Les Seventies sont de retour
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L’âge d’or… de l’or jaune
La joaillerie des années 70 est notamment reconnaissable à l’utilisation quasi exclusive de l’or jaune. Les périodes de guerre et d’après-guerre avaient vu l’or rose faire une entrée en force. Outre qu’il correspondait à une mode, cet engouement tenait également au fait qu’il fallait réemployer le métal des clients pour pallier au manque d’approvisionnement. Mais dès les années 60, l’or jaune supplante l’or rose. Avec sa couleur puissante, l’or jaune attire le regard et offre des jeux de lumière qui inspirent les joailliers. Métal le plus malléable et ductile de tous, il permet aux créateurs des années 70 de laisser libre cours à leur imagination et d’explorer toutes les possibilités offertes par ce médium.
L’or jaune est alors travaillé comme jamais auparavant : torsadé, granulé, froissé, martelé, ciselé, oxydé… L’or devient un langage, il revêt différentes textures, se meut en un fil, un ruban, un tissu pour répondre aux jeux de matières exprimés dans la mode. Bien plus qu’une simple structure pour le bijou, l’or en dessine la pièce, lui donne sa forme, son caractère. Par sa couleur jaune, il souligne et met en valeur les volumes tout en donnant une harmonie d’ensemble.
Cet engouement pour l’or jaune s’explique également par la tendance ethnique présente dans la joaillerie des années 70. La récession de cette décennie tempère l’exubérance des années 60 : l’époque est à l’ouverture culturelle et le monde occidental se tourne vers d’autres cultures. La mode et la joaillerie se mettent à la recherche d’inspirations ethniques. Si l’influence de la joaillerie indienne est ancienne, les années 70 permettent un nouvel élan et la découverte de nouveaux codes. Les dessins des prestigieuses maisons ne peuvent dissimuler un parfum venu d’Orient : l’association des diamants et de l’or jaune est révélateur de cette influence. Dans la joaillerie occidentale, le diamant est traditionnellement associé à un métal blanc : argent, platine ou or blanc, afin de mettre en valeur la blancheur de la pierre. Mais en l’associant à l’or jaune, la lumière vive du diamant relève la couleur chaude de l’or tout en offrant ce fameux contraste de matières tant recherché.
L’ouverture culturelle propre aux années 70 permet également de se tourner vers d’autres époques. En s’inspirant des bijoux anciens, la maison italienne Buccellati rencontre un vif succès. En véritable orfèvre, Buccellati puise aux meilleures sources de la tradition artistique italienne, de la dentelle de Burano à l’orfèvrerie romaine en opus interrasile, pour redonner vie aux techniques anciennes de ciselage, martelage et nielle. Ces nouvelles sources d’inspiration permettent également de s’ouvrir à des matières oubliées.
Le joaillier Louis Gérard prend le parti d’assembler l’or au cristal de roche, matière phare des XVIe et XVIIe siècles. Ancien joaillier de Van Cleef & Arpels, il fonde la maison M. Gérard en 1968. Inspiré par la tradition d’hier mais adoptant des lignes modernes, il taille, sculpte et grave le cristal en l’associant à l’or jaune, aux diamants et à des pierres de couleur de grande qualité. Si le cristal fut redécouvert dès les années 1925, il était alors utilisé pour donner aux bijoux une ligne géométrique. Loin des formes épurées de l’Art Déco, le cristal de roche adopte dans les années 70 un mouvement fluide, floral, tout en rondeur et souplesse. Sous les mains de Louis Gérard, il peut être poli pour montrer sa pureté ou sablé pour dévoiler sa blancheur. Sa transparence et sa limpidité tranchent avec la chaleur de l’or jaune et la lumière vive du diamant.
Par cette effervescence et cette vague créative, les années 70 permettent à certaines maisons de renouveler leur répertoire et de connaître un second souffle. C’est le cas de la maison Chaumet : surnommée dans les années 60 la « Belle au bois dormant », celle-ci s’offre un nouveau regard à travers le talent et l’imagination du dessinateur René Morin engagé en 1962. Formé dans les ateliers de la bijouterie parisienne Murat, il se passionne pour le traitement des matériaux et l’art des métaux, un intérêt qui le mène à inventer en 1968-1969 le concept de l’or sauvage : l’or est travaillé mat ou poli vif afin de lui donner un rendu naturel, brut. Associé à des pierres de couleurs gravées et aux diamants, l’inspiration indienne est manifeste. Le succès de ces pièces ne se fait pas attendre : colliers, bagues, bracelets ou parures en or sauvage sont vendus à la boutique de la place Vendôme.