Joyaux royaux français
Louis-Philippe à Fontainebleau : variations sur le bijou romantique
Louis-Philippe Ier, dernier roi des Français (r.1830-1848) semble être le personnage incontournable de cet automne-hiver 2018-2019!
Le Château de Versailles a ouvert le bal en lui consacrant dans ses galeries du XIXème siècle une magnifique exposition qui raconte la transformation du palais des Bourbons en un musée dédié "à toutes les gloires de France", et qui durera jusqu'au 3 février 2019.
Le Domaine de Chantilly prolongera cette immersion dans la Monarchie de Juillet dès le 23 février 2019 avec son exposition sur Eugène Lami, peintre et décorateur de la famille d'Orléans.
Le Château de Fontainebleau, quant à lui, met en scène dans ses Grands Appartements deux cents oeuvres qui apportent un remarquable éclairage sur la personnalité de ce souverain et sur son époque, toutes deux souvent méconnues. Parmi ces oeuvres figurent des bijoux offrant une intéressante plongée dans les diverses formes joaillières à l'époque romantique.
Nous avons rencontré à ce sujet Oriane Beaufils, conservatrice du patrimoine et Vincent Cochet, conservateur en chef du patrimoine au château de Fontainebleau, commissaires de l'exposition "Louis-Philippe à Fontainebleau, le Roi et l'Histoire".
"Ce que nous avons voulu mettre au centre de cette exposition, c'est le château. La restauration de Fontainebleau nous est apparue comme un élément déclencheur d'un renouveau exubérant des arts de l'ornement. De façon thématique, nous avons mis en lumière les décors et les transformations effectués par Louis-Philippe avec des objets, des dessins préparatoires, des oeuvres qui évoquent le climat dans lequel ces créations et restaurations se sont faites" explique Vincent Cochet.
L'exposition présente des bijoux ayant appartenu à la famille royale d'Orléans. Nous retrouvons de nombreux grands joailliers de l'époque tels que Bapst, Mellerio, Morel & Cie, Jean-Baptiste Jules Klagmann ; d'autres qu'on aurait aimé voir représentés tel François-Désiré Froment-Meurice voient néanmoins leur oeuvre référencée dans le catalogue de l'exposition. Le bijou est, une fois encore, le prisme étroit à travers lequel se lisent les grands courants artistiques et les temps forts de l'Histoire de France.
Quatre thématiques émergent des bijoux et portraits présentés. Toutes montrent la grande richesse artistique de cette époque et soulignent l'étonnante influence des arts bellifontains.
Le bijou romantique, dit de sentiment
Louis-Philippe (1773-1850) et Marie-Amélie (1782-1866) forment une famille profondément unie. Parents de huit enfants (dix en réalité, mais deux sont décédés très prématurément) tous deux sont très attachés à leur vie de famille. Parents et enfants se tutoient, un surnom affectueux est attribué à chaque enfant, et chose rare à l'époque, le roi dort quotidiennement auprès de son épouse!
"Le roi, chez lui, le soir, ne porte habituellement aucune décoration. Il est vêtu d’un habit marron, d’un pantalon noir et d’un gilet de satin noir ou de piqué blanc. Il a une cravate blanche, des bas de soie à jour et des souliers vernis. Il porte un toupet gris, peu dissimulé, et coiffé à la mode de la restauration. Point de gants. Il est gai, bon, affable et causeur."
Choses vues, 1844, Aux Tuileries, Victor Hugo.
Louis-Philippe est souvent qualifié de "roi-bourgeois". L'exposition de Fontainebleau ouvre avec un portrait de lui réalisé par Franz Xaver Winterhalter en 1839 habillé en "habits bourgeois". Ce qui frappe immédiatement cependant, c'est sa ressemblance avec son ancêtre Louis XIV : Louis-Philippe Ier, Roi des Français, a les traits Bourbon. Il a reçu une excellente éducation, parcouru le monde de la Scandinavie au cap Nord, de Philadelphie à la Havane lors de ses exils successifs et Oriane Beaufils ajoute qu'il a une politique du faste et de l'étiquette extrêmement exigeante.
Plusieurs bijoux de la Reine et des princesses d'Orléans témoignent de ce contraste entre l'apparat officiel et la simplicité domestique. Marie-Amélie avait coutume de porter et d'offrir des bijoux dits de sentiment. C'est-à-dire des bijoux dont la valeur était moins liée au prix des matériaux (qui certes n'est cependant pas négligeable!) qu'à la dimension sentimentale. Sans doute cette prime au sentiment est-elle liée au romantisme ambiant. En voici quelques exemples.
Les bracelets portraits de la Maison Mellerio dits Meller : quatre portraits ovales sur ivoire du célèbre miniaturiste du XIXème siècle, François Meuret (1800-1887).
Les bijoux-portraits existent depuis l'Antiquité, mais les artistes-joailliers romantiques, volontiers tournés vers le passé, leur donnent une nouvelle vigueur.
Pendant l'Antiquité, le bijou-portrait se présente sous la forme d'intaille, puis de camées. A la Renaissance, on voit apparaître les médailles, utilisant et copiant des monnaies antiques, ainsi que les portraits en miniatures.
Ces derniers vont dès lors connaître un important essor dans toute l'Europe jusqu'au développement de l'art de la photographie qui marquera leur déclin dans la seconde moitié du XIXème siècle (cf l'étonnant daguerréotype du Roi Louis-Philippe saisi vers 1845-46 et présenté dans l'exposition). L'époque romantique est un temps fort de cet essor. Les portraits-miniatures offerts dans le cercle privé témoignent alors d'un sens de l'intimité et de liens d'affection profonds. Ces bijoux sont faits pour être contemplés pour soi-même plus que montrés. Les portraits-miniatures pouvaient être insérés dans des objets (tabatières, coffrets, boîtes) et pouvaient également être montés en milieu de bracelet, bague ou médaillon.
Mellerio dits Meller était le fournisseur officiel de la Reine des Français Marie-Amélie. Entre 1830 et 1845, Marie-Amélie a commandé auprès de cette maison pas moins d'une quarantaine de bracelets à portrait! Elle passait également commande chez d'autres fournisseurs dont Fossin (qui depuis 1830 avait lui aussi obtenu le brevet de Joaillier du roi).
Sur le tableau ci-dessus, la reine porte au poignet droit le bracelet de perles orné de la miniature du roi. Le roi y est représenté en uniforme d'officier général tel que sur le portrait peint par Franz Xaver Winterhalter et réalisé l'année précédent - comme une mise en abyme.
La seconde paire, en perles fines montées sur or représente deux des belles-filles du couple royal.
Le bracelet de la Princesse Hélène par Morel & Cie
Fille du grand-duc régnant de Mecklembourg-Schwerin et nièce du roi de Prusse, la Princesse Hélène (1814-1858) avait épousé en 1837, à Fontainebleau, Ferdinand Philippe d’Orléans (1810-1842), fils aîné et donc prince héritier de Louis-Philippe. Le Duc et la Duchesse d'Orléans eurent deux fils : Henri, comte de Paris (1838-1894), et Robert, duc de Chartres (1840-1910), dont nous voyons les portraits-miniatures présentés côte-à-côte sur ce bracelet.
Le médaillon "à l'oeil"
Sur ce médaillon rond est peint l'oeil gauche de Philippe, comte de Flandres (1837-1905), petit-fils de Louis-Philippe et de Marie-Amélie.
Ce motif caché, elliptique, semble encore plus personnel et intime que la miniature d'un visage entier.
La face extérieure que l'on aperçoit dans le miroir est ciselée de rinceaux et de fleurs avec en son centre, serties sur une petite barrette, huit pierres précieuses et fines formant probablement un message secret en acrostiche.
La broche réversible aux portraits du Roi et du Prince royal, le Duc d'Orléans, signée Latreille.
Ce bijou possède une symbolique forte et élaborée. La monture étonnante fait écho au cadre d'un tableau, et aux ornements typiquement bellifontains. Les deux portraits en ovales sont enchâssés dans de l'or sculpté en forme de cuir enroulé, entourés de trois amours en ronde bosse qui tiennent une guirlande de myosotis bleus. Le myosotis est le symbole par excellence du souvenir et rappelle l'amour porté par le couple à leur fils aîné, décédé tragiquement le 20 juillet 1842 à l'âge de 31 ans après que ses chevaux se soient emballés et qu'il ait été projeté hors de son équipage sur le pavé, se fracassant le crâne mortellement. Le portrait du Duc d'Orléans est très finement ceint d'émail noir, en signe de deuil.
"Hier, 13 juillet 1842, M. le duc d’Orléans est mort par accident", Choses vues, 1842, La mort du Duc d'Orléans, Victor Hugo.
La broche marguerite de la Reine Marie-Amélie
Ce bijou d'une grande sobriété reflète admirablement l'esprit romantique de l'époque : non signé, il était doté d'une forte valeur sentimentale pour Marie-Amélie puisqu'il contient des cheveux de chacun de ses enfants (au revers du médaillon, sur chaque pétale, sont gravées les initiales de leur prénom pour les filles, et celles de leur titre pour les garçons). Au centre, ont été déposées des mèches des cheveux appartenant au couple royal. Bien que les bijoux en cheveux apparaissent quelque peu morbides aujourd'hui, ils étaient en grande vogue dans la première moitié du XIXème siècle. A noter un détail émouvant : peinte en tenue de deuil en 1857 par Ary Scheffer, Marie-Amélie porte cette broche piquée sur l'attache du noeud de sa coiffe. La Reine l'aurait d'ailleurs portée jusqu'à son décès, survenu en exil à Claremont House en Angleterre, le 24 mars 1866.
Lors de la succession de feu Monseigneur le Comte de Paris & de Madame la Comtesse de Paris qui eut lieu le 14 octobre 2008 chez Christie's figuraient d'autres exemplaires de bracelets-portraits montés sur or, et signés cette fois-ci du joaillier Morel. On y découvrait également quatre bracelets en or articulés de chez Mellerio, provenant de la collection personnelle de la reine Amélie, et comprenant dans leur ensemble vingt-quatre miniatures de ses petits enfants. Des mèches de cheveux accompagnaient parfois le portrait au revers de la monture. Le bijou-portrait semble avoir été le bijou de prédilection de la reine Marie-Amélie qui les a collectionnés. Les archives de la Maison Mellerio révèlent que la Reine, après la chute de la Monarchie de Juillet, continua de passer commande de bracelets-portraits pour les offrir à ses proches.
Le bijou de la vie de cour
La Reine Marie-Amélie avait un goût prononcé pour les bijoux de sentiment, et il est reconnu que jamais elle ne porta les Diamants de la Couronne de France.
Dans son ouvrage consacré aux Joyaux de la Couronne de France, Bernard Morel justifie ce choix ainsi : "Le roi n'aimait guère l'ostentation, et n'avait pas le goût du faste (...) peut-être y avait-il là de la pudeur vis-à-vis de la famille royale exilée" .
Or l'exposition "Le Roi et l'Histoire" prouve tout au long du parcours à quel point le Roi avait le goût du faste.
Goût du faste dont Victor Hugo lui a fait le reproche : "Dix-huit millions de liste civile, et les châteaux, et les apanages, et le reste! Le chapeau gris et le parapluie du roi bourgeois coûtent plus cher que la Couronne de Charlemagne."
Oriane Beaufils et Vincent Cochet ont leur propre avis, éclairé par les longues recherches qu'ils ont menées pour monter cette exposition : les idées du roi le situent loin des mentalités de l'Ancien Régime. Louis-Philippe pouvait difficilement concevoir que son épouse porte des reliques de l'Histoire de France. Et les deux commissaires d'ajouter : si cela n'avait été si risqué en termes de sécurité, très probablement le Roi aurait-il choisi d'exposer les Diamants de la Couronne dans un musée.
A défaut de porter les Diamants de la Couronne de France, la Reine Marie-Amélie portait ses propres parures. Et nous constatons que son écrin personnel était d'une richesse éblouissante... Le joaillier Paul Constant Bapst (1797-1853), joaillier officiel des Diamants de la Couronne de France, qui fut finalement surtout le joaillier habituel de la famille d'Orléans sous la Monarchie de Juillet, en rend compte dans un inventaire.
Retrouvé dans les archives de la Maison de France en avril 1982 (cf. Bernard Morel), l'inventaire des joyaux de la Reine Marie-Amélie en date du 25 novembre 1839, décrit quatre bijoux (dont un orné du célèbre diamant rose le Grand Condé) et sept parures - composées pour la plupart d'un diadème, d'un collier, d'un devant de corsage, d'une broche, de bracelets, d'une paire de boucles d'oreilles, d'une boucle de ceinture...
La première parure était composée uniquement de diamants, la seconde d'émeraudes et de diamants, la troisième de saphirs et de diamants, la quatrième de perles et de diamants, la cinquième de rubis et de diamants, la sixième d'améthystes et de diamants, la septième de hyacinthes (zircons). Nous constatons que la reine possédait une très riche cassette personnelle de bijoux d'apparat.
La Reine, explique Oriane Beaufils, avait la réputation d'être fort élégante et possédait un goût vif pour les arts de la parure féminine. En témoigne le fabuleux trousseau qu'elle offrit à sa belle-fille Hélène de Mecklembourg-Schwerin pour son mariage avec le Prince héritier en 1837. La corbeille de mariage d'un luxe inouï présentait des objets d'écriture, des accessoires de soirée (éventails, lorgnettes de théâtre), un nécessaire en vermeil, des robes du jour et du soir et les accessoires assortis, des châles, le tout à la dernière mode parisienne.
Venait enfin un riche écrin constitué par la Reine et le joaillier breveté du roi et de la Couronne Jacques Eberhard Bapst (1771-1842).
"un véritable amas de perles, rubis, diamants, pierreries de toutes sortes ; une parure en brillants et en rubis, les brillants et rubis d'une nuance si parfaite qu'il était difficile de les distinguer les uns des autres ; une parure en perles fines, six bagues, sans compter l'anneau du mariage, tout à côté de la médaille d'or". Fontainebleau, Versailles, Paris (juin 1837) par M. Jules Janin
Autres pièces de joaillerie et d'orfèvrerie caractéristiques de la Monarchie de Juillet
Le bijou historique
Après les découvertes de Herculanum (1715) et de Pompéi (1755), la joaillerie avait connu la vogue du bijou "à l'antique", mode poussée à son paroxysme sous le Ier Empire et encore vivace sous la Monarchie de Juillet comme en témoigne le bracelet que la Reine porte à son poignet gauche, figurant un camée.
Mais ce qui suscite le plus d'enthousiasme sous la Monarchie de Juillet, ce sont les formes et ornements qui rappellent le Moyen-Age et la Renaissance.
Le style néogothique à Fontainebleau trouve son affirmation dans l'histoire même du château. Demeure royale depuis le règne de Louis VII, le château de Fontainebleau rappelle par bien des éléments architecturaux, dont son donjon, le Moyen-Age. "Chez Louis-Philippe, rappelle Vincent Cochet, le goût gothique naît de ce contact permanent avec les décors anciens et justifie le renouveau des "styles historiques". Le néo-gothique Louis-Philippe, bellifontain, ne relève pas simplement d'une mode de l'époque, il est lié à l'histoire, il est archéologique".
C'est ailleurs dans le donjon du château qu'est exposée cette très belle châtelaine créée par Morel & Cie.
Ce bijou inventé au début du XVIIIème siècle, était tombé en désuétude sous l'Empire puisque les tenues vestimentaires ne marquaient plus la taille. Il connaît un important regain sous la Monarchie Juillet avec la mode des tailles étroites lancée par la Reine. Composée de plusieurs chaînes auxquelles sont suspendues des breloques, la châtelaine se portait à la ceinture et servait à suspendre de petits accessoires utilitaires, ou pas : montre, flacons de sels, accessoires de couture, et comme on le voit sur ce modèle un sceau et une clef.
L'ornementation de ce bijou de ceinture est constituée de scènes de vie féodale qui atteste cette vogue néo-gothique : "le premier médaillon montre une dame à cheval accompagnée de son page, celui du centre représente la dame priant dans un petit oratoire voûté d'ogives, le dernier la montre recevant l'hommage d'un gentilhomme", explique Oriane Beaufils.
Le bijou intégré à l'objet d'art : Hommages aux artistes de la Renaissance bellifontaine
Après le gothique vient la Renaissance, et François Ier est le maître des lieux à Fontainebleau. "L'action de Louis-Philippe, et notamment cette redécouverte des arts des différentes périodes, est considérablement aidée par les recherches que mène la manufacture de Sèvres". Une grammaire commune au bijou permet d'établir un parallèle entre ces deux formes d'art.
Le coffret commémoratif du mariage du duc Ferdinand d'Orléans et de la princesse Hélène de Meklembourg-Schwerin à Fontainebleau le 30 mai 1837.
Ce coffret, que Vincent Cochet qualifie de "cassette Farnèse" du XIXème siècle, retrace toute l'histoire du mariage princier depuis l'arrivée d'Hélène de Meklembourg-Schwerin à Metz, puis à Fontainebleau. On y voit son accueil par le Roi et la Reine en haut de l'escalier en fer à cheval du château; puis la signature de l'acte civil dans la salle de Bal ; enfin, le mariage catholique dans la Chapelle de la Trinité et la célébration protestante dans la salle des Colonnes : tous ces moments-clefs qui ont lieu dans les plus belles salles du château sont également dépeints avec une extrême précision.
Ce coffre à bijoux apparaît comme un manifeste néo-Renaissance avec ces cariatides en biscuit blanc rehaussée d'or qui scandent la narration du mariage. "Sculptures, architecture et peintures se répondent. C'est une manière Renaissance d'aborder un objet d'art" explique Oriane Beaufils. Ce coffret était initialement destiné à servir de "serre-bijoux", mais c'est en fait "une coquille vide".
Véritable chef-d'oeuvre de la manufacture de Sèvres, il est en fait conçu pour la glorification de l'événement.
Son style néo-maniériste puise largement aux artistes ayant marqué l'art bellifontain. Primatice et Rosso en sont les deux figures principales. Au temps de la Monarchie de Juillet sont redécouverts deux autres grands artistes de la Renaissance, Bernard Palissy (1510-1590), un céramiste hors-pair, et surtout l'orfèvre Benvenuto Cellini ( 1500-1571) dont l'autobiographie "Vie de Benvenuto Cellini, orfèvre et sculpteur florentin, écrite par lui-même" qui venait d'être traduite et publiée en français (1833) subjugua toute la génération des Romantiques, et inspira nombre d'artistes Hector Berlioz, Alexandre Dumas, les frères Marrel...
D'abord placé dans la galerie François Ier pour dialoguer avec les fresques de Rosso Fiorentino, ce "serre-bijoux" fut installé ensuite, après la mort du Duc d'Orléans, dans le cabinet de toilette de l'appartement de son épouse.
Le Vase Médicis Fragonard
Le Vase de la Renaissance
Ce vase fut acquis par Louis-Philippe pour le château. L'ornemaniste Claude Aimé Chenavard avait reçu pour consigne de réalisation : "Forme, décoration et couleur dans le style de Bernard Palissy". Les motifs s'inspirent des ornements bellifontains : masques, guirlandes de fruits mûrs, putti, cartouches en forme de cuirs découpés ou enroulés et pierreries.
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Rendre compte de cette exposition sous le prisme du bijou peut sembler fort réducteur au regard de la richesse des oeuvres présentées. Néanmoins cet angle passionnant - et qui n'épuise pas l'ensemble de la joaillerie sous la Monarchie de Juillet - devrait vous inciter à retourner une fois encore dans ce qui est à jamais "la vraie demeure des Rois, la maison des siècles".
Chroniques de l'époque et informations complémentaires
A lire :
Choses vues, Victor Hugo. Souvenirs, journaux, cahiers, tome I : 1830-1848
Édition d'Hubert Juin
Collection Folio classique (n° 2 944), Gallimard
Mémoires de la comtesse de Boigne, née d'Osmond. Récits d'une tante.
Emile-Paul frères (Paris), 1931. Bibliothèque nationale de France
Fontainebleau, Versailles, Paris (juin 1837) par M.Jules Janin
La bijouterie française au XIXème siècle, tome I, Henri Vever. J.-L. Langlaude, Libraire-éditeur, 2015.
Les joyaux de la couronne de France, Bernard Morel. Fonds Mercator
La vie de Benvenuto Cellini écrite par lui-même, Gallimard.
Le grand frisson, bijoux de sentiments de la Renaissance à nos jours. Chaumet. Diana Scarisbrick. Editions textuel, 2008.
A voir :
Secrets d'Histoire. "Louis-Philippe et Marie-Amélie, notre dernier couple royal". (Emission intégrale). 31 octobre 2018. France 2.
L'exposition au château de Fontainebleau :
Louis-Philippe à Fontainebleau. Le Roi et L'Histoire
Exposition jusqu'au 4 février 2019
Commissariat de l’exposition :
Oriane Beaufils, conservatrice du patrimoine
Vincent Cochet, conservateur en chef du patrimoine
Scénographie : Loretta Gaïtis et Irène Charrat
Catalogue de l'exposition sous la direction scientifique d'Oriane Beaufils et de Vincent Cochet. Château de Fontainebleau.
Le château est ouvert tous les jours (sauf les mardis, le 1er janvier, le 1er mai et le 25 décembre) de 9h30-17h (dernier accès à 16h15).
Une importante campagne de mécénat :
Le château de Fontainebleau a lancé jusqu'à la fin de cette année une grande souscription pour la restauration de l’escalier en Fer-à-Cheval : cliquer sur ce lien pour faire "un geste historique"
Autres expositions autour du règne de Louis-Philippe Ier :
Louis-Philippe et Versailles
Exposition jusqu'au 3 février 2019
Valérie Bajou, conservateur en chef au château de Versailles.
Scénographie : Hubert le Gall
Et à venir,
Eugène Lami, peintre et décorateur de la famille d'Orléans.
Domaine de Chantilly
Cabinet d'arts graphiques, 23 février - 19 mai 2019
Tous mes remerciements à Oriane Beaufils, Vincent Cochet et Alexis de Kermel
Les bijoux de l'Impératrice Eugénie : de l'apogée à la chute
Avec la naissance du prince impérial en mars 1856, l’Impératrice s’affirme dans sa position et ses goûts : certains joyaux, pourtant très récents, sont impitoyablement démontés.
Parmi les bijoux démontés figure le diadème de Viette : « il ne plaisait pas beaucoup à la souveraine, qui le trouvait écrasant, non comme poids peut-être, mais comme volume ; elle le porta rarement, et disait volontiers, en faisant allusion aux flammes des rinceaux et à leur aspect un peu diabolique, que c'était un bijou bon pour Lucifer ! » . (Henri Vever, op.cit.).
Les pierres récupérées vont servir à l’élaboration dès le mois de juillet 1856 par Alfred et Frédéric Bapst d’un très sage diadème grec au classicisme de bon aloi, incluant comme son malheureux prédécesseur échevelé le Régent en son centre .
De la même manière le peigne de Viette est démonté et fera place, à l’occasion des festivités du baptême du prince impérial, à un autre peigne à pampilles encore plus imposant, également par les Bapst, comportant entre autres le diamant rose Hortensia : « Elle portait une large ceinture en diamants et un grand peigne à pampilles, monté spécialement pour la circonstance, qui formait sur le chignon et jusque sur le bas de la nuque comme une cascade mouvante de diamants » .
Toujours en 1856 l’éventail de Mellerio, pourtant neuf de l’année précédente, est démonté pour la création par les Bapst de sept étoiles à six branches , sans doute directement inspirées de celles livrées par Koechert pour l’impératrice Elisabeth d’Autriche.
Eugénie n’hésite donc pas à imiter ce qui se produit dans les cours voisines.
En 1863 la Maison Bapst lui livre ainsi un diadème russe, vraisemblablement copié sur celui observé lors du séjour de la grande duchesse Marie de Russie en France en novembre 1859.
Mais l’inspiration la plus notable de l’impératrice, l’influence quasi mystique sur ses goûts, son modèle par excellence est bien entendu le XVIIIème siècle en général et Marie-Antoinette en particulier.
Cette passion, vue par certain à la cour comme mal venue et quelque peu masochiste, va être largement le fil conducteur de nombre de ses décisions en matière vestimentaire, véhiculées par une presse avide de décrire les toilettes de l‘impériale icône, influençant les modes d’une nation et même au delà. En matière de joaillerie ce retour au XVIIIème siècle se retrouve dans un vocabulaire ornemental fait de rubans, fleurs, bouquets, feuillages, joncs enrubannés et nœuds dits à la Sévigné, déjà présent comme nous l’avons vu dès le début du règne et poursuivi dans les années 1860.
Ainsi Eugénie fait démonter la grande ceinture de Kramer en 1864 mais conserve le nœud central qui, modifié par les Bapst, serait ensuite devenu un devant de corsage .
Dans le même esprit la maison Bapst, toujours, avait confectionné en 1863 deux grands nœuds d’épaule d’un dessin parfait extrêmement élégant, reliés entre eux par un grand collier de quatre rivières de diamants. A la même période elle fournit également un ornement de coiffure composé de guirlandes de feuilles de lierre totalisant 477 brillants .
Si la mode de l’Ancien Régime demeure une constante, les goûts de l’impératrice, et des femmes de son cercle, savent aussi évoluer au rythme des grands événements du règne.
Des extravagances orientales au culte d'une simplicité... relative
Ainsi l’achat de la collection Campana par Napoléon III en 1861 et de son important lot de bijoux antiques entraînent une véritable fièvre étrusque chez les joailliers qui multiplient les pièces inspirées ou copiées d’après les originaux exposés à l’émerveillement de tous au Louvre. Si sa rivale, la comtesse de Castiglione, se fait représenter en reine d’Etrurie , l’impératrice n’est pas en reste et possède broches, bracelets et diadèmes à la manière antique .
L’expédition franco-britannique en Chine en 1860 et le cadeau fait à l’impératrice d’objets provenant du sac de l’ancien palais d’été de Pékin ainsi que les ambassades du Siam et du Japon reçues respectivement en 1861 et 1862 sont le prétexte idéal pour se piquer d’Asie, imposant la mode de l’exotisme et de promesses de voyages lointains. Eugénie commande ainsi chez Mellerio un nouvel éventail entièrement laqué figurant des oiseaux posés sur des branchages en fleurs, le tout en brillants, inspiré des paravents asiatiques .
L’unification des principautés roumaines en 1859, le voyage en Algérie avec l’Empereur en septembre 1860 ou encore la campagne au Mexique en 1861 sont autant d'influences suivies par l’impératrice pour l’élaboration de sa garde robe. Les bals masqués étant remis à la mode, Eugénie n’hésite pas ainsi à s’enticher de parures et costumes turcs ou apparaître en odalisque, laissant libre court à la sensualité, certes maîtrisée, d’une femme épanouie, réfléchie et sûre de son statut.
La Maison Bapst exécute ainsi un croissant de 89 diamants, commandé selon la légende pour un costume de Diane, mais porté fort opportunément par Eugénie lors de l’inauguration du canal de Suez en 1869.
De même Frédéric et Charles Bapst sont chargés en 1864 de la création d’une extravagante ceinture de pierreries d’inspiration orientalisante rassemblant diamants, perles, topazes, améthystes, rubis, saphirs et émeraudes pour un total de 15 000 francs . Une berthe en résille en diamants et pierres d’imitation livrée en 1864, une broche à aiguillettes en diamants et une imposante plaque de ceinture figurant une rosace en brillants d’inspiration mauresque en 1868 relèvent du même goût.
Ménageant l’aspect spectaculaire de ses apparitions, Eugénie va jusqu’à faire exécuter par Bapst, pour un bal au ministère de la Marine en 1866, une chaîne de 32 maillons entièrement composée de 832 brillants et supportant à chaque extrémité une broche de diamants en forme d’ancre .
Tout cela est bien entendu d’un luxe inouï et quelque peu tapageur, largement reproché à l’auguste commanditaire, surnommée « Falbala 1ère » ou la « Fée chiffon ».
Paradoxalement Eugénie se fatigue sans doute peu à peu de tant de faste et impose bientôt une certaine simplicité à sa Maison, du moins en privé.
Les diamants de la Couronne restent l’apanage des apparitions officielles qui, telles des pièces de théâtre, rythment l’almanach de la cour. Les parures font partie des « toilettes politiques » , des obligations de la fonction, de l’être et du paraître en tant qu’impératrice des Français et dont d’ailleurs elle n’a même pas la garde, cette tâche revenant au trésorier de l’empereur M. Bure : « Elle était en représentation pour montrer sa robe, ses bijoux. Avec son sens inné de l’élégance, elle s’habillait merveilleusement bien. Le diadème nuisait plutôt à sa beauté, mais il faisait partie du personnage. On détaillait ses joyaux. Portait-elle ce soir le Régent ? » .
Rien de tel donc au quotidien où « l’Impératrice donne elle-même l’exemple d’une grande simplicité et est loin d’exciter ses dames à faire de la toilette » .
Face aux parures officielles somptueuses, fantastiques mais lourdes des Bapst, les commandes privées auprès des joailliers comme Mellerio relèvent de la subtilité, de la finesse et de l’intime, propres à ces instants dévolus à la famille et aux amis lors des réceptions des « Lundis de l’impératrice » ou des fêtes organisées en l’hôtel d’Albe, réservé aux parents espagnols.
Travaillant plusieurs fois pour les diamants de la Couronne, notamment en 1857 en intervenant sur la parure de rubis et en 1861 avec la livraison de deux bracelets à barrettes et plaques pour la parure de perles, Mellerio se spécialise néanmoins dans la livraison à titre personnel de joyaux à l’impératrice, qui y dépense des sommes colossales pour elle et surtout son entourage.
Pas ou peu de pièces exceptionnelles mais une liste presque infinie de petits bijoux tels que bracelets en jarretière, montres-châtelaine , broches végétales de toutes formes, boucles de ceinture , tout un bestiaire de petits animaux et d’insectes en or, diamants ou émail. L’ensemble relève au demeurant d’un goût exquis et relativement sobre : « Je suis bien heureuse que le bracelet t’ait plu, moi je l’ai trouvé charmant car il était simple » .
Par inclination personnelle Eugénie dirige beaucoup de ses achats sur les perles et surtout les émeraudes, dont elle a la passion.
Cette dernière pierre fait malheureusement largement défaut au trésor de la Couronne, un unique diadème, datant également de la Restauration, étant à sa disposition .
L’impératrice se constitue donc une collection personnelle importante, sous la vigilance de sa trésorière la terrible madame « Pepa » Pollet. L’une de ses plus belles acquisitions, exécutée par Eugène Fontenay en 1858, demeure ainsi un diadème en brillants en forme de couronne dont neuf branches présentent des festons ayant au centre de grosses émeraudes en cabochon, lesdits festons pouvant être démontés et remplacés judicieusement par de larges perles .
Les derniers feux de la fête impériale et l'exil à Londres
Lors de l’Exposition universelle de 1867, reprenant son rôle d’encouragement et s’arrêtant devant la production des joailliers parisiens, Eugénie sélectionne chez Rouvenat une broche en forme de lilas, facturée 25 000 francs .
Chez Mellerio, dont de nombreux diadèmes iront bientôt coiffer les têtes des princesses européennes, elle observe une plume de paon faite de diamants et pierres de couleur : une commande sera passée l’année suivante.
1867 marquera l’une des dernières occasions pour Eugénie de briller et de jouer à l’hôtesse des princes du globe.
Trois ans plus tard la guerre éclate et les événements se précipitent : la défaite, l’emprisonnement de l’Empereur, la fuite honteuse des Tuileries et l’arrivée en Angleterre, l’exil. La femme la plus sophistiquée d’Europe, si ce n’est du monde, a quitté la France avec deux mouchoirs. Quand la famille se retrouve enfin dans la tristesse grise de Camden Place, les parures récupérées grâce à des mains amies n’ont plus vraiment de raison d’être, si ce n’est de rappeler des jours meilleurs. La vente de juin 1872 permet au moins d’alimenter certains espoirs, qui vont s’avérer bien éphémères. En 1873 la mort de Napoléon III et en 1879 celle du Prince impérial anéantissent les ultimes projets. Eugénie décide alors que l’avenir se fera sans elle, reniant désormais tout colifichet et se drapant de noir pour les quarante prochaines années, elle finit par distribuer aux derniers fidèles, parents et amis les restes de sa fabuleuse collection.
Comme un écho à ces diamants impériaux dispersés, la IIIe République décide de son côté de se débarrasser définitivement en mai 1887 des ces symboles par trop voyants de la monarchie impériale . Les parures d’Etat de Bapst iront orner les nouvelles princesses américaines.
A Madame Carette de conclure : « une tradition espagnole veut que les perles dont les femmes se parent le jour de leurs noces deviennent le symbole de larmes répandues. L’Impératrice dédaignant un ancien préjugé portait ce jour là un collier de perles incomparables qui couvrait son corsage de satin. La tradition, hélas, devait être fidèle » .
Nicolas Personne
Nicolas Personne est diplômé de troisième cycle de l'École du Louvre. Spécialisé dans l'étude des grandes demeures et des lieux de pouvoir, en particulier sous le Second Empire, il est l'auteur de plusieurs essais et articles sur les châteaux de Fontainebleau et de Compiègne sous Napoléon III.
Visuel de "une" : "MARÍA EUGENIA GUZMAN COMITISSA TEBAE GALLORUM IMPERATRIX. MDCCCLXII" Portrait de l'Impératrice Eugénie par Winterhalter, 1862. @Fundacion Casa de Alba, Madrid.
Lectures, sites et musées
Bernard Morel Les Joyaux de la couronne de France – Les objets du sacre des rois et des reines suivis de l’histoire des joyaux de la couronne de François Ier à nos jours. Edité par Anvers / Paris, Fonds Mercator / Albin Michel, 1988
Henri Vever. La Bijouterie française au XIX . 1800-1900, Trois volumes.
Madame Carette Souvenirs intimes de la cour des Tuileries, Paris, Ollendorf, 1890.
Souvenirs de la Princesse Pauline de Metternich 1859-1871. Paris, Plon, 1922.
Napoléon III et Eugénie reçoivent à Fontainebleau, l'art de vivre sous le Second Empire. Editions Faton, 2011.
Vous y retrouverez un texte passionnant écrit par Nicolas Personne consacré à "La vie de château"et intitulé "Etre invité à Fontainebleau sous le Second Empire".
La Revue du Souvenir Napoléonien numéro 503
QUELQUES VISITES...
Le Palais de Compiègne
Et sa ravissante exposition sur le dernier peintre de cour, Franz-Xaver Winterhalter
Le Musée d'Orsay
A ne pas manquer la très belle exposition "Spectaculaire Second Empire" jusqu'au 15 janvier 2017. Voir notre entretien avec Hubert le Gall, scénographe de cette exposition ici.
Retrouvez mention de la série d'articles Second Empire de Property of a lady sur la page facebook Orsay
Le Musée du Louvre
Les bijoux de l'Impératrice sont rassemblés près des appartements Napoléon III (aile Richelieu)
UNE CONFERENCE
"Les joyaux d'Eugénie, Impératrice des français" par Béatrice Vingtrinier et Gislain Aucremanne à L’Ecole Van Cleef & Arpels, le jeudi 17 novembre 2016.
UN FILM
Violettes Impériales de Richard Pottier avec Luis Mariano, Carmen Sevilla, Simone Valère et Louis Arbessier, 1953.
ET UN PEU DE SHOPPING
La Réunion des musées nationaux - Grand palais a créé une ligne exclusive de produits "Spectaculaire Second Empire", en vente à la boutique du musée d’Orsay.
Cette ligne se compose d’une pochette, d’un sac, d’un miroir, d’un crayon, d’un bloc de correspondance, d’un mug et de deux estampes.
Les bijoux de l'Impératrice Eugénie
Par Nicolas Personne
Les dirigeants de Christie, Manson & Wood peuvent être satisfaits. En effet en ce début d’après-midi du 24 juin 1872 les salles de vente du 8 King Street à Londres ne désemplissent pas.
La raison d’une telle affluence se résume en cent-vingt-trois lots présentés au plus offrant. Une simple liste fait office de catalogue, dressée sous le pudique titre « A portion of the magnificent jewels, the property of a distinguished personnage ». L’assemblée, constituée d’experts et de joailliers de renom tels que S.J. Phillips et Garrard, et des représentants des plus grands noms de l’aristocratie, n’est cependant pas dupe : il s’agit bien là d’une partie du fabuleux écrin personnel de l’impératrice Eugénie . L’ex souveraine s’est en effet résolue à se séparer des bijoux de sa collection personnelle, dont elle avait emporté une partie en exil, cependant que l'autre partie avait été mise en sécurité et envoyée en Angleterre après la chute de l'Empire - cela afin d’adoucir les rigueurs de l’exil de la petite cour impériale rassemblée à Camden Place, Chislehurst, à quelques lieues de la capitale britannique. Alors que Napoléon III, conspirateur devant l’éternel, nourrit sans doute quelques velléités de retour en terre française, Eugénie a-t-elle jeté un dernier regard désolé sur ces parures qui furent les attributs privilégiés de son règne ?
Le Second Empire à Orsay : entretien avec Hubert le Gall, scénographe
Créateur de mobilier renommé, Hubert Le Gall est aussi un scénographe recherché. Depuis une quinzaine d’années, il a signé maintes scénographies d’exposition, en France comme à l’étranger. Probablement avez-vous déjà aperçu son travail au musée Jacquemart-André lors des expositions Van Dyck (2008) ou Canaletto-Guardi (2012). Sinon au Grand Palais pour Mélancolie, Génie et folie en Occident (2005). Ou alors au Musée de l’Orangerie pour Frida Kahlo-Diego Rivera, l’art en fusion (2013) ? Peut-être était-ce au Musée Maillol avec Les Borgia (2014), ou encore l’année dernière au Musée d'Orsay pour l’exposition « Pierre Bonnard, peindre l’Arcadie ».
Cet automne, du 27 septembre 2016 au 15 janvier 2017, le musée d’Orsay a une nouvelle fois fait appel à Hubert le Gall pour orchestrer la scénographie de l’exposition « Spectaculaire Second Empire » qui marque les trente ans du musée.
L’exposition présente en une scénographie admirable l’éclectisme des plus beaux objets créés par la manufacture impériale de Sèvres, des Gobelins ou de Beauvais, les orfèvres Christofle et Froment-Meurice, la Maison Mellerio dits Meller, le bronzier Ferdinand Barbedienne (1810-1892) et aussi les ébénistes Alexandre-Georges Fourdinois (1799-1971) et Charles-Guillaume Diehl (1811-1885) etc...
Hubert le Gall a accepté de partager sa vision de la « fête impériale ».
Les Diamants de la Couronne au Musée du Louvre (mise à jour de février 2020)
Présentés dans la Galerie d’Apollon, les Diamants de la Couronne retracent l’histoire du Trésor de France depuis le premier fonds créé par François Ier - dont subsiste la « Côte de Bretagne » - jusqu'aux bijoux de l’Impératrice Eugénie, avec néanmoins certaines disparités selon les époques. Le XIXème siècle est le siècle le mieux représenté tout simplement parce que c’est le siècle le plus proche du nôtre : cela a épargné à certains bijoux demeurés dans des collections privées les avatars de l’Histoire, qui ont au fil des siècles provoqué la perte, la destruction, l’altération, la transformation de la plupart des bijoux.
Le Louvre dispose dans ses vitrines de gemmes mais aussi de bijoux, contrairement au musée des Mines et au Muséum National d’Histoire Naturelle, qui eux présentent des gemmes et pierres historiques dont l’intérêt initial était essentiellement minéralogique.
Depuis plus de cinquante ans, le musée du Louvre mène une politique active pour réintégrer (par ses achats et grâce aux dons) des pièces de ce qui fut le Trésor national.
Sept pièces avaient été déposée en 1887. Depuis janvier 2020, ce sont vingt-trois bijoux qui sont désormais réunis dans un seul lieu, où ils sont individualisés en trois ensembles correspondant aux trois nouvelles vitrines installées au centre de la galerie : les bijoux antérieurs à la Révolution ; les bijoux du Premier Empire, de la Restauration et de la monarchie de Juillet ; les bijoux du Second Empire. Quelques superbes écrins rouges et or sont également présentés dans l'ancienne vitrine en bois doré des Diamants de la Couronne.
Quatre gemmes célèbres et une couronne, les Diamants de la Couronne du XVIème au XVIIIème siècle
Première vitrine : les joyaux de la Couronne de France de 1530 à 1789
• Vient tout d'abord la pierre fondatrice de cette collection royale : Le spinelle dit la "Côte de Bretagne" une gemme de 107, 88 carats.
Ce spinelle, longtemps appelé « rubis balais », appartint à Marguerite de Foix, duchesse de Bretagne, puis à sa fille Anne de Bretagne. François Ier le reçut de sa première épouse, Claude de France, fille d’Anne de Bretagne. A cette époque, la pierre pesait 212 carats et était montée en « bague à prendre » ou « cottoire ».
C’est l’une des huit pierres choisies en 1530 par le roi de France François Ier pour former la collection des Diamants de la Couronne.
En 1750, à la demande de Louis XV, ce spinelle rouge sera taillé en forme de dragon par Jacques Guay, le graveur en pierres fines du cabinet du roi et sertie dans l’insigne de la Toison d'or.
Cette gemme fut attribuée au Louvre en 1887.
• Le « Sancy » superbe diamant de 55,23 carats.
Actif sous le règne d’Henri IV, Nicolas Harlay de Sancy laissa son nom aux deux prestigieux diamants qu’il possédait : Le Beau Sancy (34,98 carats) et Le Sancy ou Grand Sancy. Ce dernier fut acquis en 1604 par Jacques Ier, roi d'Angleterre, puis revendu par Henriette-Marie de France, reine d'Angleterre au cardinal Mazarin en 1657.
Mazarin le lèguera à son filleul Louis XIV en 1661, date à laquelle il entrera dans la collection des Diamants de la Couronne. Dans l'inventaire de 1691, il est décrit comme : « Un très grand diamant fort épais, appelé le Sancy, donné à la couronne par feu Monsieur le cardinal Mazarin, taillé à facettes des deux cotés, de forme pendeloque, de fort belle eau blanche et vive, net et parfait ».
Plus tard, il sera placé sur les couronnes de Louis XV (1722) et de Louis XVI (1775). Il sera aussi utilisé comme bijou par les reines Marie Leszczinska (1703-1768) et Marie-Antoinette (1755-1793). Le Directoire, qui avait besoin d’argent mit en gage une partie des Diamants de la Couronne en 1796 ; le Sancy ne sera pas dégagé… Il sera acquis en 1976 par le musée du Louvre.
• Ayant aussi appartenu au Roi-Soleil - qui l'aurait porté à sa boutonnière - un diamant rose très pâle de 21,32 carats dit le "Diamant à cinq pans" ou le diamant "Hortensia".
La couleur rose est extrêmement rare parmi les diamants. Il provient très certainement d’Inde car c’était le seul pays producteur de diamants jusqu’en 1725. Il semblerait que la couleur rose d'un diamant soit due à un défaut dans sa structure cristalline. Ce diamant décora les ganses d'épaulettes de Napoléon Ier. Diamant de la Couronne, il est surprenant qu’il fût revenu ensuite à Hortense de Beauharnais (1783-1837), fille de l’Impératrice Joséphine, fille adoptive de Napoléon Ier et mère de Napoléon III, qui le porta au début du XIXème siècle d'où le nom qu'on lui donne parfois de « Diamant Hortensia ». Charles X le porta à son tour et il sera utilisé en dernier lieu sur un grand peigne à pampilles de l’Impératrice Eugénie (1856).
Il avait été initialement attribué au Muséum d'histoire naturelle en 1887, puis a été déposé au musée du Louvre.
• Le « Régent » ou le plus beau diamant d’Europe.
Il provient d’Inde, et aurait été découvert à Golconde en 1698. Il fut d’abord acquis dans des circonstances mystérieuses par Thomas Pitt, gouverneur du fort de Madras (1701). Brut, il pesait 410 carats. Thomas Pitt le fit tailler à Londres par Joseph Cope. Ce dernier mis deux ans, entre 1703 et 1705, pour tailler le diamant en un coussin brillant de 140,64 carats offrant un scintillement et une lumière incomparables.
Il fut présenté à Louis XIV à la fin de son règne mais il ne put l’acheter et il fallut attendre la régence de Philippe d’Orléans (1715-1723) pour qu’il soit acquis par la France. Dans ses Mémoires, (Tome 14, chapitre 17) Saint-Simon raconte comment il fit « acheter ce diamant unique en tout » : « Il est de la grosseur d'une prune de la reine Claude, d'une forme presque ronde, d'une épaisseur qui répond à son volume, parfaitement blanc, exempt de toute tache, nuage et paillette, d'une eau admirable, et pèse plus de cinq cents grains. Je m'applaudis beaucoup d'avoir résolu le régent à une emplette si illustre ».
Cet extraordinaire diamant deviendra le symbole de la royauté et sera placé sur la couronne de Louis XV (1722), et de Louis XVI (1775). Engagé par le Directoire, Napoléon Bonaparte le dégagea en Juin 1801. Devenu empereur, Napoléon Ier le fit sertir sur son épée de Premier consul en 1801, sur son épée de sacre en 1804, sur le pommeau du glaive impérial en 1812. Le Régent ornera ensuite la couronne de Charles X en 1825, et enfin le diadème à la grecque de l'impératrice Eugénie.
Comme les autres Diamants de la Couronne, Le Régent fut dérobé en septembre 1792. Il fut retrouvé en décembre 1793 et restitué au Comité de Sûreté générale. Il fut ensuite mis en gage à plusieurs reprises par la suite par le Directoire.
En 1887, il échappa à la mise aux enchères des joyaux de la couronne et fut donné au Musée du Louvre, qu’il n’a quitté qu’une seule fois depuis, pour être caché au château de Chambord juste avant la seconde guerre mondiale lors d’une première évacuation, en septembre 1938, pendant les accords de Munich.
• Dernière pièce à intégrer les diamants de la Couronne avant l’avènement de l’Empire : la couronne de Louis XV dite « couronne personnelle »
C’est celle que le roi (1710-1774) porta en la cathédrale de Reims le 25 octobre 1722 au cours d’une grandiose cérémonie religieuse : le jeune monarque n’avait alors que douze ans !
Selon la tradition, deux couronnes furent réalisées : la première en or émaillé et la seconde dite "couronne personnelle " en argent doré et ornée de pierreries. Cette dernière ne servait qu'à l'occasion du sacre puis était déposée à l'abbaye de Saint-Denis avec les autres regalia (c’est-à-dire les symboles du pouvoir royal utilisés pour les sacres des rois, les couronnes, les sceptres ou les mains de justice)
Très colorée, cette couronne était constituée de perles et de pierres précieuses : rubis, saphirs, émeraudes et diamants. Les diamants présents sur la couronne étaient les plus prestigieux du Trésor. Y figuraient le « Régent » acheté quelques années avant le sacre, en 1717, incrusté dans la fleur de lys avant, mais aussi neuf des dix-sept diamants dit les « Mazarins », dont « le Sancy » qui ornait le sommet de la couronne et formait le centre de la fleur de lys. Au total, cette couronne comportait 282 diamants (161 grands et 121 petits), 64 pierres de couleur (dont 16 rubis, 16 saphirs et 16 émeraudes) et 237 perles. En 1729, les perles et les pierres précieuses furent remplacées par des copies et la couronne déposée au trésor de l'abbaye de Saint-Denis.
Cette couronne est la seule couronne parmi toutes celles déposées par les rois de France au Trésor de l’abbaye Saint-Denis à avoir survécu à la folie destructrice de la Révolution française. En 1852, elle fut attribuée au Louvre.
Les Diamants de la Couronne et les bijoux personnels des souveraines entre 1800 et 1852
Vitrine des joyaux des souverains français entre 1800 et 1852
Le XIXème siècle a connu six régimes politiques. Les joyaux de la couronne reflètent ces changements permanents. Les pierres furent démontées et remontées maintes fois par les souverains successifs !
Les bijoux de la première moitié de ce siècle présentés au musée du Louvre ne sont pas tous issus des Diamants de la Couronne mais sont le plus souvent des bijoux personnels ayant appartenu aux Impératrices et Reines.
• L’Impératrice Joséphine a porté les Diamants de la Couronne le temps de son mariage avec Napoléon Ier. Après son divorce, en 1809, ces bijoux ont été mis à disposition de l’Impératrice Marie-Louise. Ainsi, il n’y a pas à proprement parler de Diamants de la Couronne de l’Impératrice Joséphine.
Quant à sa très grande collection de bijoux personnels, qui a été partagée entre ses deux enfants Hortense et Eugène de Beauharnais après sa mort le 29 mai 1814 au château de Malmaison, on peut espérer que ces bijoux existent encore dans des collections royales en Europe grâce à ses descendants.
- A Nice, le musée Masséna présente le diadème de Joséphine en nacre, or, perles et pierres de couleur offert par son beau-frère Murat.
- Le Musée National des châteaux de Malmaison et Bois-Préau présente aussi quelques bijoux, en particulier la bague de couronnement de l’Impératrice.
- La galerie d'Apollon au Louvre expose une paire de pendants d’oreilles, formée de deux grosses perles en forme de poire, lui ayant appartenu personnellement - et que l’on reconnaît dans de nombreux portraits d’elle dont celui ci-dessus.
• Pour son mariage le 2 avril 1810 avec Marie-Louise d’Autriche (1791 - 1847), Napoléon commanda à la maison Nitot deux parures qui appartiendront aux Diamants de la Couronne : une de diamants et une autre de perles et diamants. S’ajoutera aussi, d’une valeur moins importante, la délicate parure en or et mosaïques.
Napoléon offrit aussi à sa seconde épouse deux parures destinées à entrer dans son écrin personnel : l’une en opales et diamants, l’autre en émeraudes et diamants.
La seconde vitrine de la galerie d'Apollon présente le collier et la paire de boucles d'oreilles de la parure d'émeraudes et diamants offerte par Napoléon Ier à Marie-Louise à l'occasion de leur mariage en 1810.
Ces deux bijoux, préservés dans leur état d'origine de 1810, ne sont donc pas des joyaux de la couronne mais appartenaient à l'écrin personnel de l’Impératrice qui comprenait aussi un diadème et un peigne.
A la chute du Premier Empire, l’Impératrice quitte Paris le 29 mars 1814 et emporte tous ses bijoux personnels reçus pendant son mariage. En 1847, elle lèguera la parure d'émeraudes à sa tante du côté des Habsbourg, l’archiduchesse Elise. En 1953, le diadème de l’impératrice Marie-Louise est acquis par Van Cleef & Arpels et les émeraudes sont démontées pour être serties sur de nouvelles créations entre 1954 et 1955. En 1962 des turquoises sont serties sur le diadème qui est porté en janvier 1967 par Marjorie Merriwheater Post. En 1971, cette dernière l’achète à la Maison pour l’offrir au Smithsonian Institute. Aujourd'hui, ce diadème est composé de 1006 diamants taille ancienne d'un poids total de 700 carats et de 79 turquoises d’Iran d’un poids total de 540 carats.
• Sous la Restauration, Louis XVIII (1755-1824) fit démonter et mettre au goût du jour les bijoux impériaux pour sa nièce la duchesse d'Angoulême (1778-1851).
Louis XVIII étant veuf, tout comme son frère et successeur Charles X, c’est leur nièce la duchesse d’Angoulême (1778-1851), fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette, qui porta les Diamants de la Couronne. Marie-Thérèse-Charlotte de France, auparavant nommée Madame Royale, est devenue duchesse d'Angoulême par son mariage en 1799 avec son cousin germain Louis-Antoine d'Artois, fils aîné du comte d'Artois (futur Charles X).
Deux bijoux lui ayant appartenu et faisant partie des Diamants de la couronne sont présentés au Louvre :
Le « diadème de la duchesse d’Angoulême »
Marie-Thérèse de France possédait une parure personnelle d’émeraudes qui avait été créée en 1814 par le joaillier Paul-Nicolas Ménière (1745-1826) comprenant un peigne, un collier, des bracelets et des boucles d’oreilles. Louis XVIII fit réaliser un diadème par la maison Bapst pour compléter cette parure. Chef d’œuvre de la Restauration par la richesse des pierres gemmes, la qualité de leur monture et l’inspiration classique, ce diadème monté avec des gemmes de la Couronne fut inscrit sur l'inventaire des Diamants de la Couronne de France.
Sous le Second Empire, le diadème fut porté par l’Impératrice Eugénie qui appréciait particulièrement les émeraudes.
Ce diadème fut vendu avec les autres bijoux de la Couronne en 1887 avant de réapparaître dans une collection privée. Il a été acquis avec la contribution du Fonds du Patrimoine en 2002.
La « paire de bracelets rubis et diamants de la duchesse »
Cette paire de bracelets, offerte par Louis XVIII à la duchesse d'Angoulême, faisait partie de la parure de rubis et diamants qui comportait un diadème, deux colliers, un cache-peigne, une paire de boucles d'oreilles, une ceinture et trois agrafes.
Une première parure créée en 1811 par la Maison Nitot pour l'impératrice Marie-Louise fut en partie remontée pour la duchesse d'Angoulême en 1816 par Pierre-Nicolas Menière, d'après les dessins de son gendre Evrard Bapst. Le joaillier conserva les éléments essentiels de Nitot mais en les agençant avec plus de sobriété, dans le style Restauration. Fait assez rare pour être souligné : ni les bracelets, ni le reste de la parure, ne furent modifiés au cours du XIXème siècle. Ils furent portés également par l'impératrice Eugénie.
L’ensemble fut vendu en 1887, la paire de bracelets fut acquise par M. Tiffany puis vendue dans une collection particulière, avant d’être léguée au Louvre en 1973 par M. Claude Menier.
La réouverture de la Galerie d'Apollon en janvier dernier présentait une nouvelle acquisition : un élément de la ceinture de rubis et diamants de la duchesse d'Angoulême
• Il n’y a qu’une seule parure témoin de la Monarchie de Juillet, c’est la parure complète de saphirs et diamants de la reine Marie-Amélie (1782-1866), épouse du roi Louis-Philippe.
Il s’agit d’une parure personnelle de la reine.
La plus ancienne trace que l’on ait trouvée de cette parure est la correspondance échangée entre le duc d’Orléans (le futur roi des français Louis-Philippe) et Hortense de Beauharnais qui la lui vendait. Acquise en 1821, cette parure fut remaniée et complétée pour la reine Marie-Amélie. La parure fut modifiée une nouvelle fois après 1863 pour Isabelle d'Orléans, comtesse de Paris. Ancienne collection du Monseigneur le Comte de Paris, cette parure est restée dans la descendance des Orléans jusqu'en 1985, date à laquelle elle est entrée au Louvre.
La troisième vitrine est celle des bijoux du Second Empire, avec les vestiges des grandes parures de l’impératrice Eugénie
La fête impériale
L'impératrice Eugénie reste célèbre pour son élégance innée et sa beauté. Jeux d’apparence qui servaient le pouvoir, l’industrie naissante et l’image de la France. C’est elle qui est à l’origine du style Second Empire empreint de tradition et d’éclectisme.
L'Impératrice Eugénie posséda une des plus importantes collections de bijoux de son temps. Elle appréciait tout particulièrement les perles et les émeraudes (les siennes provenaient de Colombie).
A la chute du Second Empire, les souverains partirent en exil à Londres et y organisèrent le 24 juin 1872 une importante vente de bijoux personnels de l’Impératrice chez Christie's. Lors de la vente aux enchères de 1887, la majeure partie des bijoux de l'ex-impératrice fut rachetée par le bijoutier-joaillier américain Charles Tiffany. (La plupart de ces bijoux ont ensuite appartenu à une grande collectionneuse Aimée de Heeren mais là, c'est une autre histoire qui commence !).
• La Couronne de haut de tête de l'impératrice Eugénie
Réalisée par Alexandre-Gabriel Lemonnier (1808-1884) à l'occasion de l'Exposition universelle de 1855, sur le même modèle que celle de l’Empereur aujourd’hui disparue, cette couronne est constituée de 2 490 diamants et de 56 émeraudes montés sur or jaune. Aujourd’hui, c'est avec la couronne de Louis XV, la seule couronne de souverain français préservée.
Cette couronne, en grande partie payée par la cassette impériale, fut restituée en 1873 à l'Impératrice par la IIIème République. La couronne de l'Empereur fut démantelée, et huit de ses émeraudes restituées à l'impératrice car n'appartenant pas aux Diamants de la Couronne.
Eugénie la légua à la princesse Marie-Clotilde Napoléon, comtesse de Witt.
Elle fut acquise par le Louvre en 1988 grâce à la participation de M. et Mme Roberto Polo.
• Trois mois après leur mariage (30 janvier 1853), l’Empereur commande une nouvelle parure pour l’Impératrice à partir de la parure exécutée par François-Régnault Nitot pour l’impératrice Marie-Louise (et déjà transformée pour la duchesse d’Angoulême sous la Restauration) avec les perles et les diamants de la Couronne.
L’Empereur partage la commande entre Alexandre-Gabriel Lemonnier, joaillier de la Couronne, et François Kramer, joaillier attitré de l’impératrice Eugénie. Lemonnier fournit le diadème, la petite couronne et une grande broche de devant de corsage. François Kramer fournit quatre broches de même dessin mais de taille décroissante, dont deux broches d’épaule et deux broches de corsage.
• Le Diadème de perles et diamants
Sur son portrait officiel peint par Winterhalter, l’impératrice Eugénie porte ce diadème, ainsi que la couronne de haut de tête, créés par Alexandre-Gabriel Lemonnier. Ce diadème est composé de 212 perles et de 1 998 diamants de taille ancienne, montés sur argent doublé d’or.
Depuis 1887, il faisait partie de la collection des princes Thurn und Taxis (Allemagne) et a pu être acquis lors d’une vente à Genève le 17 novembre 1992 par la société des Amis du Louvre.
• La Broche d’épaule de l’impératrice Eugénie
Elle est composée de sept perles (deux rondes, cinq poires) mises en valeur par dix-sept diamants coussin et quelques dizaines de brillants.
Lors de la vente des Diamants de la couronne, les quatre broches sont vendues.
La broche acquise par le musée du Louvre est la deuxième, adjugée à Bapst et fils. Elle est le dernier bijou à être entré dans les collections du Louvre le 11 février 2015.
• Le Grand Nœud de ceinture en diamants
Le nœud de corsage d’Eugénie est un bijou qui lui a été offert par Napoléon III à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1855.
Il est composé de 2.634 diamants, dont 196 roses et 2.438 brillants, totalisant plus de 140 carats. Lors de sa création par le joaillier François Kramer, le nœud était un élément de ceinture puis en 1864, il a été démonté et adapté en broche de devant de corsage à la demande de l'impératrice.
Mise en vente aux enchères en 1887, cette pièce exceptionnelle avait été achetée par le joaillier Emile Schlesinger qui l’avait à son tour revendue à la famille Astor dans laquelle elle est restée cent ans, avant d’être remise en vente, intacte, le 15 avril 2008 chez Christie's à New York : Rare Jewels and Gemstones, The Eye of a Connoisseur. Sale 2121. Lot 1096
• La broche-pendentif de l’Impératrice Eugénie
Cette grande broche « agrafe rocaille » réalisée par Alfred Bapst en 1855 est le seul bijou de l’Impératrice Eugénie qui ait été cédé au Louvre en 1887.
Elle est composée de 85 diamants colorés montés sur argent doré. Les deux diamants en forme de cœur ou « en ailes de papillon » sont les Mazarins 17 et 18 légués par le cardinal à Louis XIV en 1661. Ainsi, avec le diamant le Sancy (1er Mazarin) le musée du Louvre conserve trois des dix-huit Mazarins.
Cette broche est parfois appelée « broche-reliquaire » pourtant, elle ne contient pas de relique. Comme le soulignait Monsieur Jannic Durand « c’est un des mystères du Louvre » !
Bibliographie et informations pratiques
Anne Dion-Tenenbaum, conservateur général, est en charge des collections du dix-neuvième siècle du département des Objets d’art du musée du Louvre, finalise avec François Farges un ouvrage sur les joyaux de la Couronne au musée du Louvre.
Les grands diamants de la Couronne de François Ier à Louis XVI,
François Farges. Versalia. Revue de la Société des Amis de Versailles
Année 2014
Les Joyaux de la couronne de France - Les objets du sacre des rois et des reines suivis de l'histoire des joyaux de la couronne de François Ier à nos jours. Bernard Morel. Edité par Anvers / Paris, Fonds Mercator / Albin Michel, 1988
Gérard Mabille
Les Diamants de la Couronne, Hors-série, Découvertes Gallimard, 2001
***
Musée du Louvre
Rue de Rivoli. 75001 Paris.
Horaires : de 9h à 18h, sauf le mardi. Nocturne mercredi et vendredi jusqu’à 21h45.
Tarif d’entrée au musée : 15 €.
Réservation d’un créneau horaire pour un accès en moins de 30min : 17 €.
Achat en ligne : ticketlouvre.fr
Département des Objets d’art Aile Denon, 1er étage, salle 705
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"visuel de "une" : Détail du diadème de l'impératrice Eugénie
Lemonnier Alexandre-Gabriel (vers 1808-1884). Paris, musée du Louvre.
Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / image RMN-GP
M. Jannic Durand, Directeur du département des objets d'art au musée du Louvre, à propos des Diamants de la Couronne
Capucine Juncker : Quelle est la politique du Louvre à l’égard des joyaux de la Couronne ?
Jannic Durand : Le Musée du Louvre a reçu sept pièces lors de la vente de 1887. A partir des années 1950, le Louvre s’est efforcé de rassembler quelques-uns des joyaux qui avaient été dissipés lors de cette vente.
En matière d’acquisitions, les départements du musée du Louvre sont force de proposition ; ensuite, on passe aux instances légitimes des acquisitions : la Commission des acquisitions du Louvre, puis le Conseil artistique de la Réunion des musées nationaux.
Cette politique produit des effets puisque nous avons réussi à ramener au Louvre plusieurs pièces de toute première importance. J’ajoute que nous associons volontiers, dans cette politique, les joyaux de la Couronne au sens strict et les collections personnelles des souverains.
CJ : Quels sont les grands principes d’acquisition ?
JD : Notre devoir est d’acquérir des pièces qui n’ont pas été modifiées. Une pièce remontée de nombreuses fois depuis la vente de 1887 n’a guère d’intérêt pour nous. Même si les pierres historiques peuvent être éblouissantes en elles-mêmes, les bijoux et parures doivent être dans leur état premier. Cela limite beaucoup le nombre de pièces que nous pouvons récupérer de la vente de 1887, car un nombre incalculable de bijoux ont été aussitôt dessertis.
De notre point de vue, c’est lamentable et regrettable, mais il est vrai que dessertir dans les années 1880 une pièce datant de 1840 équivaut à peu près à dessertir un bijou des années 70/80 pour nous. La dimension historique n’était pas aussi prégnante qu’elle l’est aujourd’hui, et l’origine monarchique d’une majorité de pièces faisait peser sur elles un véritable opprobre.
Depuis 1950, je résumerai nos principes d’acquisition en trois critères : intégrité, qualité et intérêt pour les collections publiques françaises.
Pour le dire autrement, s’il s’agit d’un chef-d’œuvre ayant appartenu aux joyaux de la Couronne, le Louvre tentera de se porter acquéreur.
CJ : Existe-t-il aujourd’hui un « marché » des joyaux de la Couronne ?
JD : On connaît le destin d’un certain nombre de ces joyaux après 1887 parce qu’on sait que les bijoutiers en ont desserti beaucoup, mais il y en a d’autres dont on ignore absolument tout, et qui ressurgissent. Certaines pièces dispersées en 1887 existent encore par miracle et n’ont pas été dépecées, mais elles appartiennent à des collections privées… Le Louvre n’a pas plus écho que le grand public des joyaux qui figurent dans les collections privées. Les ventes sont publiques. Je pense néanmoins que peu de particuliers possèdent des Diamants de la Couronne.
Nous nous efforçons d’acquérir à mesure que ces pièces apparaissent sur le marché, mais nous devons nous montrer opportunistes puisqu’il nous est impossible de savoir exactement ce qui subsiste et quand cela sera remis en circulation.
CJ : Quel regard les joailliers et maisons de vente portent-ils sur ce marché ?
JD : Fort heureusement, les grandes maisons de vente et les grands joailliers sont extrêmement sensibles à l’aspect patrimonial des Diamants de la Couronne. Beaucoup d’entre eux se sentent concernés et nous contactent pour nous demander si nous sommes intéressés lorsqu’ils voient passer une pièce ayant appartenu aux joyaux de la Couronne. Les Diamants de la Couronne appartenaient à l’Etat : ils étaient remis aux souverains pour leur apparat mais ne leur appartenaient pas en propre. Cette différence a été très claire dès la création des Diamants de la Couronne sous François Ier, qui correspond à la fondation de l’Etat français avec l’ordonnance de Villers-Cotterêt instituant l’état-civil, l’usage du français, ce sens de l’Etat très particulier, que les joyaux de la Couronne ont en un sens incarné pendant des siècles. Cette dimension demeure vivace.
Bien sûr, les maisons de vente ont aussi leur propre clientèle privée, qui elle aussi se montre très intéressée lorsqu’elle voit passer un Diamant de la Couronne… Le vendeur d’une pièce historique souhaite légitimement en tirer une valeur cohérente. Le plus souvent nous sommes informés et contactés. Ensuite, c’est la loi du marché qui s’applique.
CJ : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur les pièces remarquables et acquisitions récentes ?
JD : Nous sommes très fiers d’avoir acquis la broche d’épaule de l’Impératrice Eugénie qui est entrée dans nos collections il y a un an exactement. Il a fallu faire des choix déchirants : nous n’avons pas acquis la broche en fleurs de groseillier d’Eugénie, qui aurait pu être intéressante pour le Louvre – et qui était en vente au même moment (Christie’s, novembre 2014)
Nous espérons que resurgiront les trois autres broches d’épaule de même dessin fournies par François Kramer en 1853 et qui ont disparu. Un rêve fou, parce que je crois qu’on n’y arrivera pas, serait de reconstituer une parure complète.
Cette broche est aussi extrêmement intéressante car elle montre, avec le diadème de perles et diamants fourni par Alexandre-Gabriel Lemonnier, que plusieurs orfèvres joailliers pouvaient être impliqués dans une même commande, et travailler dans un esprit commun.
CJ : Pourquoi cette forte présence du Second Empire ?
JD : Le Second Empire est le mieux représenté au Louvre car c’est le plus proche de nous. Même si tout avait été reconstitué sous le Ier Empire, les joyaux les plus spectaculaires et nombreux sont ceux du Second Empire et de la Restauration.
CJ : Qu’en est-il des dons ?
JD : Nous bénéficions de dons merveilleux, comme la paire de bracelets en rubis et diamants ayant appartenu à la Duchesse d’Angoulême, offerte en 1973 par Monsieur Claude Menier. Les bracelets appartenaient au Trésor et nous sont parvenus sans altération.
De même, la couronnette (couronne de chignon) offerte par Monsieur et Madame Roberto Polo en 1988 est un bijou passionnant car c’est le seul vestige des couronnes impériales de Napoléon III, en plus d’être un témoignage de la joaillerie du second empire. Un dernier exemple : le grand nœud de ceinture en diamants d'Eugénie. Son acquisition en avril 2008 a été rendue possible grâce à un legs privé de 5 millions d’euros et des crédits du Fonds du Patrimoine et du musée lui-même. C’est une pièce extraordinaire. D’abord parce qu’elle est belle, ce sont des diamants qui proviennent des collections de la Couronne, mais il est évident que c’est aussi un chef d’œuvre de la joaillerie française avec notamment cet aspect mobile des diamants qui font que lorsqu’il était porté il y avait des effets de passementerie liés au mouvement des pierres précieuses.
CJ : Une petite parenthèse : pourquoi la broche d’Eugénie s’appelle-t-elle « broche reliquaire » ?
JD : C’est une bonne question ! D’autant que je suis moi-même médiéviste et que je m’intéresse beaucoup aux objets reliquaires de manière transversale. En fait, on ne sait pas. Ce qu’on sait c’est que c’est écrit au dos de la barrette. Un reliquaire doit abriter une relique, ici où serait-elle ? Inscription d’époque, impératrice pieuse… mais mystère entier ! C’est un bijou extraordinaire, le seul bijou du Second Empire confié au Louvre en 1887.
CJ : Par souci de protection, exposez-vous parfois des copies ?
JD : Tous les bijoux présentés dans les vitrines sont des originaux ! C’est un devoir de l’Etat, une loi française générale : pas de copies ! Il est vrai qu’une copie du diamant le Régent portée par Eugénie est au Louvre… mais elle n’est pas exposée !
Certes, cela expose les pièces aux vicissitudes de l’Histoire – comme le vol de l’épée en diamants de Charles X en 1976 dont le Louvre fut jadis victime. Mais cela ne change pas notre règle qui consiste à exposer les originaux.
CJ : Les Diamants de la Couronne pourraient-ils être prêtés à d’autres musées ?
JD : Exceptionnellement. Et il faut que le sujet le justifie pleinement. Il faut aussi que les bijoux soient prêtables – beaucoup sont très fragiles. Précisément nous allons faire un prêt au Musée d’Orsay : la petite couronne et le diadème seront prêtés pour l’exposition sur le Second Empire : « Spectaculaire Second Empire, 1852-1870 », du 27 septembre 2016 au 16 janvier 2017 au Musée d’Orsay. C’est assez rare pour être souligné !
Photo:La Galerie d'Apollon au Musée de Louvre
©RMN-Grand Palais / Stéphane Maréchalle
Les Diamants de la Couronne au Muséum National d’Histoire Naturelle
Parmi les trésors de sa Galerie de Minéralogie, le Muséum National d’Histoire Naturelle présente des gemmes issues des collections royales et impériales de la Couronne de France. Elles ont été acquises en deux temps.
La première vague : Grande Emeraude et Grand Saphir
En 1796, quatre années après que le « Cabinet royal d’Histoire naturelle » eut été rebaptisé « Muséum d’Histoire Naturelle », son directeur Louis Daubenton (1716-1799) est invité à choisir une série de gemmes dans l’ancienne collection royale. L’idée est de présenter au peuple français les « richesses et usages du monde minéral » afin de contribuer à « l’instruction publique ». Un motif pour le moins ingénieux qui a permis la conservation de ces pierres précieuses ayant appartenu aux Diamants de la couronne.
Deux pierres de ce premier dépôt au MNHN retiennent particulièrement notre attention.
• La Grande Émeraude dite « de Saint Louis »
Cette pierre de 51,6 carats est une gemme qui au XIIIème siècle ornait le centre d’une fleur de lis de la Sainte Couronne de France offerte par le roi à l’abbaye de Saint-Denis.
Couronne de saint Louis
L’émeraude présente aussi un intérêt important pour les gemmologues car elle provient d’un gisement historique épuisé : celui des mines du Habachtal en Autriche.
• Le "Grand Saphir" de Louis XIV était probablement le plus beau saphir du siècle et a pour origine Ceylan.
Composée de six faces, en forme de losange, cette pierre pesant 135,8 carats a longtemps été l’objet d’interrogations quant à son facettage : était-ce un cristal naturel ou un cristal poli ? Il est avéré aujourd’hui qu’il s’agit bien d’un cristal poli. D'ailleurs, et c’est rare dans l’histoire des Diamants de la Couronne, cette gemme a échappé à toute retaille depuis son acquisition par le Roi-soleil en 1669.
On ne sait pas à quelle date exactement elle est entrée dans la collection royale car elle ne figure pas dans la liste des pierres achetées par le roi. On suppose qu’elle lui aurait été offerte par le grand joaillier d’Amsterdam David Bazu qui fournissait en pierres précieuses Louis XIV par l’intermédiaire de son lapidaire Jean Pittan.
Les Diamants de la Couronne : une épopée historique
L’histoire des « Diamants de la Couronne de France » (que communément on appelle aujourd’hui « joyaux de la couronne ») se confond avec l’Histoire de France depuis près de cinq siècles.
Elle en a épousé tous les contours. Elle reflète la personnalité des souverains, les préoccupations esthétiques successives, les valeurs mises en avant par tel ou tel régime politique. Les joyaux de la Couronne ont aussi été les témoins privilégiés des détours de l’Histoire, ils ont été aux premières loges dans les moments de crise, mais aussi lors des grandes histoires d’amour ou dans la perpétuation des grandes lignées. C’est tout cela, et point seulement leur valeur financière et minéralogique, qui les rend si précieux et qui fait toute l’importance de ce qui en subsiste dans les collections des musées.
Une telle histoire cependant ne va pas sans confusions chronologiques, ni sans inexactitudes souvent colportées d’un récit à l’autre. Il importe d’en retracer ici le parcours en tentant d’être le plus précis possible, avant de nous pencher sur les trois grandes collections françaises : celle du Muséum National d’Histoire Naturelle, celle de l’Ecole des Mines et celle du Musée du Louvre.
Des débuts tumultueux...
La collection des Diamants de la Couronne débute le 15 juin 1530, à l’instigation de François Ier (1494-1547). Soucieux d’apparat royal mais aussi des finances du royaume, le roi décide d’établir une distinction entre sa cassette privée et des bijoux royaux auxquels il assigne un statut particulier : le roi décide en effet que certains bijoux seront « propriété de l’état » à la condition de n’être jamais aliénés. Roi et Reine en auront la jouissance durant leur vie, mais à leur mort, les bijoux seront remis au Trésor et transmis aux héritiers de la couronne.
C’est François Ier lui-même qui choisit huit bijoux ou pierres destinés à constituer le premier noyau de ce trésor. Parmi eux, trois « rubis balais » dont la « Côte de Bretagne », un spinelle d’un rouge profond (le terme désuet de « rubis balais » provient d’une déformation de nom de leur origine : le Badakhchan, province montagneuse de l'extrême nord-est de l'Afghanistan).
Ce spinelle, témoin des débuts des Joyaux de la Couronne, est la seule pierre à avoir traversé toute l’histoire de France et à nous être parvenue. Elle n’est certes pas intacte : elle fut retaillée en forme de dragon en 1750 à la demande de Louis XV. Elle connut aussi des avanies : volée en 1792, elle fut retrouvée en 1796 puis rachetée par Louis XVIII et réintégrée aux Diamants de la Couronne. Aujourd’hui elle est visible au Musée du Louvre.
Moins de trente ans après la mort de François Ier (+1547), le roi Henri III (1551-1589) contrevient aux instructions laissées par son grand-père. L’année même de son sacre en 1575, il engage les joyaux auprès de créanciers de la Couronne de France. La raison en est simple : les guerres de religion sont à leur paroxysme et elles coûtent très cher au trésor royal. Pratiquement aucun des joyaux engagés n’est recouvré. Engagées elles aussi, les « Collections royales », des objets précieux datant pour la plupart du Moyen-Age, disparaissent également. C’est la première catastrophe dans la très jeune histoire des joyaux de la couronne.
Le sacre d’Henri IV (1553-1610) apaise les guerres de religion et marque une époque nouvelle pour le royaume de France. Le roi Henri IV et son épouse Marie de Médicis (1573-1642) reprennent la collection des joyaux de la couronne, y ajoutant de très nombreux objets d’art. C’est ainsi que Marie de Médicis acquiert en 1604 le « Beau Sancy » (ou « petit Sancy ») auprès de Nicolas Harlay de Sancy, alors surintendant des finances d’Henri IV. La légende dit qu’il l’aurait rapporté de Constantinople, où il aurait été en ambassade. Il se pourrait en réalité que ce soit son fils, Achille de Harlay, qui y ait été ambassadeur vers 1601. Son origine est obscure, mais il est très probable qu’il provienne d’Inde. Certains toutefois veulent croire qu’il provient du trésor perdu de Charles le Téméraire, qui comportait ce qui pourrait bien avoir été un diamant magnifique, la Rose Blanche – le Beau Sancy et la Rose Blanche ne feraient qu’un. Ce ne sont que des hypothèses sans doute romanesques mais peu étayées.
Marie de Médicis fera fixer Le Beau Sancy sur sa couronne lorsqu’elle sera sacrée reine de France à Saint-Denis le 13 mai 1610.
Le lendemain de la cérémonie, Henri IV est assassiné par Ravaillac. Marie de Médicis, mère de Louis XIII qui n'a alors que neuf ans, assure la Régence. Elle s'exile en 1630. Pour payer ses créanciers, elle finit par vendre le diamant au Prince d'Orange-Nassau en 1641.
Le Beau Sancy est un diamant de taille de poire double rose pesant 34,98 carats. Le rapport du GIA (n° 11412121953) indique que le diamant est de couleur K, brun pâle, de pureté SI1 et de type IIa (les diamants de type IIa sont les plus purs chimiquement et ont souvent une transparence exceptionnelle).
Pendant quatre siècles, ce joyau a appartenu tour à tour à quatre familles royales (France, Maison d’Orange, Angleterre, Prusse). Le 14 mai 2012, la Maison royale de Prusse l’a mis en vente : c’est l'un des diamants historiques les plus importants à avoir été proposé aux enchères. Il a été acquis par un collectionneur dont le nom n'a pas été divulgué et a atteint 7,53 millions d’euros.
Le Beau Sancy a ainsi rejoint une collection privée et n’est désormais plus visible.
La collection royale vers son apogée : le XVIIème siècle
Grand amateur de gemmes devant l’Eternel, le cardinal Mazarin (1602-1661) collectionna avec passion, et avec une certaine avidité, les gemmes et les objets d'art les plus précieux de son temps.
A sa mort, le Cardinal légua à son filleul Louis XIV dix-huit diamants magnifiques baptisés les « mazarins ». Parmi ces diamants il y avait « le Sancy » ou le « Grand Sancy ». Ce diamant, à priori de même origine que le petit Sancy (les mines de Golconde), avait été vendu par Nicolas Harlay de Sancy (toujours lui) en 1604 au roi d’Angleterre Jacques Ier, puis revendu en 1657 par la reine Henriette-Marie de France, épouse de Charles Ier d’Angleterre, au cardinal de Mazarin. La petite histoire raconte que le messager de Harlay de Sancy transportant le diamant d’Orient en Europe fut attaqué et tué… et que le diamant fut récupéré par son mandataire dans l’estomac de son émissaire, qui avait avalé la pierre avant de mourir.
Le Grand Sancy supplante le Petit Sancy : avec ses 55, 232 carats, il sera le plus gros et le plus beau diamant blanc d’Europe jusqu’à la découverte du Régent. Il sera placé sur les couronnes de sacre de Louis XV en 1722 et de Louis XVI en 1775 et porté aussi par leur épouse durant leur règne.
C’est sous le règne de Louis XIV (1638-1715) que les joyaux de la couronne connurent leur apogée. Le Roi-Soleil avait une passion pour les pierres précieuses et augmenta considérablement la collection jusqu’à posséder la plus belle d’Europe. Cette passion était certes esthétique, mais elle était également politique. Les joyaux de la couronne sont considérés comme les symboles de la puissance royale mais également comme un investissement judicieux dans des pierres précieuses dont la valeur ne saurait être altérée à travers le temps. Les diamants en particulier étaient le signe de la puissance : c’est sur un trône d’argent tout incrusté de diamants que Louis XIV reçut l’émissaire du Grand Turc.
En 1669, deux marchands aux longs cours, Jean-Baptiste Tavernier et son concurrent hollandais David Bazu, par l’entremise du joaillier lapidaire Jean Pittan, rapportent à Louis XIV des centaines de gemmes extraordinaires. Parmi eux, un diamant de 115,4 carats originaire de Golconde qu’on appellera ensuite « le Diamant Bleu » et un saphir parallélépipédique de 135,8 carats, originaire de Ceylan dit « le Grand Saphir ».
Le Grand Saphir est le joyau actuel du MNHN. Cette gemme n’a jamais été retaillée depuis qu’elle est entrée dans le Trésor et fait étonnant, lors du sac du Garde-Meuble en 1792, elle fait partie des rares bijoux auxquels les voleurs ne s’intéresseront pas ! (Cf l’article consacré au Muséum national d'histoire naturelle).
Avec le grand diamant bleu de Louis XIV commence une histoire étonnamment romanesque. Cette histoire aux rebondissements nombreux est racontée par François Farges, éminent spécialiste et professeur au MNHN. Le diamant est taillé pendant deux années à partir de 1672 par Jean Pittan pour obtenir un bijou exceptionnel de 69 carats, d’un bleu profond (appelé violet à l’époque) couleur de la royauté, comprenant 72 facettes, à l’image du Roi-Soleil et représentant une cosmogonie héliocentrique.
En effet, la pierre était facettée en son centre d’une étoile à sept branches (chiffre chargé de symboles : les planètes, les jours de la semaine, le culte d’Apollon). Lorsque le roi portait cette pierre, montée sur une épingle d’or, l’illusion d’un soleil au centre d’un ciel bleu éblouissait tout son entourage.
Ce diamant fut ensuite volé et sa trace se perdit. Ce n’est que récemment que François Farges put démontrer que le Diamant Bleu n’était autre que le diamant Hope, qui peut être admiré au Smithsonian Institution à Washington. Les deux retailles en font aujourd’hui une pierre 45,52 carats.
De plus amples détails sont donnés dans l’article III.
Le très brillant siècle des Lumières
En 1717, le Duc Philippe d'Orléans (1674-1723), régent de France jusqu’en 1723, acquiert pour la Couronne un diamant de 140,615 carats, découvert dans la région de Golconde en 1698, qui portera son nom : Le Régent.
Cette gemme devient le principal diamant de la couronne de France, surpassant par sa beauté, sa couleur, sa taille et son poids tous les diamants jusqu’alors connus en Occident.
Le Régent deviendra le symbole de la royauté, il ornera la couronne de Louis XV (1722), la couronne de Louis XVI (1775), l'épée du Premier consul (1801) devenue épée de sacre, le glaive de Napoléon Ier (1812), la couronne de Charles X (1825), et le diadème à la grecque de l'impératrice Eugénie.
Il demeure la seule acquisition importante du règne de Louis XV. En effet, le roi fit retailler sous son règne de nombreux diamants, y compris les Mazarins, pour ne pas avoir à racheter des diamants bruts mais aussi parce que la « retaille en brillant » des tailles anciennes, roses en particulier, apportait plus d'éclat. Cette préférence accordée à la brillance sur une très belle taille ancienne reste souvent critiquée.
Une nouvelle étape est franchie en 1749, lorsque Louis XV confie à Pierre-André Jacquemin, joaillier du roi, la création de l’insigne de la Toison d’or. Ce chef- d’œuvre constitue la première œuvre de « haute-joaillerie » française, mais il est aussi en quelque sorte la synthèse des joyaux de la couronne tels qu’ils ont été transmis depuis leur origine.
La décoration de l'ordre de la Toison d’Or comporte en effet les gemmes exceptionnelles ayant appartenu à Louis XIV : le grand Diamant Bleu, « Le Bazu » et un autre diamant bleu pâle de 32,6 ct. Il reprend également le spinelle rouge de 107 ct, « Le Côte de Bretagne », hérité de François Ier et retaillé pour l’occasion en forme de dragon par Jacques Guay (graveur en pierres fines du cabinet du roi). Il comporte aussi trois saphirs jaunes (nommés dans l’inventaire royal « Topazes d’Orient ») totalisant environ 25 ct, plusieurs brillants de 4 à 5 ct et des centaines de petits brillants.
Le règne de Louis XVI (1754-1793) ne semble pas avoir apporté de pièce significative aux Diamants de la couronne. Certes, le Régent fut serti sur la couronne royale, puis Marie-Antoinette (1755-1793) aima à le porter, mais ni le roi ni la reine n’eurent de goût pour les parures de grande dimension.Les modes lancées par une Marie-Antoinette réputée frivole furent du reste champêtres et fleuries (on songe au Hameau de la Reine). Il est cruellement paradoxal que la réputation de la reine se soit effondrée dans une affaire de bijoux dont précisément elle n’avait que faire : il s’agit de la fameuse « affaire du collier ». Le protagoniste en est un collier de diamants que Louis XV aurait offert à la Du Barry si la mort ne l’en avait empêché. Marie-Antoinette refusa obstinément de porter ce collier, le trouvant trop lourd et marqué par la personnalité de la Du Barry, qu’elle détestait. Eût-elle accepté de le porter, ce collier aurait sans doute rejoint les joyaux de la couronne et la réputation de la reine serait restée intacte. Mais c’est là de l’histoire-fiction.
Dix rares bijoux ayant appartenu à Marie-Antoinette ont été mis en vente par Sotheby's à Genève le 14 novembre 2018. Cette vente de bijoux historiques provenant de la famille des Bourbon- Parme a atteint des records.
Le grand pillage de septembre 1792
Symbolisant la fabuleuse richesse des joyaux de la couronne, la Toison d’or fut volée lors du pillage du Garde-Meuble en septembre 1792.
Les joyaux de la couronne avaient été déposés à l’hôtel du Garde-Meuble National (actuel Hôtel de la Marine place de la Concorde) après la fuite à Varennes (au cours de laquelle Marie-Antoinette avait pris soin d’emporter le Sancy) et l’emprisonnement de la famille royale. Pendant trois nuits consécutives, du 13 au 16 septembre 1792, le Garde-Meuble fut littéralement pillé par une bande de cambrioleurs. Nuit après nuit, d’inestimables trésors furent volés, passés par les fenêtres ou par les portes sans que personne ne s’en aperçoive.
En cette période de trouble révolutionnaire, les uns et les autres se renvoient les responsabilités. Les voleurs sont faits prisonniers puis assez vite libérés tant il semble évident qu’ils ne faisaient qu’obéir à des instructions venues de plus haut – sans qu’on sache jamais de qui : agents étrangers soucieux de mettre la main sur les joyaux de la couronne ? Royalistes français désirant exfiltrer ces bijoux? Girondins ou Jacobins cherchant à financer leurs combats politiques ? Les principaux documents judiciaires qui auraient permis d’y voir clair ont brûlé en 1871 dans l’incendie de l’Hôtel de Ville de Paris.
Parmi les gemmes retrouvées figure le Sancy mais il est mis en gage en 1796 et non dégagé. Il réapparaît en 1828, est vendu à un prince russe, qui le revend en 1865. Après plusieurs détours, il est acquis par William Waldorf Astoria pour son épouse en 1906. Finalement, le diamant sera acquis par le Musée du Louvre en 1976. C’est là qu’il est désormais visible.
Quant aux autres mazarins, ils furent presque tous retrouvés mais le Directoire en vendit onze en 1796 pour renflouer les caisses de l’Etat. Ils se trouvent probablement dans des collections privées. Trois néanmoins subsistent au Louvre : les « Mazarins » 17 et 18, en forme de cœur, qui sont insérés dans la broche-pendentif de l’Impératrice Eugénie et le premier Mazarin, le Sancy.
Une chose est sûre : les pertes sont considérables. L’épée de diamants de Louis XVI ou encore la « chapelle de Richelieu » sont perdus pour toujours. Le Diamant Bleu s’est évanoui : on ne le reverra plus jamais tel qu’il avait été taillé par Jean Pittan, et c’est en Amérique qu’on le retrouvera, sous une forme altérée, des dizaines d’années plus tard.
Enfin, la Toison d’or a irrémédiablement disparu. Le Côte de Bretagne sera retrouvé en 1796 mais tout le reste a été soigneusement démonté et les pierres ont été vendues séparément. François Farges et le célèbre joaillier genevois Herbert Horovitz en ont fait une reconstitution en 2010 qui attend aujourd’hui l’intervention d’un mécène pour figurer à nouveau dans le patrimoine français.
Les derniers feux des Diamants de la Couronne
Sous le Premier Empire, Napoléon Ier (1769-1821) renoua avec les symboles monarchiques dont les joyaux de la couronne sont l’emblème. Il fit ainsi sertir le « Régent » sur son épée de Premier Consul qui servit aussi lors de son sacre. En 1812, le diamant prit place sur le glaive impérial. Afin d’éviter les dérives d’une monarchie de droit divin, Napoléon Ier s’inspira d’une autre période historique : celle de la mythique et glorieuse Rome antique, qu’appuie le choix politique de l’Empire.
Napoléon Ier fait aussi revenir des joyaux qui avaient été engagés sous le Directoire, excepté le Sancy. A partir de 1805, il effectue des acquisitions importantes pour les Diamants de la Couronne – indépendamment des différentes et nombreuses parures personnelles qu’il offrira à Joséphine (1763-1814), qui possèdera le plus riche écrin privé d’Europe, ou à sa seconde épouse Marie-Louise (1791-1847).
La principale composante du style Empire est la référence à l’Antiquité romaine (mais aussi à l’Antiquité grecque et égyptienne). En témoigne cette parure en or et mosaïques romaines exécutée par François-Regnault Nitot en 1810, cadeau de mariage de l’Empereur à Marie-Louise :
Le parcours de Marie-Étienne Nitot (1750-1809) est caractéristique de l’art joaillier sous l’Empire.
Il crée sa maison à Paris en 1780, après avoir fait son apprentissage chez Auber, fournisseur attitré de la reine Marie-Antoinette. En 1802, la bijouterie Nitot prend son essor lorsqu'elle devient le joaillier attitré de Napoléon Ier. Avec l'aide de son fils François-Regnault (1779-1853), Nitot crée les bijoux du mariage de Napoléon avec Joséphine puis avec Marie-Louise. Il dessinera et sertira aussi la couronne du sacre de Napoléon, la poignée de son épée ainsi que bon nombre d'autres parures pour le couple et pour la cour. François-Regnault Nitot reprendra la joaillerie de son père à la mort de ce dernier en 1809 et continuera son activité jusqu'à la chute de l'empire en 1815. L'exil de Napoléon le conduit à se retirer de la bijouterie. Il s'installe alors dans le château d'Echarcon (Val d’Essonne) avec son épouse et devient maire de sa ville.
Sous la Restauration, certaines pierres qui avaient pu être retrouvées, comme la Côte de Bretagne et le second mazarin, furent réintégrés aux joyaux de la couronne. Louis XVIII (1755-1824) fait monter de nouveau les parures exécutées pour Marie-Louise afin de les remettre au goût du jour. Nombre de ces bijoux seront portés par la Duchesse d’Angoulême, fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette. En 1821, c’est Jacques-Evrard Bapst (1771-1842) qui obtint le brevet de joaillier de la Couronne, titre qu’il conserva jusque sous le Second Empire.
Surnommé le « roi minéralogiste », Louis XVIII fait l’achat de divers diamants ainsi que de deux opales de Hongrie dont une figurera sur le manteau de sacre de son frère et a été conservée au Muséum National d’Histoire Naturelle – avec la collection de gemmes dont Louis XVIII fit don à sa mort.
Lorsque Charles X (1757-1836) se fait sacrer à Reims, le 29 mai 1825, il porte une couronne qui incorpore les principales pierres du Trésor : le Régent et les 7e et 8e mazarins.
Louis-Philippe (1773-1850) se voulant « Roi des Français » sera en revanche beaucoup plus mesuré sur l’usage de ces emblèmes royaux. Aussi fera-t-il peu usage des Diamants de la Couronne : il ne les porte guère et n’en enrichit pas la collection.
Le Second Empire (1852-1870) se définit par son éclectisme, son goût du faste et sa polychromie (Lorsque l’impératrice Eugénie visita le chantier de l’Opéra, elle crut bon d’interroger Charles Garnier sur les sources historiques du décor qu’il avait conçu : « Mais quel style est-ce donc ? Ce n’est pas antique, ce n’est pas Moyen Âge, ce n’est pas Renaissance. » - « C’est Second Empire, Madame », répondit l’architecte. Les bijoux de cette époque révèlent la virtuosité et les prouesses techniques des joailliers. Alexandre-Gabriel Lemonnier (vers 1808-1884), joaillier de la Couronne et François Kramer, joaillier attitré de l’Impératrice, sont les deux grands noms à retenir de ces dix-sept années d’Empire.
En 1855, à l’occasion de l'Exposition universelle de Paris, Lemonnier fut chargé de réaliser les couronnes de l'Empereur et de l'Impératrice. Pour la couronne de l'Empereur, le joaillier a utilisé une grande partie des diamants de la Couronne. Cette couronne a été démontée et fondue en 1887. La couronne de l’Impératrice, que l’on peut voir au musée du Louvre, est composée de 2480 diamants et de 56 émeraudes qui appartenaient à l’Empereur. Les motifs de l'aigle et de la palmette sont typiquement des symboles impériaux.
Le Musée du Louvre conserve aujourd’hui cinq bijoux de tout premier ordre de l’Impératrice Eugénie.
Le crépuscule des Diamants de la couronne
A la chute du Second Empire, pendant la guerre de 1870, les joyaux de la couronne furent mis à l’abri sur un bateau de guerre à Brest. Ils furent exposés deux fois avec succès à Paris : à l’occasion de l’Exposition universelle de 1878, puis en 1884 au Louvre, dans la salle des Etats.
Mais parce qu’ils mêlent les symboles de puissance, de richesse, de prestige du régime monarchique et des deux Empires, les joyaux de la Couronne n’ont guère la faveur des Républicains. Tirant argument de ce que représentent ces joyaux et espérant quelque revenu utile en des temps de fragilité économique, la IIIème République prend une décision radicale : la vente des joyaux de la Couronne.
Du 12 au 23 mai 1887, les joyaux de la Couronne de France sont donc dispersés aux enchères publiques lors de neuf vacations qui se déroulèrent au Louvre. Un seul des deux objectifs fut atteint. Financièrement, ce ne fut pas un succès, tout simplement parce que la mise soudaine sur le marché d’une telle quantité de gemmes eut pour principal effet de casser les prix. Symboliquement en revanche, ce fut une réussite : la France fut pour toujours débarrassée de ces encombrants symboles royaux et impériaux que joailliers venus du monde entier et rares particuliers s’arrachèrent. A plus d’un siècle de distance, il est permis de se demander si cette opération ne fut pas un pur et simple désastre sur le plan patrimonial et artistique…
Heureusement, avant cette vente, une commission d’experts avait sélectionné quelques pièces pour leur intérêt historique ou minéralogique et en avait prescrit le dépôt dans trois musées parisiens : le Musée du Louvre, le Musée de Minéralogie de l’Ecole des Mines, le Muséum National d’Histoire Naturelle.
Les fragments d’Histoire de France déposés dans ces musées sont d’une valeur inestimable d’un point de vue scientifique, artistique, patrimonial.
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Les Diamants de la Couronne à l'Ecole des Mines de Paris
Depuis le 5 janvier 2016, Le Musée de Minéralogie Mines Paris Tech propose une nouvelle exposition consacrée à des gemmes taillées provenant des joyaux de la couronne.
Pour la plupart, ces gemmes n’ont jamais été exposées depuis leur dépôt au musée en 1887 voulu par la commission d’experts de la vente des joyaux en 1887. Cette initiative est d’une importance historique majeure.
Tout d’abord parce qu’elle présente au public une collection de première importance : toutes les pierres sont issues de gisements extrêmement réputés et sont d’une qualité intrinsèque rare.
Ensuite parce que la valeur historique de ces gemmes est évidente : ce ne sont pas des bijoux qui sont présentés mais des pierres desserties – et c’est précisément au fait de n’être plus insérées dans des bijoux qu’elles ont dû leur survie, leur intérêt se réduisant pour la IIIe République à un intérêt minéralogique. L’idée qu’on peut se faire à partir de ces pierres de la splendeur des joyaux de la couronne suffit à échauffer l’imagination.
Enfin, parce qu’il s’agit d’une évolution dans la doctrine d’exposition du musée de l’Ecole des Mines : dédié essentiellement à la minéralogie, le musée prend ici un tournant patrimonial et historique, en partenariat avec la maison Riondet, spécialiste des bijoux anciens. Ces pierres étant destinées à rester exposées, c’est un troisième lieu de découverte des joyaux de la couronne qui émerge à Paris – et c’est en soi une excellente nouvelle.