Suzanne Belperron & la technique de l’or vierge
[section_title title= »Des bijoux en or vierge issus de l’écrin personnel de la créatrice »]
Écrin de Suzanne Belperron
La bague de fiançailles de Suzanne Belperron
Jean Belperron offrit à Suzanne Vuillerme ce diamant lors de leurs fiançailles. Ils se marièrent le 11 juillet 1924 à Besançon, et le 12 juillet religieusement en la Chapelle-des-Buis.
Avec ce bijou, on touche à l’intimité de la créatrice : il est intéressant de constater que, travaillant pour elle-même, elle illustre son goût pour les formes originales et audacieuses, et les fausses symétries. Le volume important de cette bague, la torsade sculpturale, et ce matériau brut que forme l’or vierge, ici surmonté d’un diamant taille ancienne, traduisait déjà en 1923 l’essence même du style Belperron.
En regardant cette bague on s’étonne que la jeune modéliste-dessinatrice de 23 ans de la maison de joaillerie René Boivin, l’une des principales maison de Paris à cette époque, ait pu créer un bijou aussi original -il s’agit d’une bague de fiançailles!- qui semble inspiré de civilisations anciennes.
Deux influences peuvent sous-tendre cette création : Le Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon jouxtait l’Ecole municipale des Beaux-Arts dans laquelle Suzanne Belperron avait fait ses études d’arts appliqués et dont elle était sortie major dans la section « Art Décoratif » en 1918. Ce fut très certainement dans les salles de ce musée que Suzanne découvrit les arts antiques et les civilisations étrangères.
Une seconde influence pourrait provenir de l’importante et disparate collection d’antiquités qui était présentée au sein même de la boutique René Boivin, rue des Pyramides.
Aussi, il est amusant de savoir que Suzanne et Jean Belperron firent leur voyage de noces en Egypte, preuve de son goût pour les civilisations anciennes. Suzanne rapporta en souvenir de ce voyage une bague ancienne en or jaune ornée d’un scarabée porte-bonheur en céramique bleue qu’elle conserva toute sa vie.
Tout au long de sa carrière, jusqu’au début des années 70, Suzanne Belperron créa des déclinaisons de cette bague d’avant-garde qui inspire encore de nombreux joailliers.
Collier de turquoises brutes et or jaune
Ce collier faisait partie des pièces emblématiques de l’écrin personnel. Le choix de galets turquoises polis, irréguliers témoigne des volumes et des formes nouvelles apportées par la créatrice à la joaillerie contemporaine. Le caractère massif de ce bijou est typique du goût de Suzanne Belperron pour le bijou visible, produisant un effet immédiat, tel un accessoire de mode.
Paire de boucles d’oreilles Van Cleef & Arpels
Initialement ces boucles d’oreilles étaient serties de deux diamants taille poire de 16,36 et 17,58 carats, que Suzanne Belperron a remplacés par deux coques centrales en or vierge martelé. L’audace et l’originalité de l’artiste s’y expriment pleinement.
Broche en forme de corne d’abondance stylisée
L’écrin personnel de Suzanne Belperron comptait sept broches. C’est un type de bijou qu’elle portait volontiers. Nombre de ses portraits photographiques la montrent avec une broche. La créatrice a beaucoup traité ce type de bijou, dont le caractère massif permet des audaces esthétiques. Il n’y avait pas de « clip » dans son écrin, bijou qui avait pourtant été très à la mode entre les années 1920-1930, et qui se portait simple ou double, sur le col ou le décolleté, parfois même dans les cheveux. Dès 1933, Harper’s Bazaar, les Vogue américains, anglais ou français avaient mis à l’honneur dans leurs pages mode ceux de Suzanne Belperron .
Cette broche en forme de corne d’abondance – symbole de richesse qu’elle n’a pas choisi au hasard en cet après-guerre – offre un bel exemple de la palette de la créatrice. C’est aussi est un motif graphiquement intéressant, avec ses volutes et sa dynamique, que Suzanne Belperron a décliné dans deux autres versions quasi identiques, l’une en émeraudes et diamants, avec, en pendant, un diamant jaune de 32,80 carats, l’autre très délicate en or et camaïeu de bleus de saphirs (in S.Raulet/O.Baroin, Suzanne Belperron, p.260)
Les pièces qui faisaient partie de l’écrin personnel de Suzanne Belperron et qui ont été mises en vente à Genève chez Sotheby’s le 14 mai 2012, ne sont pas toujours aussi raffinées et achevées que les bijoux qu’elle produisait pour sa clientèle. Elles sont cependant profondément révélatrices d’une artiste qui mettait la forme, la couleur, l’ « effet » au-dessus de la perfection technique ou de la valeur intrinsèque des matériaux.