Le Second Empire à Orsay : entretien avec Hubert le Gall, scénographe
[section_title title= »Les défis de cette exposition »]
Le Second Empire est une période d’une grande richesse esthétique mais également d’une grande diversité.
Pour Hubert Le Gall, le choix de cette période a accru l’enjeu : « C’était une exposition compliquée à monter. Tout d’abord, parce qu’elle présente un nombre très important de pièces : 443 œuvres d’art ! Pour justifier ce chiffre, je rappellerai que le Second Empire s’étend de 1852 à 1870 et se caractérise par son éclectisme. En outre, les types d’objets eux-mêmes sont très divers. L’exposition mêle peintures, sculptures, photographies, dessins d’architecture, objets d’art et bijoux. Il y a donc une profusion d’objets dans cette exposition qu’il fallait rendre harmonieuse. »
Au total, le public pourra admirer plus de 80 tableaux, près de 100 œuvres graphiques, 20 sculptures, 25 pièces de mobilier, 95 objets d’art, 82 photographies, 34 bijoux et 6 pièces textiles !
« Un défi est de trouver la bonne adéquation entre les volumes du lieu et le nombre d’œuvres présentées », commente Hubert Le Gall. C’est pourquoi le travail préparatoire a d’abord été modélisé en 3D.
Au-delà des enjeux scénographiques purs s’est ajouté la singularité des pièces exposées, notamment leur rareté et leur fragilité :
« Le souci de la protection des objets s’est révélé majeur, indique Hubert Le Gall.
En témoigne la mise en scène des bijoux dans la salle « La lumière des fêtes impériales ». Symboles des Elégantes un soir d’Opéra, les bijoux de la Maison Mellerio dits Meller rassemblent une trentaine de pièces, toutes uniques, dont une ayant appartenu à l’Impératrice Eugénie et une autre à la Princesse Mathilde.
Le Musée du Louvre a aussi prêté exceptionnellement deux pièces de joaillerie qui ont fait partie de la collection des Diamants de la Couronne de France : la Couronne et le diadème d’Eugénie et qui se trouvent en ouverture de l’exposition, dans la salle « La comédie du pouvoir » entre les deux portraits impériaux de Franz-Xaver Winterhalter.
Le principal défi scénographique a été de donner leur exact relief à la variété des styles que cette longue période a vu naître :
Parmi les nombreux thèmes décoratifs, Hubert Le Gall distingue « le goût XVIIIème qui se perpétue ». En effet, l’impératrice Eugénie chérissait le souvenir de la reine Marie-Antoinette. Elle s’entoura durant son règne de pièces du mobilier royal du XVIIIe siècle qu’elle assortit de créations contemporaines. La notion de style « Louis XVI-Impératrice» est d’ailleurs passée à la postérité.
A cela s’ajoute le goût de l’Antiquité classique, et le style néo-hellénique : « Ils connurent un regain d’intérêt grâce aux découvertes archéologiques de cette époque. En témoignait la Villa pompéienne du prince Napoléon-Jérôme (cousin de l’empereur) au 18 de l’avenue Montaigne. Malheureusement elle n’existe plus », indique Hubert Le Gall.
Le Second Empire marque aussi le point d’orgue des recherches autour du style gothique tel qu’il est prôné par Viollet-le-Duc, théoricien et « restaurateur » des grands monuments de la France médiévale. Restauration des châteaux de Pierrefonds (Oise) et de Roquetaillade (Gironde) ou encore dans l’édification du château d’Abbadia à Hendaye sur la Côte basque, indique le Musée d’Orsay.
La Renaissance n’est pas oubliée dans cette profusion de styles. Elle apparaît comme un des styles favoris des nouveaux commanditaires, à l’image du luxueux hôtel de la marquise de Païva, magistrale synthèse stylistique illustrée dans cette exposition par l’une des consoles du grand salon et de précieux velours
Surtout, ce sont l’urbanisme de Paris repensé par le Baron Haussmann et le nouvel Opéra conçu par Charles Garnier qui « inventent » le style Napoléon III. Ce style s’exprime aussi dans les édifices, de la côte normande et à Biarritz en particulier – où Napoléon III fit construire pour l’impératrice une villa.
De cette efflorescence, Hubert Le Gall a retenu en particulier les Salons de peinture : En 1863, Napoléon III crée en parallèle du Salon officiel, un « Salon des refusés » pour répondre aux protestations des artistes rejetés par le jury.
Vous verrez que l’exposition évoque, par un accrochage sur plusieurs rangs typique de l’époque, le choc entre les deux Salons, celui de la Naissance de Vénus de Cabanel et du Déjeuner sur l’herbe de Manet.
Le parcours se termine par « Le triomphe de l’Empire » avec les Expositions universelles de 1855 et 1867. Un feu d’artifice d’œuvres où s’affirment l’excellence de l’industrie d’art française et l’éclectisme des sources d’inspiration.