Lacloche joailliers : une brillante histoire enfin tirée de l’oubli
[section_title title= »Résurrection et bouquet final »]
En 1936, un autre Jacques Lacloche surgit dans l’histoire de la maison : c’est le propre fils du Jacques décédé en 1900 dans l’accident de train, et qui, né en 1901, n’aura pas connu son père. Il reprend en 1936 l’affaire, la marque, la philosophie de son père et surtout de ses oncles.

La deuxième époque qui s’ouvre alors est parfois considérée par les historiens du bijou comme moins remarquable du strict point de vue joaillier. Elle rencontre cependant un succès éclatant. Partant modestement d’une vitrine au Carlton de Cannes, Jacques Lacloche peut rouvrir une boutique Lacloche Place Vendôme deux ans plus tard. Ce qui compte alors, c’est sa clientèle : la seconde guerre mondiale marque un coup d’arrêt, mais l’après-guerre lui apporte toute la haute société cosmopolite qui s’épanouit alors grâce au développement des transports longs courriers, des magazines, du cinéma. Il bénéficie des derniers feux de l’empire indien et des splendeurs des maharajahs, de la clientèle des vedettes d’Hollywood et de la famille princière de Monaco – ces deux versants étant réunis en la personne de Grace Kelly, à qui Jacques Lacloche fournit un très élégant ensemble composé d’une paire de boucles d’oreilles et d’un clip en saphirs et diamants baguette lors de son mariage en 1956.
Cette clientèle commande nécessairement un goût plus éclectique encore que par le passé, et la maison Lacloche doit se montrer à la hauteur d’attentes diverses dont le point commun est le goût de la sophistication et de la rareté.


A partir des années 60, cependant, c’est le goût de Jacques Lacloche lui-même qui change. Il atteint les rives de la soixantaine et son intérêt véritable se porte sur l’art contemporain et en particulier vers le design, qui connaît alors une véritable explosion. Il transforme le premier étage de sa boutique en salon d’exposition dès le début des années 60, puis en 1967, il prend sa retraite comme joaillier. La boutique ferme. La maison Lacloche se transporte rue de Grenelle et devient un spécialiste d’art et de design contemporains, animé par un Jacques Lacloche dont encore aujourd’hui on peut noter en la matière le goût visionnaire.
Lorsqu’il décède en 1999, le souvenir des Lacloche joailliers s’est évanoui. Les archives n’ont pas été conservées. Ne restent que d’admirables pièces soigneusement conservées par leurs propriétaires, et des allusions dans les livres d’histoire du bijou.
Remonter le fil de cette belle histoire aura requis bien des efforts, mais c’est tout un continent qui revit pour nous. Organiser l’exposition correspondant à ce livre aura été un autre tour de force. Car jamais autant de pièces de la maison Lacloche n’avaient été réunies (soixante-quatorze !) et l’on sent à la parcourir la présence d’une époque et la cohérence d’un goût. Est ainsi conjuré un oubli bien injuste, et les Frères Lacloche reprennent leur rang et leur éclat dans l’histoire de la joaillerie, aux côtés des plus grands noms. Ce n’est que justice et il faut remercier Laurence Mouillefarine, Véronique Ristelhueber, et bien sûr Francis Lacloche, fils de Jacques, qui a soutenu leurs recherches, et l’Ecole des Arts Joailliers de l’avoir aussi bien rendue.