, Paris 2012

Entre histoire et éternité, Bulgari, de 1884 à 2009, 125 ans de joaillerie italienne. Sous la direction de Amanda Triossi. Skira 2009

Rouleau, J. (2004). Du rationnement à l’abondance : Les bijoux des années 1940 et 1950. Cap-aux-Diamants, (78), 46–47

Bijoux des années 1940 1950, Sylvie Raulet, Editions du Regard, Paris, 1987

Les Parisiennes, leur vie, leurs amours, leurs combats, 1939-1949. Anne Sebba. La Librairie Vuibert.

Librairie Diktats

Christie's Magnificent Jewels Genève 16 Mai 2018

Christie's Fine Jewels Paris 6 Juin 2018

Sotheby's Magnificent Jewels and Noble Jewels 15 Mai 2018

Maison Riondet spécialiste du bijou ancien français du XVIIIème siècle aux années 1970.
2 place Gailleton, 69002 Lyon.
Sur rendez-vous : 27 avenue de l’Opéra, 75001 Paris,
Mail : g.riondet@maison-riondet.fr

Baron Ribeyre & Associés Drouot 5 Juin 2018

Clip Cartier en or et diamants, vers 1950. Sotheby's

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Visuel de "une" : RETRO SAPPHIRE AND DIAMOND BANGLE, BOUCHERON Calibré-cut sapphires, circular-cut diamonds, platinum and gold (French marks), circa 1937, inner circumference 17.4 cm, signed Boucheron Paris. Christie's.


Le Grand Mazarin, témoin de notre Histoire

Un diamant de la Couronne de France chez Christie's

Le Grand Mazarin, diamant mis en vente lors de la Magnificent Jewels chez Christie’s, le mardi 14 novembre 2017, à Genève, vient d'être vendu bien au-delà de son estimation haute : plus de douze millions d'euros (12,375,097 euros précisément). Il était estimé entre 5 et 7,7 millions d'euros.

Ce diamant provient d'une collection privée, restée anonyme jusqu'à ce jour. Christie's précise cependant sa provenance européenne: "Property of a European family". L'acquéreur lui aussi souhaite rester anonyme.

Cette vente était un événement exceptionnel puisque c'est la seconde fois que le Grand Mazarin était proposé aux enchères depuis la malheureuse vente des Diamants de la Couronne de France orchestrée en 1887 par les autorités de la IIIème République.

Le Grand Mazarin. Lot 600. Crédit photo Christie's

Le Grand Mazarin est un diamant de 19,07 carats d'un rose pâle très délicat. Le certificat du Gemological Institute of America indique une pureté VS2 (très petites inclusions difficilement visibles à la loupe x10). Ce diamant historique provient d'Inde, seule source de diamants connus au monde jusqu'en 1725. C'est un diamant de type IIa, très probablement issu des mines de Golconde.

Ce diamant est un précieux souvenir de l'Histoire de France. Offert en 1661 par le Cardinal Mazarin à son filleul Louis XIV - et par voie de conséquence à la Couronne de France - le Grand Mazarin a été porté par les souverains français depuis l'époque de la Monarchie absolue du Roi Soleil jusqu'à celle de la fête impériale, sous le Second Empire.

Nombre de souverains français ont porté le Grand Mazarin  :

Marie-Thérèse d'Autriche, Reine de France (1638-1683)
Louis XIV, Roi de France (1638-1715)
Louis XV, Roi de France (1710-1774)
Louis XVI, Roi de France (1754-1793)
Napoléon I, Empereur des français (1769-1821)
Marie-Louise d’Autriche, Impératrice des français (1791-1847)
Louis XVIII, Roi de France (1755-1824)
Charles X, Roi de France (1757-1836)
Napoléon III, Empereur des français (1808-1873)
Eugénie de Montijo, Impératrice des français (1826-1920)

Les diamants du Cardinal Mazarin ( 14 juillet 1602 - 9 mars 1661)

Portrait de Jules Mazarin. Hôtel de Matignon. XVII école française. Photo (C) RMN-Grand Palais / Droits réservés

Rappelons pour mémoire que le prélat, diplomate et homme d'Etat de nationalité italienne, Giulio Mazarini adopta la nationalité française en 1639 pour entrer au service de la France et de Louis XIII. Recommandé à Louis XIII par le Cardinal Richelieu, Mazarin fut choisi en 1642 pour être le parrain du futur Louis XIV.

Sitôt après la mort de Louis XIII, Anne d'Autriche, régente pour le compte de Louis XIV – qui n'avait alors que quatre ans et demi –, choisit Mazarin comme Premier ministre. Chargé de l'éducation du futur Roi, le Cardinal Mazarin exerça une profonde influence sur son filleul en lui transmettant sa vision des choses de l'Etat, et surtout, son goût pour  les pierres précieuses et les objets d'art qu'il collectionnait avec avidité.

Son statut, sa richesse et ses relations royales permettaient au Cardinal d'être au premier rang pour l'acquisition de pièces rares. Mazarin possédait ainsi une extraordinaire collection de joyaux et d'objets précieux qui font encore l'actualité de nos jours. C'est ainsi par exemple qu'il fut le propriétaire du Livre d'Heures de François Ier, actuellement en vente, et que le Louvre souhaiterait intégrer dans ses collections d'Objets d'art de la Renaissance (nous y reviendrons prochainement). C'est le cas aussi du Grand Mazarin.

Dans son testament, qui se trouve à la Bibliothèque nationale de France, au Département des manuscrits, on lit (p.9) que Mazarin légua dix-huit de ses plus beaux-diamants à la Couronne de France : "Mondit Seigneur le Cardinal l'ayant vendu au dessein qu'il avait formé de mettre ensemble dix-huit des plus beaux diamants qui se pouvaient trouver les donne à la Couronne et prie S.M. de les agréer, et qu'ils portent le nom de Mazarins"

Le Grand Mazarin occupe le rang de septième diamant de cette collection.  Selon Bernard Morel (in Les joyaux de la Couronne de France), il doit son épithète au fait qu'il était le plus grand des huit diamants de taille en table carrée de la série des dix-huit gemmes.

Deux siècles au service de l'apparat royal et impérial

Les diamants, au même titre que les pierres précieuses de couleur, les regalia, les portraits peints, les tenues vestimentaires, et plus encore les demeures royales étaient des symboles de souveraineté.

L'exposition "Théâtre du pouvoir" qui se tient jusqu'au 2 juillet 2018 dans la Petite Galerie du Louvre montre à travers une quarantaine d’œuvres - mais pas de bijoux, étonnamment- à quel point les souverains ont fait converger les arts et le pouvoir politique.

Indéniablement, les diamants, et les Mazarins en particulier, firent partie intégrante de cette "théâtralité du pouvoir". Ils furent en effet indissociables des tenues d'apparat des divers souverains jusqu'en 1887. Soit deux-cent neuf années durant depuis leur legs au Roi-Soleil. Leur histoire se confond avec celle de l'histoire royale et impériale.

La reine Marie-Thérèse d'Autriche porta le Grand Mazarin et le Miroir de Portugal (nom donné au troisième Mazarin) montés sur une éblouissante épingle à chapeau. L'émouvant tableau ci-dessous, qui se trouve au Prado, représentant la reine et le grand dauphin en costume de cour l'atteste. (Cliquez sur ce lien pour le détail du tableau, le chapeau de la reine en particulier)

Marie-Thérèse et le dauphin de France. 1664. Charles Beaubrun, Henri Beaubrun. Musée du Prado, Madrid.

Par la suite, Louis XIV n'eut de cesse durant son règne d'accroître la collection des Diamants de la Couronne. Il fit monter dix des Mazarins -dont le Grand Mazarin- en une grande chaîne formée de quarante-cinq diamants susceptibles d'être détachés les uns des autres selon les occasions. Trois autres Mazarins servaient de boutons de justaucorps...  Saint-Simon écrit (in Mémoires, livre 2, tomes 11 à 20) "Le roi entra dans la galerie... son habit était garni des plus beaux diamants de la couronne; il y en avait pour douze millions cinq cent mille livres; il ployait sous le poids". La passion de Louis XIV pour les diamants était manifeste!

Le Grand Mazarin orna ensuite la très riche couronne du sacre de Louis XV : il surmontait le diamant le Régent nouvellement acquis et considéré alors comme le plus beau diamant du monde.

Augustin Duflot, d'après Claude Rondé Couronne de Louis XV dite Couronne personnelle de Louis XV. 1722. Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Martine Beck-Coppola., Les pierres de cette couronne sont des répliques des gemmes originales. En bas au centre Le Grand Mazarin surmonte le plus grand diamant de la couronne le Régent ,140 carats.

Sous le règne de Louis XV, les techniques de taille du diamant évoluèrent, les feux du diamants étaient mieux mis en valeur, la lumière était enfin piégée au cœur des pierres. Les Diamants de la Couronne eurent presque tous à subir des retailles en brillants. Grâce aux inventaires, nous pouvons suivre l'histoire de ces gemmes. L'inventaire des Diamants de la Couronne établit au décès de Louis XV en 1774, comparé à celui de 1691, révèle que le Grand Mazarin avait été retaillé en beau brillant carré et arrondi.

Sous Louis XVI, le Grand Mazarin figure sur la nouvelle Couronne du sacre. Le grand Mazarin n'orne plus le lis frontal, mais se trouve serti avec d'autres Mazarins, dont le Miroir de Portugal, sur le bandeau de la couronne.Cette couronne n'a pas été conservée.

A la fin du règne de Louis XVI et de Marie-Antoinette, en 1790, les joyaux de la Couronne quittèrent Versailles et furent placés au garde-meuble, (situé sur la place de la Concorde qui ne portait pas encore ce nom). Le grand public pouvait admirer chaque lundi les gemmes et les parures joaillières royales. C'est par les fenêtres de ce bâtiment qu'eu lieu dans la semaine du 11 au 17 septembre 1792 le vol spectaculaire des Diamants de la  Couronne pendant plusieurs nuits. Volé, le Grand Mazarin fut rapidement retrouvé mais, plus d'un quart des joyaux restèrent introuvables.

Sous la Convention (1792-1795) puis le Directoire (1795-1799), l'Etat ayant grandement besoin d'argent fut contraint d'aliéner de nombreux bijoux que l'on ne revit jamais par la suite : ainsi en fut-il de plusieurs Mazarins (dont le Miroir de Portugal).

Sous le Consulat (1799-1804) Napoléon fit dégager une partie des joyaux aliénés; mais c'est surtout sous le Premier Empire (1804-1814) que les joyaux de la Couronne retrouvèrent leur place et leur lustre. Le Grand Mazarin, ainsi que les Mazarins n°8, 17 et 18 réapparurent sur la scène impériale, soit quatre diamants sur les dix-huit que comportait la collection du Cardinal.

Le Grand Mazarin semble avoir été davantage porté par l'Impératrice Marie-Louise que par l'impératrice Joséphine. Une des raisons évoquée par les historiens est que Joséphine avait une cassette privée si richement fournie qu'elle n'avait pas besoin des Diamants de la Couronne pour ses fonctions impériales. Elle conserva ses bijoux après son divorce, et l'Empereur se vit alors dans l'obligation d'offrir des joyaux personnels à la nouvelle impératrice. Marie-Louise de Habsbourg, qui dut aussi recourir aux joyaux de la Couronne lors des manifestations officielles. Ainsi, on retrouve le Grand Mazarin ornant le diadème de la somptueuse parure de diamants créée pour elle par François-Regnault Nitot en 1810.

Robert Lefèvre L'Impératrice Marie-Louise représentée Régente de l'Empire (1791-1847) 1814 Nous contacter au préalable pour la publicité. Photo (C) RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Daniel Arnaudet / Hervé Lewandowski

Sous la Restauration (1815-1830) Louis XVIII aliéna quelques gemmes, en fit revenir d'autres dont le Second Mazarin et fit démonter et remonter les bijoux de la Couronne pour les mettre au goût du jour pour ses nièces, la Duchesse d'Angoulême et la Duchesse de Berry.

Louis XVIII fit aussi réaliser par Evrard et Frédéric Bapst une couronne en vue de son sacre qui n'eut finalement pas lieu. La couronne royale créée pour Louis XVIII fut réajustée et portée par Charles X le 29 mai 1825 lors de son sacre à Reims. Entièrement composée de diamants et de saphirs, la couronne offrait une merveilleuse vision des principaux diamants du trésor. Cette fois encore, le Grand Mazarin y figurait...

Lors de la Monarchie de Juillet (1830-1848), le "roi des français" Louis-Philippe d'Orléans ne fit pas usage des joyaux de la Couronne. Un temps retrouvé sous Louis XVIII et monté sur un bouton de chapeau, le 2ème Mazarin fut même volé lors de la Révolution de 1848.

C'est en fait sous le Second Empire (1852-1870) que Napoléon III et l'impératrice Eugénie offrirent aux Diamants de la Couronne leur dernière heure de gloire.

d'après Franz Xaver Winterhalter Portrait en pied de Napoléon III Photo (C) RMN-Grand Palais (domaine de Compiègne) / Daniel Arnaudet

Le Grand Mazarin fut serti sur la Couronne de l'Empereur présentée en 1855 à l'Exposition universelle. Les diamants furent ensuite dessertis (et remplacés par des copies) et les principaux furent montés en chatons individuels. Nicolas Personne, historien spécialiste du Second Empire, explique que lors des bals de la cour, l'impératrice Eugénie portait ces diamants de la Couronne de France cousus sur les nœuds de ses robes. Les joailliers Bapst avaient créé en 1855 une grande broche de style rocaille ornée des 17ème et 18ème Mazarins. En 1856 ils réalisèrent un grand peigne à pampilles composé de deux-cent huit brillants dont vingt-et-un de grande taille parmi lesquels figuraient le 8ème Mazarin.

Recueil. Diamants, perles et pierreries provenant de la collection dite des joyaux de la couronne. Michel Berthaud . Vente de 1887. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie. Le 8ème Mazarin est la troisième pierre sur le bandeau en haut en partant de la gauche.

La vente des joyaux de la couronne, et du Grand Mazarin

La Troisième République (1870-1940) voulu marquer symboliquement la fin de de la monarchie française. Après quelques années de tergiversation, elle mit en vente aux enchères, du 12 au 23 Mai 1887, les joyaux de la Couronne (exceptés quelques gemmes et bijoux que l'on peut admirer au Louvre, au MNHN et au Musée des Mines).

Le Grand Mazarin, et un diamant oblong, figurant dans un lot de sept gros brillants, furent alors acquis par Frédéric Boucheron (1830-1902). Lors de cette vente ce joaillier acheta aussi d'autres diamants provenant du Grand peigne à pampilles de l'Impératrice qui avait démonté: un grand brillant qu'il offrit à sa femme et deux pampilles. Frédéric Boucheron acquit aussi une croix de dix brillants provenant de la couronne impériale.

Les archives de Boucheron montrent que les deux Mazarins furent ensuite acquis par le baron Von Derwies, magnat russe des chemins de fer. On ne sait par quels détours ce diamant est devenu propriété de cette mystérieuse "famille européenne", qui aujourd'hui le propose à la vente chez Christie's.

Que reste t-il aujourd'hui des dix-huit Mazarins?

Si la vente par Christie's du Grand Mazarin crée une telle émulsion dans l'univers joaillier et parmi les historiens d'art, c'est qu'il ne reste que trois  Mazarins visibles aujourd'hui publiquement. Ils sont présentés au musée du Louvre.

Il s'agit du Sancy, ou 1er Mazarin, qui se trouve dans la Galerie d’Apollon. Les 17ème et 18ème Mazarins qui sont intégrés dans la broche dite "reliquaire" de l'Impératrice Eugénie sont eux visibles dans une vitrine à proximité des appartements Napoléon III.

Diamant le Grand Sancy Photo (C) RMN-Grand Palais / Droits réservés
Diamant le Grand Sancy de profil. Photo (C) RMN-Grand Palais / Droits réservés

Le diamant le Grand Sancy, dit le Sancy, fut acquis par Nicolas Harlay de Sancy, surintendant des Finances d'Henri IV, vendu à Jacques Ier d'Angleterre en 1604, puis au cardinal Mazarin en 1657 qui le légua à Louis XIV en 1661. Sous le Directoire, il fut mis en gage en 1796 et vendu. Il demeura dans des collections particulières de 1796 à 1976, jusqu'à ce qu''en 1976 le musée du Louvre l'acquiert.

Les deux autres Mazarins figurent dans la broche dite "Broche-reliquaire de l'impératrice Eugénie", dessinée par Alfred Bapst, et exécutée par Frédéric Bapst en 1855.

Christophe-Frédéric Bapst Broche dite broche-reliquaire de l'impératrice Eugénie 1855 Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle

Les deux pierres en forme de cœur au centre de la broche sont les Mazarin 17 et 18. Cette broche fit partie des rares joyaux remis au Louvre en 1887 avant la vente des bijoux de la couronne.

Entre le 3 mai et le 3 juin 1962, Le Louvre avait exposé le Grand Mazarin dans le cadre de l'exposition "Dix siècles de joaillerie française". Il figurait en prêt dans la vitrine consacrée à "Quelques pierres de la Couronne de France". Il n'est plus qu'à souhaiter que le nouvel acquéreur consente à le prêter à son tour à de grandes institutions de temps à autre!

Pour conclure, la vente du Grand Mazarin est d'autant plus fascinante qu'il s'agit là d'un diamant d'une qualité superbe, lointain reflet des splendeurs royales. Traversant les époques, il s'est chargé avec le temps d'une valeur symbolique particulière, comme une sorte de relique de la grande Histoire. C'est cela aussi, indéniablement qu'a acheté l'acquéreur de ce diamant singulier, témoin muet des grandes heures de l'histoire de France.

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Bibliographie & sites 

Christie's

Recueil. Diamants, perles et pierreries provenant de la collection dite des joyaux de la couronne. Michel Berthaud (1845-1912).1887.
Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie.

Bernard Morel. ‎Les joyaux de la couronne de France Les objets du sacre des rois et des reines suivis de l'histoire des joyaux de la couronne de François 1er à nos jours. ‎Paris, Albin Michel fonds mercator, 1988; in-folio, 417 pp

Catalogue Dix siècles de joaillerie française. Edité par le Ministère d'Etat-Affaires Culturelles.1962

Francesca Sandrini, directeur du Museo Glauco Lombardi,
édité et traduit par P. Hicks et I. Delage. Mai 2011, in www.napoleon.org

Le site de Scott Sucher qui taille des répliques de pierres historiques Museum diamonds, vous y verrez notamment le IIIème Mazarin Miroir de Portugal

Vincent Meylan. Archives secrètes Boucheron. Editions SW Télémaque, 2009.

Historique de la maison Boucheron

Et bien sûr, Le musée du Louvre
Ouvert tous les jours de 9h à 18h sauf le mardi. Nocturnes jusqu’à 21h45 le mercredi et le vendredi

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Laurence Graff s'offre Le Diamant Lesedi la Rona

Lesedi la Rona : suite d'une folle aventure 

Le 29 juin 2016, la vente du diamant mythique Lesedi la Rona chez Sotheby's, annoncée comme une des plus importantes du siècle, avait échoué. Le diamant exceptionnel de 1109 carats, découvert au Botswana en novembre 2015, n'avait pas atteint son prix de réservé fixé à 70 millions de dollars. Nous nous étions alors interrogés sur les différentes raisons possibles de cet échec inattendu : les circonstances récentes du Brexit? les risques liées à la taille d'une pierre si importante ? Ou bien était-ce la volonté de Lucara d'échapper au circuit traditionnel des diamantaires qui avait engendré des résistances ?

Laurence Graff, l'éminent diamantaire londonien, n'avait pas ménagé ses critiques lors de cette vente : "Je n'aime pas ce processus, avait-il confié. Ce n'est pas une manière de faire du business au vu et au su de chacun." (in : Marc Roche, Diamants : Enquête sur un marché impur, Tallandier, 2017).

Un communiqué vient de l'annoncer : le Lesedi la Rona a trouvé acquéreur par une vente de gré à gré. L'acquéreur ? Un certain Laurence Graff.

Laurence Graff OBE

Un système traditionnel de vente vs. une volonté de démocratiser le marché du diamant

William Lamb, président-directeur général et président de la société minière Canadienne Lucara Diamond Corp, fort de la découverte du plus grand diamant brut depuis un siècle avait décidé, en 2016, de révolutionner le marché du diamant. Au lieu de passer par les intermédiaires traditionnels, il avait décidé de vendre le diamant aux enchères ("stand-alone sale") chez Sotheby's.

D'habitude, les compagnies minières vendent les diamants bruts qu'elles ont extraits à des négociants en pierres précieuses et à des diamantaires. Ces derniers, après avoir évalué le potentiel de la gemme, se chargent de transformer les bruts en pierres taillées puis polies, prenant au passage une marge importante sur la vente.

Le choix audacieux de William Lamb de recourir à une vente aux enchères était justifié par le fait qu'il s'agissait d'une pierre hors-norme. Sa taille s'annonçant complexe, elle était susceptible d'être conservée à l'état brut et d'intéresser des collectionneurs de bruts voire des musées de minéralogie. Les motifs financiers n'étaient pas étrangers à cette décision : vendre directement le diamant brut permettait d'économiser les commissions significatives des intermédiaires et donc de réaliser un bénéfice plus important.

Laurence Graff, l'homme qui a vu passer entre ses mains les plus beaux diamants de la planète depuis plus d'un demi-siècle, fut très contrarié que la vente d'un diamant brut aussi exceptionnel puisse se faire par le biais d'enchères, fût-ce par une maison aussi prestigieuse que Sotheby's.

Selon Graff, cette décision  contrevenait à l'ordre établi de longue date entre les compagnies minières et les acteurs du marché du diamants. Dans la tradition diamantaire, une vente s'effectue en privé, autour d'une table, au cours de discussions et de négociations discrètes. Le principe de la vente aux enchères ouvrait une brèche susceptible d'affoler durablement tout le marché du diamant.

Le bras de fer entre deux titans

Lucara Diamond Corp est une société renommée d'extraction de diamants qui possède une mine de production et des licences d'exploration au Botswana. Sa mine "Karowe"est reconnue pour les diamants de taille importante qui y ont été extraits depuis 2012 et qui génèrent des revenus élevés.

En mai 2016, William Lamb a déjà tenté une première fois de rebattre les cartes en mettant en vente chez Sotheby's un diamant brut de 813 carats qui avait établi un record de vente (63,1 millions $).

Laurence Graff, qui est dans le métier du diamant depuis plus d'un demi-siècle, exerce dans cette industrie une influence qui confine au monopole. S'inspirant des méthodes de la de Beers, il est le premier à avoir réussi à contrôler la chaîne du diamant d'un bout à l'autre: il gère aussi bien l'extraction du diamant dans des mines que leur taille, autant la création de bijoux qu'un réseau de boutiques à son nom.

Cette puissance fait de lui un des rares à pouvoir acquérir des pierres d'une valeur inestimable. Il est également un des seuls à pouvoir prendre le risque de tailler une pierre brute de grosse taille. Certes, le diamant Lesedi la Rona a fait l'objet d'une expertise approfondie pour  évaluer la beauté, la couleur et la transparence de la pierre une fois taillée (Gem Certification & Assurance Lab, New-York) mais tailler un diamant d'une telle taille reste toujours une entreprise risquée - il peut se casser- et perdre une grande part de sa valeur.

Avec l'achat par Graff du Lesedi la Rona, le marché a montré qu'il n'entend pas changer ses règles et que les puissances établies conservent tout leur pouvoir. Avis aux audacieux!

Deux gagnants ?

Après l'annonce de la vente, William Lamb a déclaré :

"The discovery of the Lesedi La Rona was a company defining event for Lucara. It solidified the amazing potential and rareness of the diamonds recovered at the Karowe mine. We took our time to find a buyer who would take the diamond through its next stage of evolution. The price paid is also an improvement on the highest bid received at the Sotheby’s auction in June 2016".

"La découverte du Lesedi la Rona a été un événement déterminant pour Lucara. Cela a confirmé l'étonnant potentiel et la rareté des diamants extraits de la mine de Karowe. Nous avons pris notre temps pour trouver un acquéreur qui conduirait le diamant vers la prochaine étape de son évolution. Le prix payé est aussi supérieur à celui de la meilleure enchère réalisée chez Sotheby's en juin 2016".

Cette dernière phrase est significative. Le diamant Lesedi la Rona a été vendu 53 millions $ (soit 47,777 $ le carat), alors que les plus optimistes le voyaient déjà atteindre 100 millions en juin 2016.

Le brut de 1109 carats acquis par Graff

De son côté, Laurence Graff a bien fait de patienter puisque le prix de réserve chez Sotheby's était fixé à 70 millions.  Graff Diamonds a acquis également depuis mai dernier un autre diamant brut  de 373,72 carats qui faisait partie du Lesedi la Rona.

Ce lundi 25 septembre 2017, Laurence Graff a reconnu  que l'achat de ce diamant marquait un jour important dans sa carrière : "The stone will tell us its story, it will dictate how it wants to be cut, and we will take the utmost care to respect its exceptional properties. This is a momentous day in my career, and I am privileged to be given the opportunity to honour the magnificent natural beauty of the Lesedi La Rona".

"Ce diamant nous racontera son histoire, il nous indiquera comment il veut être taillé et nous serons d'une extrême vigilance pour respecter ses propriétés exceptionnelles. C'est un moment historique de ma carrière et je me sens privilégié que me soit accordée l'opportunité d'honorer l'extraordinaire beauté du Lesedi la Rona".

Et si nous faisions un pari nous aussi? Ce serait l'enjeu du prochain épisode de ce feuilleton diamantaire : le Lesedi La Rona dépassera-t-il, une fois taillé, les 520.30 carats du légendaire diamant "Great Star of Africa" issu du mythique diamant Cullinan ?

A suivre, donc...

Mise à jour du 14 novembre 2018 : La Maison dévoile les premières pierres taillées de ce brut, elles sont d'une grande beauté.

 

Mes remerciements à Eric Hamers


Les Seventies sont de retour

Par Violaine Bigot

Les ventes « Magnificent Jewels » des maisons Christie’s et Sotheby’s à Genève sont toujours l’occasion d’admirer les dernières merveilles mises sur le marché. Pierres de couleur et diamants rares, pièces historiques, haute joaillerie et bijoux de charme s’exposent aux yeux des collectionneurs, marchands, amateurs et admirateurs. Ces expositions permettent également d’observer les évolutions de l’offre et de la demande et ainsi de percevoir les nouvelles tendances et périodes les plus prisées. Cette année, aux vues des pièces exposées, il semblerait que les années 70 bénéficient d’un retour en grâce.

Christie’s, lot 48 : Sautoir transformable en or jaune et diamants par Boucheron, années 70. 14-18 000 $ vendu à 15 300 $.

Couleurs vives, volume important, or jaune omniprésent sont autant d’éléments qui ont conduit cette période à l’oubli, tant le goût s'en est rapidement perdu. Il fallut plusieurs années pour que ces mêmes caractères séduisent à nouveau le marché.


Vente du Diamant brut "Lesedi la Rona" : Coup de théâtre chez Sotheby's

Au mois de Mai, nous avions vu que les diamants de couleurs atteignaient des sommets lors des ventes aux enchères internationales.
En ce début d'été, un autre record devait être battu grâce à la vente du plus gros diamant brut connu, le "Lesedi la Rona". "Lesedi la Rona" est le plus important diamant brut incolore de qualité gemme qui ait été trouvé depuis plus d'un siècle.

Or, coup de théâtre ! ce mercredi 29 juin, le Lesedi la Rona n'a pas atteint le prix de réserve de 70 millions de dollars, calant à 61 millions : il n'a donc pas été vendu ! 

Sotheby's évoque dans un communiqué sobre et calibré le "privilège" qu'a représenté pour cette prestigieuse maison la mission de vendre cette pierre.

Sans doute les circonstances actuelles en Europe, entre Brexit, chute spectaculaire des marchés et terrorisme, ont-elles freiné les investisseurs. Peut-être aussi une certaine incertitude sur la valeur de cette pierre une fois taillée a-t-elle affecté la vente. Peut-être enfin, certains professionnels ont-ils agit pour compromettre le succès d'une vente qui aurait remis en cause bien des habitudes? Le communiqué de Sotheby's n'en dit pas davantage et l'on ignore même s'il sera proposé de nouveau à la vente, et dans quels délais.

Revenons néanmoins sur ce spécimen unique.

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@Sotheby's

D'un poids de 1109 carats, il a été découvert le 16 novembre dernier au Botswana dans la mine bien-nommée de Karowe (qui signifie "pierre précieuse" dans la langue locale) par la compagnie minière canadienne Lucara Diamond Corp. La découverte de ce diamant résulte d'un nouvelle technologie d'extraction des diamants appelée Large Diamond Recovery ("LDR") XRT.

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Mine à ciel ouvert de Karowe au Botswana@Lucara Diamond Corp.
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Site minier de Karowe@Lucara Diamond Corp

 

Les caractéristiques principales de cette pierre historique

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Elle mesure 65 x 56 x 40 millimètres, les experts s'accordent à dire qu'elle est d'environ de la taille d'une balle de tennis.

Sachant qu'un carat est égal à 0,20 grammes, Lesedi la Rona pèse très exactement 221,8 grammes.

"NEW YORK, NY - MAY 03: Lesedi La Rona Diamond Still Life at Sotheby's on May 3, 2016 in New York City. (Photo by Donald Bowers/Getty Images for Sotheby's)"
Photo by Donald Bowers/Getty Images for Sotheby's

Le rapport du GIA décrit le diamant comme étant de type IIa (c'est-à-dire qu'il n’y a pas d’azote détecté en spectrométrie infrarouge dans sa structure atomique). Très rares, seulement 0,8% des diamants appartiennent à ce groupe. On les considère comme étant les diamants les plus purs, de structure parfaite.

On estime que sa formation date d'un à trois milliards d'années.

Pourquoi ce nom?

Après sa découverte, ce diamant brut était référencé sous le nom de "Karowe AK6".

Le 9 février 2016, suite à un concours lancé par Lucara Diamond Corp. auprès des citoyens botswanais, il a été renommé "Lesedi la Rona". Ce mot signifie "notre lumière" dans la langue la plus répandue du pays, le Tswana.

Le Botswana, pays de diamants 

Les diamants ont été découverts au Botswana en 1966, juste après l’indépendance de cette ancienne colonie britannique.

Le Botswana a connu l’une des plus fortes croissances au monde depuis les années 1960, principalement grâce à l’exploitation de ses très riches ressources en diamants, qui ont fait de lui le leader mondial de l’exportation en valeur de diamants. Le Botswana est actuellement le deuxième producteur mondial de diamants derrière la Russie (Source Rapaport, septembre 2015).

Le Botswana est surnommé "la Suisse de l'Afrique" en raison de la stabilité du pays et de sa gouvernance qui demeure l’une des meilleures du continent.

Selon une note de La Direction générale du Trésor d'avril 2016 : "L’an dernier, le pays a fortement pâti de la baisse de la demande externe en diamants, notamment américaine (1er marché mondial avec 40 % de la demande), à l’origine d’une accumulation de stocks pesant in fine sur les prix du gemme brut. La morosité du marché, liée en partie également au ralentissement de la demande des pays émergents, s’est soldée par un recul de -20 % des ventes annuelles de De Beers et de Botswana’s Okavango Diamond Company."

La découverte de Lesedi la Rona et de deux autres importants diamants devait redonner un peu d'éclat au pays : la mise en échec de la vente est une très mauvaise nouvelle.

Le Botswana fait partie depuis 2003 des pays participant au Processus de Kimberley. Pour mémoire, les accords de Kimberley (1 janvier 2003) constituent la principale initiative internationale visant à empêcher le trafic international de "diamants de guerre" , c'est-à-dire des diamants bruts servant à financer les conflits armés. Le Botswana a assuré la vice-présidence en 2005 et la présidence en 2006 du Processus de Kimberley.

Précédents records pour des diamants bruts

  • Record par le poids du brut

Le plus grand diamant du monde jamais trouvé demeure à ce jour le "Cullinan", un diamant brut de 3106,75 carats, découvert en 1905 dans la mine Premier, située à quarante kilomètres à l'est de Pretoria, en Afrique du Sud. Le Cullinan avait été fractionné en neuf grosses pierres et une centaine de plus petites.

Le Cullinan I, dit "l'Etoile de l'Afrique" orne le sceptre impérial britannique et reste à ce jour le plus gros diamant taillé incolore dans le monde. Son poids est de 530,20 carats.

Royal Collection Trust © HM Queen Elizabeth II 2016
Royal Collection Trust © HM Queen Elizabeth II 2016

Le Cullinan II, diamant de 317,40 carats, est serti sur la face avant de la couronne impériale d’apparat.

Royal Collection Trust © HM Queen Elizabeth II 2016 Cullinan II
Cullinan II. Royal Collection Trust © HM Queen Elizabeth II 2016

Tous deux font partie des joyaux de la Couronne britannique, précieusement gardés à la Tour de Londres.

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Royal Collection Trust © HM Queen Elizabeth II 2016
  • Record précédent par le prix au carat

Lesedi la Rona n'est pas le seul diamant a avoir été trouvé par Lucara dans la mine de Karowe. Deux autres diamants de 813 et 374 carats ont été découverts au même moment. Cela accrédite l'idée que la compagnie a puisé dans un filon de gros diamants...

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Diamant "The Constellation", 813 cts @Lucara Diamond Corp.

Lucara a mis en vente en mai dernier "The Constellation".
Ce brut de 813 carats a été cédé au dubaïote Nemesis International DMCC pour 63,11 millions de dollars, soit 77 649 dollars le carat. C’est le montant le plus élevé enregistré pour un diamant brut.

Quel devenir pour ce diamant hors-normes ? 

"NEW YORK, NY - MAY 03: Lesedi La Rona Diamond Still Life at Sotheby's on May 3, 2016 in New York City. (Photo by Donald Bowers/Getty Images for Sotheby's)"
Photo by Donald Bowers/Getty Images for Sotheby's

Lesedi la Rona est d'une transparence, d'une couleur et d'une qualité très prometteuses. Selon plusieurs laboratoires, dont le GIA, ce diamant aurait le potentiel pour devenir, une fois taillé et poli, le plus gros diamant du monde de qualité gemme. Sa couleur définitive sera attribuée après sa taille mais on s'attend à ce qu'elle soit classée D (le summum).

Si les doutes sont minces quant à ce que pourrait être la beauté de cette pierre une fois taillée, la première question qu'on peut se poser est tout simplement : faut-il la tailler ou pas ?

Conservé à l'état brut, Lesedi la Rona deviendrait une pièce de collection et resterait le plus important diamant du monde. C'est du moins l'avis de certains collectionneurs qui ajoutent qu'une fois le diamant Lesedi la Rona taillé, l'acquéreur court le risque qu'il ne devienne "que" le second plus grand diamant poli derrière le "Star of Africa". En effet, lors de la taille d'un brut, le pourcentage de perte peut s'avérer très important. Le dilemme éternel auquel se trouve confronté le diamantaire est de conserver le plus de poids à la pierre tout en réalisant la plus belle taille possible.

D'où la seconde question : qui serait capable de tailler Lesedi la Rona?

A priori, cette taille reviendra à l'une des trois places historiques de la taille des diamants : Anvers, New York ou Tel-Aviv.

William Lamb, CEO de Lucara Diamond Corp. considère qu'Anvers devrait être logiquement l'étape suivante : "I do not believe that there is any technical expertise outside of Antwerp that would actually have the capacity to polish the stone. If somebody is going to polish it, the probability that it will make its way back to Antwerp is better than average. If I were to buy the stone, I would bring it here. Antwerp is a centre of excellence when it comes to knowledge of polishing large diamonds. There's really no other place."

("Je ne crois pas qu'il y ait d'expertise technique possible hors Anvers qui puisse avoir la capacité de polir la pierre. Si quelqu'un doit polir le diamant, la probabilité que le diamant revienne à Anvers est forte. Si je devais acheter cette pierre, je l'apporterais ici. Anvers est un centre d'excellence en matière de connaissance de polissage des gros diamants. Il n'y a vraiment pas d'autre endroit ")

Un avis d'expert : nos questions à Monsieur Eric Hamers 

Meilleur Ouvrier de France en 1997,  PDG de la société Hamers (qui a obtenu en 2009 le label Entreprise du patrimoine vivant) président des diamantaires de France, Eric Hamers est diamantaire de père en fils depuis quatre générations. Eric Hamers nous offre un éclairage sur les défis que devra relever la taille de ce diamant brut. Nous le remercions très vivement d'avoir pris le temps de répondre à nos questions.

C.J : L'idée même de conserver le diamant dans son état brut vous paraît-elle plausible?

Eric Hamers : Non! En tant que puriste et esthète, je dirais qu'il faut tirer le maximum de cette découverte historique et donc bien sûr tailler ce diamant pour qu'il exprime tout son potentiel. Un diamant brut est en état de latence, en attente de devenir. Le diamant Lesedi la Rona est comme pétri d'un don qu'il faut travailler, alors seulement on en retirera sa quintessence. Si l'on tient à conserver trace de sa forme brute, il suffit d'en faire un moulage, on aura exactement le même rendu.

C. J : Quelle serait la taille que vous retiendriez  pour "Lesedi La Rona" ?

Eric Hamers : Ce serait une taille poire, c'est une évidence. La pierre parle d'elle-même.Je ne vois qu'une seule restriction : les impuretés et poches de gaz qu'on ne peut déceler à l'avance, et qui pourraient rendre le travail plus compliqué. Mais il y a de fortes chances que la pierre soit de même qualité que le Cullinan.

C.J : Les bruts de grosse dimension requièrent-ils une technique particulière de taille ? 

Eric Hamers : Aujourd'hui, grâce au laser, les diamantaires ont la possibilité de découper des tranches de ces pierres de dimension importante. C'est un gain considérable de temps et l'on s'épargne beaucoup de fatigue physique et nerveuse. Une fois ce premier travail réalisé, le laser permet également de réaliser un travail d'une très grande précision. Pour obtenir une  taille poire, il faudra découper des morceaux de 5, 6 ou 7 carats - ces reliquats seront ensuite vendus à 100 000 dollars le carat...

C.J : Y a t-il un type de taille préférable pour les diamants de volume important ?

Eric.Hamers : Généralement, pour les diamants supérieurs à 5 ou 10 carats, la taille royale, c'est le coussin. Mais pour Lesedi la Rona, l'idéal sera la taille poire. Je crains qu'on ne réalise une taille conforme aux standards académiques. Par exemple, la taille brillant ronde, créée en 1919 par le diamantaire belge Marcel Tolkowsky,  comprend 57 ou 58 facettes : c'est la taille idéale selon les standards internationaux, et c'est aussi la taille la plus populaire aujourd'hui... mais la pratiquer quelle que soit la taille de la pierre n'a pas de sens. Le risque est que le Lesedi la Rona subisse ce traitement standardisé, alors qu'une réflexion précise sur la nature et l'identité de cette pierre devrait amener une taille spécifique.

On ne devrait jamais oublier jamais que la beauté d'une pierre taillée vient de l'harmonie de ses proportions, donc de l'équilibre entre la forme donnée à la pierre et le nombre de facettes. Sachant que l'indice de réfraction du diamant (le rapport entre la célérité de la lumière dans le vide et celle dans la pierre) indique que la lumière pénètre 2,4 fois moins vite dans le diamant que dans l'air, le principe est de bloquer la lumière par le jeu complexe entre les facettes. Aussi, si l'on me donnait à tailler une pierre de ce volume, je doublerais les clôtures (ou haléfis), c'est-à-dire les facettes en forme de triangle qui bordent le rondiste de la pierre : le travail du diamantaire consiste en somme à capturer la lumière pour la rendre prisonnière de la pierre, et par ce doublement que permet la dimension de la pierre, je retiendrais un maximum de lumière.

C.J : Quel pourcentage de perte pourrait-il y avoir sur un tel brut?

Eric Hamers : On peut estimer que le Lesedi la Rona perdra au maximum 50% de son poids lors du processus de taille - et même moins si la taille était réalisée dans mon atelier! Ce que j'appelle "perte", c'est au sens propre du terme, le diamant qui part en poudre, en fumée. Aujourd'hui, grâce au découpage de tranches au laser, les pertes sont considérablement réduites.

C.J : Un vœux pour l'avenir de cette pierre?

Eric Hamers : Qu'elle soit taillée avec talent, imagination et goût! Ce qui serait triste, c'est que la taille, même si elle est bien réalisée, soit impersonnelle, froide, et finalement sans âme.

***

N'en doutons pas : le Lesedi la Rona sera vendu un bon prix, même s'il est inférieur aux attentes. L'histoire de ce diamant est donc encore à écrire. On imagine qu'une fois taillé et poli, le Lesedi la Rona réapparaîtra, bardé des meilleurs certificats, lors d'une nouvelle mise aux enchères qui, de nouveau, défraiera la chronique.

Pour aller plus loin : 

Botswana’s Scintillating Moment
Peer Reviewed Article
Robert Weldon and Russell Shor
Gems & Gemology, summer 2014, Vol. 50, No. 2

Botswana’s diamond industry loses its sparkle

Gavin du Venage. The National, Business, December 20, 2015

De Beers et le Botswana une alliance taillée sur mesure
Par Christophe Le Bec, Jeune Afrique, 3 février 2016

 

Crédit : Donald Bowers/Getty Images for Sotheby's


Diamants de couleur : une brillante compétition

Depuis quelques années, les diamants de couleur connaissent un engouement incroyable et ne cessent d'atteindre de nouveaux records de vente. En témoignent les deux ventes aux enchères qui ont eu lieu à Genève chez Sotheby's le mardi 17 mai et chez Christie's mercredi 18 mai 2016.

David Bennett, Président du département International Haute Joaillerie chez Sotheby's orchestrait la vente du 17 mai 2016 à Genève. @Sotheby's

Deux pierres en particulier ont atteint des sommets.

La première est le "Unique Pink", plus grand diamant rose vif  "fancy vivid pink" de taille poire jamais proposé aux enchères. Pesant 15,38 carats, il a atteint un prix record de 31,56 millions de dollars (soit 27,88 millions d'euros) tous frais inclus ce qui met le prix du carat à 2 052 094 dollars!
Lot 495 - The Unique Pink
La seconde est le "Oppenheimer Blue", un diamant bleu de 14,62 carats classé "fancy vivid blue", la couleur la plus rare pour un diamant bleu. Il était estimé entre 38 et 45 millions de dollars et a été vendu 57,5 millions de dollars (soit 51,24 millions d'euros) devenant ainsi le diamant bleu le plus cher jamais vendu aux enchères. Il a battu le précédent record détenu par un diamant de 12,03 carats le "Blue moon of Josephine" qui avait atteint 48,4 millions de dollars chez Sotheby's à Genève même en novembre dernier.

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Le diamant "Oppenheimer Blue" @Christie's

Le diamant le plus cher jamais vendu reste à ce jour le "Pink Star".  Cet extraordinaire diamant rose "fancy vivid" de 59,60 carats avait été adjugé le 13 novembre 2013 pour 83,19 millions de dollars, soit 61,87 millions d'euros (hors commission). L'ironie de cette vente marquant un record historique est que son acheteur, le diamantaire new-yorkais Isaac Wolf, se révéla incapable de le payer et dut le restituer à la maison Sotheby's.

Comment expliquer cette folie qui entoure les diamants de couleur ? Une simple mode peut-elle  justifier des prix astronomiques? Quel mystérieux attrait émane donc de ces pierres?

Tout d'abord, il est indéniable qu'il existe une clientèle pour des pierres de la plus haute qualité ou en provenance de collections nobles. Si les acheteurs restent le plus souvent anonymes, on sait néanmoins que la clientèle vient maintenant en partie de marchés émergents comme la Chine et l'Inde, mais aussi de Russie et des Emirats. Le "Blue moon of Josephine" avait été acquis par un magnat de Hong-Kong, Joseph Lau, et le "Unique Pink" a lui aussi été acheté par un "amateur asiatique".

Au-delà d'un certain prix, 100 000 euros au minimum, la pierre devient une valeur refuge. Elle se transporte aisément et discrètement. Sa valeur est internationale et, pourrait-on dire, intemporelle. De plus, au moment où de nombreuses mines s'épuisent, les diamants de Golconde, les rubis birmans, les saphirs du Cashemire ou de Birmanie sont garants par leur provenance mythique de qualité, de rareté et de beauté. Le fait de provenir de mines épuisées ou en voie d'épuisement leur confère une aura et une valeur supplémentaires.

Jetons un coup d’œil dans les coulisses de l'univers du diamant, les lieux où ils se forment, leur composition, leurs gisements et soulevons le voile de l'origine de leur couleur. Ces aspects techniques permettent de comprendre à quel point les diamants, et ceux de couleur en particulier, sont rares et fascinants. Après les coulisses, nous reviendrons au rêve avec un défilé des principaux "fancy diamonds" qui ont affolé les ventes aux enchères ces derniers temps.


Diamant "The Argyle Violet", 2.83 carats. Le plus gros diamant violet issu des mines de diamants d'Argyle, Australie. Copyright@2016 Rio Tinto.

Un diamant, mais à tout prendre, qu'est-ce ?

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Diamant de Golconde de couleur "fancy light Orangy pink". 11,49 carats. VS1. @Christies

Les gemmologues s'accordent à reconnaître dans le diamant la plus prestigieuse des gemmes.

Son étymologie vient du grec "adamas" qui signifie "indomptable". C'est en effet la pierre précieuse la plus dure. Sur l'échelle de Mohs, sa dureté est de 10, c'est à dire qu'elle peut rayer toutes les autres pierres et que seul un autre diamant peut la rayer. Il faut faire attention néanmoins, notamment lors de la taille du brut ou du polissage, car le diamant est une pierre qui se clive - elle présente donc une certaine fragilité.
Le diamant peut-être transparent, translucide ou opaque et de toutes les couleurs, d'incolore à noir. Il diffracte la lumière dans les couleurs de l’arc-en-ciel : on dit qu'il brille de mille feux et son éclat est plus vif que celui de toutes les autres gemmes

Les spécialistes évaluent les diamants selon quatre critères universels que l'on appelle les " 4C" : à savoir le poids en carat ("Carat", 1 carat = 0,20 g)), la couleur ("Colour", avec une échelle de D à Z), la pureté ("Clarity") et la taille ("Cut").

Selon les géologues, et pour reprendre l'expression d'Eloïse Gaillou, le diamant est "le messager de la terre profonde".

Brièvement, rappelons que le diamant est un minéral constitué d’atomes de carbone (C) compactés cristallisant dans le système cubique. Son indice de réfraction est de 2,42 et sa densité de 3,52. Il se forme entre 150 km et 800 km de profondeur, sous de très hautes pressions et à de très hautes températures (de 1100 à 1200°c), dans des roches qui s’appellent éclogites et péridotites et qui constituent  le manteau terrestre. Il se pourrait que le carbone, quant à lui, soit puisé dans le noyau de fer de notre planète.

Comment le diamant remonte-t-il à la surface ? Le diamant remonte grâce à des phénomènes éruptifs qui le propulsent à une extrême vitesse en surface : de 4 à 20 mètres par seconde. Dans les cas extrêmes, le diamant est propulsé à la vitesse du son. C'est cette vitesse qui empêche le diamant de se transformer en sa forme basse pression/basse température, le graphite.

Ces éruptions révèlent le manteau terrestre en profondeur. La kimberlite est le nom de la lave qui, sur son passage, arrache les diamants à leur roche-mère et les remonte en surface. Le diamant ainsi que ses inclusions (grenat, ilménite, diopside, graphite) restent identiques en surface à ce qu'ils sont dans les entrailles de la terre, contrairement à toutes les autres roches, qui remontent transformées.

Quelles sont les différents types de roches où l'on trouve du diamant? La kimberlite est la principale roche-hôte du diamant. Les premières kimberlites ont été localisées en Afrique du Sud, à la fin du XIXe siècle, sur le site de Kimberley, d'où leur nom. Ces roches ont souvent été démolies par l'érosion, et les diamants, extrêmement résistants, ont été retrouvés dans les graviers. Les principaux pays producteurs de diamants issus de formations alluvionnaires (rives des cours d'eau) sont l'Inde, le Brésil, Bornéo, l'Afrique centrale et la Namibie. Quelques diamants se forment dans une autre roche "hôte" que la kimberlite, comme la lamproïte, dont sont extraits par exemple les diamants des mines d'Argyle en Australie. Enfin, quelques diamants présentant principalement un intérêt géologique proviennent de la lamprophyre qui se trouve dans les plus vieux cratons terrestres comme à Wawa, dans l'Ontario au Canada.

Peut-on déterminer l'âge des diamants?  La réponse est oui ! Les inclusions et les petits éléments chimiques permettent une datation assez précise aujourd'hui. Les plus jeunes diamants ont une soixantaine de millions d'années et les plus anciens trois milliards d'années, la plupart des diamants étant "âgés" d'un milliard d'années. C'est pourquoi le diamant est par excellence le "témoin du passé" (E.Gaillou).

Du point de vue historique, on ne peut parler de diamants sans évoquer l’Inde, le Brésil et l’Afrique.

L’Inde est le berceau du diamant. En particulier, les mythiques mines de Golconde d'où sont issus les plus anciens et les plus beaux diamants. Les empereurs moghols accumulaient massivement les diamants qui en étaient extraits et les maharajahs qui les suivirent s'en parèrent ostentatoirement durant quelques décennies. Rappelons que c'est en Inde que Jean-Baptiste Tavernier acquit pour Louis XIV le merveilleux diamant Bleu de la Couronne de France, aujourd'hui retaillé et baptisé le Hope. C’est aussi d’Inde que provient le Régent, considéré comme le plus beau diamant historique du monde.

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Diamant le Régent – Photo (C) RMN-Grand Palais / Droits réservés

Au Brésil, les gisements ont été trouvés vers 1725 au moment où les mines indiennes commençaient à s'épuiser. Les gisements brésiliens continuent à faire rêver de nombreux chasseurs de gemmes. En 1938, deux "garimpeiros" (chasseurs d'or) ont découvert dans les alluvions du Rio San Antonio dans le district de Coromandel, un énorme diamant brut de 726 carats qui fut taillé en 29 pierres et dont est issu le célèbre "Président Vargas" un des plus gros diamants du monde : 44,17 carats, de couleur D et de type IIa (nous allons revenir sur la signification de ce type un peu plus bas)

En Afrique, la découverte des premiers gisements de diamants s'est faite en Afrique du Sud. Le premier diamant trouvé en 1866 fut appelé "Eureka"

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Le diamant Eureka, brut de 21,25 carats découvert en 1866 en Afrique du Sud . Kimberley Mine Museum.

mais c'est "L'étoile de l'Afrique du Sud", un diamant brut de 83,5 carat découvert en 1869 par un berger Griqua, qui a déclenché la première ruée vers le diamant.

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L'Etoile de l'Afrique du Sud, diamant découvert en 1869. London's Natural History Museum

La découverte de ces mines africaines a permis de comprendre que les diamants proviennent des cheminées des volcans par lesquelles ils sont remontés. Leur extraction ne se fait plus seulement dans des gisements de surfaces mais s'effectue principalement dans des gisements primaires (pipes kimberlitiques) à ciel ouvert (carrière) ou en souterrain. Il faut traiter en moyenne 200 tonnes de roches pour trouver un carat de diamant...

La découverte de ces gisements à la fin du XIXème siècle a amené la fondation du groupe De Beers qui a longtemps dominé le marché mondial du diamant et instauré un des cartels les plus longs de l’histoire récente.

Les sous-sols de l'Afrique du Centre et du Sud sont riches et de nos jours d'importants gisements de diamants sont exploités au Botswana, en Angola, au Congo, en Namibie et toujours, en Afrique du Sud..

carte d'implantation des mines de diamants
carte d'implantation des mines de diamants. @http://www.diamants-infos.com

Aujourd'hui, la plupart des autres grandes mines hors Afrique se trouvent en Russie où d'importants gisements ont été découverts dans les années 1950, en Australie et aussi, depuis 1999, au Canada qui est devenu le nouvel Eldorado du diamant.

Les centres de taille des diamants se sont internationalisés. La taille des gemmes se fait non plus seulement à Anvers, New York ou en Israël, mais généralement en Inde, en Chine ou en Afrique du Sud.

Dans les coulisses des diamants de couleur

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Diamants "fancy blue" et "fancy orangy pink" de 8,85 et 8,79 carats.@Sotheby's

Dans son article publié dans la revue de l'AFG (n°185) sur la couleur des diamants naturels et intitulé "De la beauté des défauts", Eloïse Gaillou explique que le diamant est par nature incolore mais qu'il n'est cependant jamais composé à 100% d'atomes de carbone. C'est-à-dire que même incolore, il comprend des "défauts" qui sont "des atomes manquants ou traces d'azote ou d'hydrogène". Lorsque ces atomes autres que le carbone sont "présents en arrangement atomique et concentration spécifiques, ces composants mineurs peuvent causer une absorption de lumière visible, donnant naissance à de la couleur". D'une manière générale, l'absorption sélective de certaines longueurs d'ondes du visible, et donc la transmission de celles qui ne sont pas absorbées, provoquent les couleurs dans les gemmes. La couleur perçue est le complémentaire de la lumière absorbée.

Deux types de diamants sont aujourd'hui différenciés afin de rendre compte de leurs principales propriétés physiques (décelables en spectrométrie infra-rouge). Cette classification permet aussi de comprendre l'origine de la couleur et a bien évidemment une influence sur le prix, puisque cette classification permet de déterminer la rareté des diamants.

Les diamants de type I : contiennent de l'azote

Diamant type Ia : petits groupes d'azote qui se substituent au carbone.
98% des diamants appartiennent à ce groupe et sont généralement incolores, jaunes ou bruns.

Diamant type Ib : atome d'azote isolé qui se substitue à un atome de carbone pour 0,1% . Rare.
Seulement 1% des diamants sont de type Ib et leur couleur varie du jaune, au jaune intense et à l'orange.

Il existe également des sous-catégories IaA et IaB, ainsi que des
Diamants type IaAB qui présentent à la fois des agrégats d'azote A et B.

 

Et les diamants de type II : Il n'y a pas d'azote détecté en spectrométrie infrarouge dans les diamants de cette catégorie. Ceux sont les diamants les plus purs, de structure parfaite.

Diamant type IIa, Très rare.
Seulement 0,8% des diamants appartiennent à ce groupe et sont généralement incolores, rose, violet, vert, brun.

Diamant type IIb (contenant du bore). Extrêmement rare,
0,2% des diamants appartiennent à cette catégorie,
Leur couleur varie du bleu au gris.

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Superbe diamant de couleur naturelle "Fancy vivid blue" de 7,32 carats, IF (sans défaut). @Sothebys

Les diamants de couleur sont très rares. Il faut savoir qu'en moyenne on trouve un diamant de couleur pour dix mille diamants incolores (source GIA). Toutes les couleurs existent dans le diamant. Et selon la beauté, l'intensité et la rareté de la couleur, la valeur de la gemme diffère.

La "couleur" est ainsi le critère d'évaluation premier du diamant de couleur prenant le pas sur les trois autres "C".
Si la couleur des diamants incolores s'évalue entre les lettres D et Z (D étant le summum et Z la plus mauvaise teinte, entre jaunâtre et brunâtre), pour ce qui est des diamants de couleur, c'est exactement l'inverse! Plus la couleur est intense, plus beau est le diamant.

Les diamants de couleur que l'on rencontre le plus - et qui sont ceux qui plaisent souvent le moins - sont les diamants bruns, puis les jaunes. Dans les années 1980, les diamants bruns n'intéressaient encore personne et servaient principalement à l'industrie. C'est grâce à une excellente campagne marketing menée dans les années 1990 par la mine d'Argyle en Australie (où 70% des diamants extraits sont bruns!) que ces diamants sont devenus à la mode. Ils sont vendus sous le nom de diamants "cognac" ou "champagne". La mine d'Argyle produit toujours des diamants bruns mais elle est principalement célèbre pour ses diamants roses.

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Diamants "cognac" des mines d'Argyle. Copyright@2016 Rio Tinto

 

Les diamants les plus rares sont les diamants orange, vert, violet et rouges. Les plus recherchés sont les roses, les bleus et les rouges. Les rouges, très rares, se caractérisent généralement par leur petite taille.

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Diamants de couleur extraits des mines d'Argyle. Copyright@2016 Rio Tinto

Les diamants de couleur spéciale "Fancy Color"sont classés selon neuf degrés de teinte, la couleur la plus recherchée étant "fancy vivid" :

Faint
Very Light
Light
Fancy Light
Fancy
Fancy Intense
Fancy Vivid
Fancy Deep
Fancy Dark

La gradation de la couleur d'un diamant s'effectue autour de trois critères fondamentaux : la teinte (couleur de la gemme), le ton (se réfère au degré de clarté, de luminosité de la gemme, de clair à foncée) et la saturation (décrit l'intensité ou la vivacité de la couleur).

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Les différentes intensités de couleur du diamant. Source GIA

Les provenances historiques et actuelles les plus connues de diamants de couleur sont l'Inde, l'Afrique du Sud et l' Australie. D'autres sites miniers de diamants, dont le Brésil, le Venezuela, la Guyane, et l'Indonésie, produisent également des diamants de couleur.

 

Pour aller plus loin :

Dossier "De la beauté des défauts : couleur des diamants naturels, Eloïse Gaillou, George R.Rossman. Revue de l'Association Française de Gemmologie N°185. Septembre 2013

Musée de Minéralogie de l'Ecole des Mines
60 boulevard Saint Michel. 75006 Paris
Ouvert : Mardi - vendredi : 13h30 - 18h
Samedi : 10h - 12h30 et 14h - 17h

Je remercie Eloïse GAILLOU, Conservatrice adjointe du Musée de Minéralogie, pour son aide au sujet de la géologie du diamant ainsi que sur l'origine des couleurs dans les "fancy diamonds".

S'il y a des erreurs, elles ne sont imputables qu'à moi-même. N'hésitez pas à me contacter pour modifier ou corriger une donnée : capucine@propertyofalady.fr

 

Collection Printemps-Eté 2016 des diamants de couleur chez Sotheby's et Christie's

Bleu comme... l'"Oppenheimer Blue"

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The Oppenheimer Blue. Carte d'identité : diamant "fancy vivid blue" de 14,62 carats. VVS1. Taille émeraude. mesures : 18,64 x 12,09 x 7,24 mm. Magnificent Jewels. Genève, 18 mai 2016 @Christie's

Ce diamant de 14,62 carats faisait partie de la collection du célèbre diamantaire londonien Sir Philip Oppenheimer dont il tire son nom. Sir Oppenheimer (1911-1995) a contrôlé pendant un demi-siècle le marché mondial du diamant via la société De Beers.

Ce diamant provient de la mine Cullinan (anciennement nommée mine Premier), en Afrique du Sud, là où en 1905 le plus gros diamant brut du monde "Le Cullinan", pesant 3106 carats, avait été découvert.
Si la couleur du diamant n'est pas due à son origine géographique ni géologique, néanmoins, la Mine du diamant Cullinan est l'une des plus importantes sources de diamants bleus dans le monde.
L'origine de la couleur bleu dans le diamant s'explique par la présence d'atomes de bore qui se substituent aux atomes de carbone. Il suffirait même d'un seul atome de Bore face à des millions d'atomes de carbone pour que la pierre se colore en bleu. L'intensité de la couleur dépend intrinsèquement de la concentration d'atomes de Bore.  L' "Oppenheimer Blue" est caractéristique du type IIb.

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The Oppenheimer Blue@Christie's

Classé "fancy vivid", ce diamant est de la couleur la plus recherchée pour les diamants bleus. Il est d'un bleu intense, vif, absolument remarquable. Le Gemological Institute of America a vu passer dans ses laboratoires 462 diamants bleus : seuls 1% d'entres eux étaient des "fancy vivid". Et quand on ajoute que les diamants bleus représentent environ 0,0001% des diamants du monde, alors le prix stratosphérique atteint par le Oppenheimer Blue paraît presque... compréhensible.

Blue tone and saturation chart from G&G
Blue tone and saturation chart from GIA

La maison Christie's, fondée en 1766 par James Christie's fête cette année son 250ème anniversaire. Elle s'est montrée fière, lors de cette vente de l'Oppenheimer Blue, de rappeler les autres diamants bleus de prestige passés sous son marteau depuis 150 ans : en 1864, the "Idol's Eye" de 70,21 carats, en 1931 le "Wittelsbach" de 35,56 carats, en 1984 le "Tereschenko" de 42,92 carats, en 1995 le "Begum Blu" de 13,78 carats et en 2008 le "Wittelsbach" de 35,56 carats.

Brun comme... un diamant anonyme

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Diamant brun de 12,61 carats serti de deux diamants incolores triangulaires @ Christie's

Le brun est la couleur la plus commune pour le diamant. Comme nous l'avons vu précédemment, c'est une teinte qui est appréciée depuis quelques années seulement, grâce à la campagne marketing orchestrée dans les années 80 par la mine d'Argyle d'où sont extraits nombre de ces diamants bruns. Dans le diamant, le brun se présente rarement pur.

Ainsi cette bague (lot 176) a été classée "Fancy Deep Brown- Yellow colour", mélange entre deux couleurs le brun et le jaune. Sa valeur est moins élevée que celle des autres diamants de couleur présentés au Four Seasons Hôtel des Bergues. Estimée entre 22 000 et 32 000 dollars, cette bague a été acquise pour le double de son estimation haute soit 61,231$.

Quelle est la cause de la couleur du diamant brun? "C'est la combinaison de nombreux facteurs qui donne la couleur brune" explique Eloïse Gaillou. Ce n'est pas un élément chimique en particulier qui donne la couleur brune "Il n'y a pas d’absorption dans tel endroit du spectre ni dans tel autre. Toutes les couleurs sont plus ou moins absorbées".
La couleur est engendrée par une déformation plastique du minéral dans le manteau terrestre. Cette déformation plastique induit des trous dans la structure atomique du diamant. Ainsi, le diamant subit des contraintes qui le déforment mais ne le cassent pas. Ces trous induisent une absorption qui donne la couleur brune. La couleur est donc créée après la croissance du diamant et avant qu'il ne remonte à la surface.
En gemmologie, on parle de "graining" pour illustrer ces phénomènes de tension que l'on constate dans le diamant et qui s'expriment en des lamelles de couleur dans la structure cristalline de la pierre.

Orange vif-jaune comme... "The Oriental Sunrise"

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The Oriental Sunrise@Christie's

Cet appairage de diamants ovales intensément colorés est exceptionnel et constituait un des attraits majeurs de la vente de Christie's.

Si 98% des diamants sont de type Ia , seulement 1% appartiennent au type Ib. Ce qui est le cas des deux diamants composants ce lot. Leur couleur est due à la présence d'atomes d'azote isolés. Ces diamants sont très rares dans la nature explique Eloïse Gaillou car "l'azote a tendance à migrer et à s'agréger au cours du temps", ce qui signifie concrètement que ce sont des diamants "jeunes", de soixante millions d'années peut-être, comparés à leurs aînés qui ont un milliard d'années sinon plus!

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The Oriental Sunrise, sans leur monture. @Christie's

L'appairage de ces deux diamants constitue une rareté. Les pierres possèdent les mêmes propriétés chimiques et sont assorties aussi par leur couleur, leur taille et leur poids. Le premier diamant de 12.20 ct, est classé "Fancy Vivid" de couleur orange-jaune et de pureté VVS2.
Le Gemological Institute of America (GIA) classe aussi en "Fancy Vivid" de couleur orange-jaune le second diamant de 11,96 carats et de pureté VS1.

Estimé entre 9 500 000 et 12 500 000 dollars, "The Oriental Sunrise"  a été acquis pour 11 598 087 dollars.

Rose comme... le "Unique Pink"

Parmi tous les diamants de couleur évalués par le GIA chaque année, à peine 5% sont de couleur rose et une infime proportion de ces derniers est classée "Vivid". Le Unique Pink est d'une couleur aussi rare que recherchée.

The Unique Pink (ii)

Ce diamant provient d'une mine d'Afrique du Sud où il a été découvert il y a presque cinq ans. Il a été taillé, poli et mis en vente par la société Cora International LLC, une des entreprises leader mondiale spécialisée dans la taille de gemmes importantes. Forme et taille font parfaitement ressortir l'intensité du rose. Ehud Laniado, président de Cora International a déclaré: "Au cours des onze dernières années, les diamants roses ont augmenté en valeur de plus de 350 pour cent. Par comparaison, l'or a augmenté d'un peu plus de 160 pour cent, selon la Fondation pour la recherche Fancy Color ".

Le "Unique Pink" est de type IIa, qui révèle généralement des diamants de transparence et de pureté exceptionnelles. Un extrait de la monographie du GIA montre que dans une précédente analyse, sur 1490 diamants roses étudiés, 1166 étaient de type I et 324 étaient de type II.

Quelle est l'origine de ce rose vif ? Pour les diamants de type IIa, il y a deux possibilités explique Eloïse Gaillou dans son article "De la beauté des défauts : couleur des diamants naturels" (revue de l'AFG n°185). Soit ils sont colorés par de la déformation plastique, soit la couleur provient de l’absorption des centres NV qui impliquent un atome d'azote associé à une lacune (une lacune représente l'absence d'un atome de carbone). Mes compétences en physique ne me permettant pas de vous en dire plus, n'hésitez pas à consulter la thèse de Frédéric Moutier , en particulier le chapitre III consacrée à l'étude d'une collection de diamants.

The Unique Pink (iii)
The Unique Pink@Sothebys

Ainsi, la couleur la plus rare, le type le plus pur et un poids de 15,38 carats justifient le nom de "the Unique Pink" et son record de prix chez Sotheby's.

Rouge comme... l'"Argyle Cardinal"

Il n'y avait pas de diamants rouge à Genève cette saison, néanmoins voici un diamant passé aux enchères il y a un an et demi, d'une grande beauté et dont le prix très élevé a été tenu secret.

Tout d'abord, il faut savoir que le Gemological Institute of America recense moins de trente diamants rouges dans le monde,  Pour l'anecdote, le laboratoire n'en a eu aucun à analyser entre 1957 et 1987. Dire que le diamant rouge est rare est presque un euphémisme!

Argyle Pink Diamonds Fancy red diamonds
Argyle Pink and Fancy red diamonds. Copyright@2016 Rio Tinto

Le groupe minier anglo-australien Rio Tinto proposait lors de sa vente annuelle en octobre 2014 cinquante-et-un diamants roses et pourpres et quatre rouges rarissimes, extraits de sa mine d'Argyle, en Australie.
Cette mine produit plus de 90% des diamants roses connus dans le monde.

argyle cardinal
le diamant "Argyle Cardinal". Copyright@2016 Rio Tinto

La pièce-maîtresse de la vente était le magnifique "Argyle Cardinal" de 1,21 carat, qui tient son nom d'un passereau d'Amérique du Nord. La photo fait paraître le diamant plus important qu'il n'est vraiment. Tout comme les diamants rouges sont rarissimes, leur poids ne dépasse que très rarement le carat.

La couleur rouge est assimilée à un rose très intense. Elle a donc pour origine une déformation plastique postérieure à la croissance du diamant.

Ce diamant rouge a été acheté par Glenn Bakker pour un montant non divulgué.

Quant au plus gros diamant rouge jamais extrait de la mine, il s'agit de l' "Argyle Phoenix" de 1,56 carat, acquis pour plus de 2 millions de dollars en octobre 2013 par un joaillier de Singapour.

 

Vert comme...  "The Aurora Green"
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C'est le diamant star de la vente Christie's prévue à Hong-Kong ce 31 mai 2016 et qui était présenté à Genève en avant-première. L'"Aurora Green" est un diamant vert vif classé "fancy vivid" de 5,03 carats. C'est le plus grand diamant vert naturel présenté à ce jour dans une vente aux enchères.

La couleur verte dans les diamants provient d'une irradiation naturelle - ou pas! En effet, des diamants verts de synthèse peuvent être obtenus en laboratoire. Souvent, les diamants verts contiennent une couleur jaunâtre, brunâtre ou grisâtre quand ils ne voient pas leur couleur concentrée uniquement sur la surface. La couleur verte tend alors à disparaître lors de la taille de ces diamants. Les diamants verts naturels purs sont très recherchés et leur valeur est proportionnelle à l'intensité de leur saturation.

Le plus célèbre diamant vert du monde est le "Vert de Dresde", diamant historique de 41 carats, de type IIa,  taillée en poire, de couleur "fancy green". Il proviendrait des mines de Golconde et avait été acheté en 1741 par l’Electeur de Saxe Frédéric-Auguste II. Ce diamant est aujourd'hui visible dans le Musée de la Voûte Verte à Dresde.

La monture en or rose du Aurora Green est sertie de vingt diamants roses de taille brillant et a été commanditée par la maison Christie's. Le rose fait ressortir sa couleur complémentaire le vert. La bague est de petite taille. Cette bague correspond parfaitement aux attentes du marché asiatique.

The Aurora Green est estimé entre 16 000000 et 20 000000 dollars US.

Il a été vendu 16,8 millions, atteignant ainsi un prix record pour un diamant vert - soit 3,343,733 $ le carat. Le "Aurora Green" a attiré 197 acheteurs provenant de dix-neufs pays et des cinq continents! L'acquéreur de ce diamant est Chow Tai Fook Jewellery Co LTD.

 

Les diamants de couleur, on l'aura compris, occupent aujourd'hui le premier rang sur le marché du diamant. Le facteur gemmologique est évidemment essentiel (rareté, pureté, etc.) mais entrent en ligne de compte également des préférences esthétiques selon les régions du monde, et même des effets de mode, si l'on songe aux diamants bruns. D'autres ventes de diamants de couleurs offriront sans doute de nouveaux records car leur rareté grandit. En outre, dans un monde de taux très bas ou nuls, investir dans un diamant rare reste un placement incroyablement attractif et rentable. Le tout est de pouvoir se le permettre !

 

Pour aller plus loin :

Diamant, voyage au cœur d'une obsession de Matthew Hart. Léméac/Actes Sud

Voici le site de Matthew Hart

François Farges & Thierry Piantanida, Le Diamant Bleu, Michel Lafon (octobre 2010).

Voici un bref reportage sur "The Blue Moon Diamond" réalisé par Ehud Arye Laniado, Chairman of Cora International LCC

Pour connaître l'actualité des principales ventes aux enchères et découvrir une sélection aiguisée des pièces les plus remarquables, suivez le gemmologue.com

Remerciements à Catherine Allen chez Sotheby's et Marie-Cécile Cisamolo chez Christie's.