Inlassablement Belperron : la cote toujours au firmament d’une artiste joaillière
La vente aux enchères organisée le mercredi 3 juillet par la maison Aguttes, intitulée « Collection Marinier – L’écrin Belperron d’un couple de la Café Society », a suscité un engouement considérable.
Selon Olivier Baroin, expert de Suzanne Belperron (1900-1983), l’intérêt pour les créations de Suzanne Belperron reste très vif :« Les collectionneurs ne se lassent pas ; ils sont férus de Belperron ».
La Collection Marinier réunissait six pièces créées entre 1936 et 1957 par Suzanne Belperron : un collier d’émeraudes gravées, un bracelet « nid d’abeille » en saphirs et diamants, deux paires de pendants d’oreilles, une bague « Boule » en saphirs et diamants, et un clip « Feuilles » assorti. Ces bijoux, demeurés dans la famille Marinier jusqu’à aujourd’hui, ont totalisé près de 530 000 euros, quatre d’entre eux figurant dans le top 5 de cette vacation “joaillerie” qui comptait deux cent neuf lots.
La cote de Suzanne Belperron est-elle estimable ?
Philippine Dupré la Tour, experte chez Aguttes, voit dans le succès de ces ventes un hommage au génie créatif de Madame Belperron. Au cours des deux dernières décennies, les prix de ses créations ont flambé, faisant de son nom la signature la plus recherchée dans les ventes aux enchères de joaillerie.
On note que les estimations faites en 2024 sont, en euros, en ligne avec les estimations faites en francs en 1977 par Madame Belperron elle-même pour sa cliente Madeleine Marinier. Il semble presque que les valeurs de 1977 aient été simplement converties en euros.
Quelques exemples frappants illustrent cette constance :
- Collier d’émeraudes gravées (Lot 74) :
Prix estimé 45 000 francs en 1977
35 000 – 45 000€ en 2024
Résultat de vente (frais inclus) : 160 064€
- Boucles d’oreilles perles (Lot 76) :
Prix estimé 13 000 francs en 1977
12 000 – 15 000€ en 2024
Résultat de vente (frais inclus) : 40 672€
- Bague “Boule” (Lot 77):
Estimé 18 000 francs en 1977
12 000 – 15 000€ en 2024
Résultat de vente (frais inclus) : 64 288€
- Bracelet “nid d’abeilles” (Lot 79) :
Estimé 50 000 francs en 1977
45 000 – 50 000€ en 2024
Résultat de vente (frais inclus) : 150 880€
Les résultats de vente ont largement dépassé ces estimations – le collier d’émeraudes gravées ayant plus que triplé son estimation haute !- attestant la place prise par Suzanne Belperron sur le marché.
Les raisons d’un succès durable ?
Suzanne Belperron se distingue par la singularité de ses créations. Elle n’a créé que des pièces uniques. Ainsi des six bijoux que Madeleine Marinier et son époux Georges, fondateur des laboratoires éponymes, commandèrent directement auprès de la créatrice.
À l’instar de joailliers créateurs comme Boivin, Fulco di Verdura et Schlumberger, Suzanne Belperron n’employait pas exclusivement des matières précieuses, elle osait d’audacieuses associations entre les pierres, tel un diamant serti dans un bulbe de cristal de roche ou des rangs de baguette en citrine rayonnant en corolle autour d’un cabochon de rubis pour un clip « fleur ».
La créatrice joaillière considérait le bijou comme un objet d’art.
Olivier Baroin compare sa cote à celle de Matisse, Picasso ou Modigliani, soulignant l’originalité et la créativité de Belperron dont l’imagination guidait le travail. Cette artiste, explique t-il, n’a jamais recherché la perfection technique, trop froide certainement à ses yeux. Ces créations au contraire sont empreintes d’une dimension artistique et d’une grande spontanéité. Olivier Baroin considère qu’il y a beaucoup d’improvisation dans le choix des couleurs ainsi que dans celui de la distribution, de la mise en pierre, du bijou. Suzanne Belperron s’adaptait à toutes les situations : pour Madeleine Marinier, elle imagina et dessina le bijou avec les pierres apportées par la cliente.
Dans un monde où la conception assistée par ordinateur prédomine, les bijoux Belperron, faits à la main, révèlent la maîtrise de l’exécution dictée uniquement par le regard. Graphiques et purs, organiques voire sensuels, ces pièces possèdent une âme et un charme uniques.
C’est certainement cette identité forte qui fait tout l’attrait.
Zoom sur les six pièces de la Collection Marinier
Imaginés, puis élaborés et ajustés au fil des ans, entre 1936 et 1957, les six bijoux qui forment cette collection sont chacun emblématiques d’un pan du style Belperron.
Le bracelet dit « nid d’abeilles »
Ce bijou est très certainement la pièce de cette vente la plus emblématique du style de la créatrice.
La cliente a fourni 15 diamants (pour 4,20 ct) et 12 saphirs (pour 23,45 ct) que Suzanne Belperron a complété avec 32, 67 ct de saphirs issus de cinq lots différents complémentaires, c’est-à-dire de différentes couleurs, du bleu clair au bleu foncé, de différentes origines géographiques, de diverses formes, carré, ovale, coussin, rectangle, rond et, de différentes tailles, le plus petit de 1 ct, le plus important aux alentours de 7 ct.
« Des acheteurs se sont déplacés du monde entier pour voir ce bracelet raconte Olivier Baroin. Il fallait l’avoir en mains pour bien comprendre ce qu’il était : sensuel . »
Ce bracelet est serti dans l’esprit nid d’abeilles (c’est-à-dire 6 pans x 6 pans comme dans une ruche) mais en fait, pour être plus précis, on devrait dire « cloisonné sur la pièce ». C’est l’une des signatures phares de l’artiste joaillière.
La bague « Boule »
Le clip « Feuille »
Ces deux pièces, broche et bague, explique Olivier Baroin, forment « des classiques » du répertoire de la créatrice. Elles ont été acquises par un client américain.
Paire de pendants d’oreilles
Ces boucles d’oreilles « très Belperron », selon Olivier Baroin, ont été acquises par un collectionneur particulier français.
Collier d’émeraudes gravées
Ce collier d’émeraudes gravées, qui a déclenché le plus de batailles d’enchères, a finalement été remporté par une grande collectionneuse française.
Paire de pendants d’oreilles
Cette paire de pendants d’oreilles a été acquise par un collectionneur particulier français.
Ces boucles d’oreilles sont caractéristiques du style « Belperron classique »
Une créatrice dont on ne se lasse pas
Cette collection a suscité l’enthousiasme des collectionneurs qui se sont disputés les lots avec des professionnels. Olivier Baroin constate que les marchands affectionnent tout particulièrement les œuvres de Suzanne Belperron : ce sont des bijoux qui leur parlent, dit-il, et c’est là une très belle reconnaissance.
Quand il y a un ensemble Belperron dans une vente, Philippine Dupré la Tour s’attire des regards des quatre coins du monde, notamment d’Europe et d’Amérique, tandis que le marché asiatique commence à s’intéresser à ses œuvres. L’experte remarque que les pièces Belperron passées aux enchères ces deux dernières décennies ne repassent que très rarement en vente.
Les bijoux de Belperron sont difficiles à estimer de manière conventionnelle car c’est le marché qui détermine leur véritable valeur. Le succès de ses créations, attesté par des enchères spectaculaires, prouve que Belperron est devenue une référence dans l’univers de la joaillerie.
En misant sur le raffinement, l’imagination, le style, Belperron a conquis la postérité. « Porter du Belperron, c’est un signe de distinction », conclut Olivier Baroin.
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Collection Marinier – « L’écrin Belperron d’un couple de la Café society », 3 juillet 2024
Catalogue de la collection Marinier : https://issuu.com/aguttes/docs/tap_bijoux_20240703_issuu
Vidéo : Collection Marinier – « L’écrin Belperron d’un couple de la Café society »
https://www.youtube.com/watch?v=mzWCD5xkw_w
Vidéo : Suzanne Belperron
https://www.youtube.com/watch?v=DCBaXTG4na8
Aguttes
Philippine Dupré la Tour
Expert – Directeur du département
+33 1 41 92 06 42 •
du*********@ag*****.com
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du*********@ag*****.com
Avec la collaboration d’Adeline Juguet et Éléonore des Beauvais, et d’Emma Derainne.
Olivier Baroin
La Golconde
9, Place de la Madeleine. 75008 Paris.
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