Louis-Philippe à Fontainebleau : variations sur le bijou romantique

Louis-Philippe Ier, dernier roi des Français (r.1830-1848) semble être le personnage  incontournable de cet automne-hiver 2018-2019!

Le Château de Versailles a ouvert le bal en lui consacrant dans ses galeries du XIXème siècle une magnifique exposition qui raconte la transformation du palais des Bourbons en un musée dédié « à toutes les gloires de France », et qui durera jusqu’au 3 février 2019.

Le Domaine de Chantilly prolongera cette immersion dans la Monarchie de Juillet dès le 23 février 2019 avec son exposition sur Eugène Lami, peintre et décorateur de la famille d’Orléans.

Le Château de Fontainebleau, quant à lui, met en scène dans ses Grands Appartements deux cents oeuvres qui apportent un remarquable éclairage sur la personnalité de ce souverain et sur son époque, toutes deux souvent méconnues. Parmi ces oeuvres figurent des bijoux offrant une intéressante plongée dans les diverses formes joaillières à l’époque romantique.

Nous avons rencontré à ce sujet Oriane Beaufils, conservatrice du patrimoine et Vincent Cochet, conservateur en chef du patrimoine au château de Fontainebleau, commissaires de l’exposition « Louis-Philippe à Fontainebleau, le Roi et l’Histoire ». 

« Ce que nous avons voulu mettre au centre de cette exposition, c’est le château. La restauration de Fontainebleau nous est apparue comme un élément déclencheur d’un renouveau exubérant des arts de l’ornement. De façon thématique, nous avons mis en lumière les décors et les transformations effectués par Louis-Philippe avec des objets, des dessins préparatoires, des oeuvres qui évoquent le climat dans lequel ces créations et restaurations se sont faites » explique Vincent Cochet.

L’exposition présente des bijoux ayant appartenu à la famille royale d’Orléans. Nous retrouvons de nombreux grands joailliers de l’époque tels que Bapst, Mellerio,  Morel & Cie, Jean-Baptiste Jules Klagmann ; d’autres qu’on aurait aimé voir représentés tel François-Désiré Froment-Meurice voient néanmoins leur oeuvre référencée dans le catalogue de l’exposition. Le bijou est, une fois encore, le prisme étroit à travers lequel se lisent les grands courants artistiques et les temps forts de l’Histoire de France.

Quatre thématiques émergent des bijoux et portraits présentés. Toutes montrent la grande richesse artistique de cette époque et soulignent l’étonnante influence des arts bellifontains.

 

Le bijou romantique, dit de sentiment

Louis-Philippe (1773-1850) et Marie-Amélie (1782-1866) forment une famille profondément unie. Parents de huit enfants (dix en réalité, mais deux sont décédés très prématurément) tous deux sont très attachés à leur vie de famille. Parents et enfants se tutoient, un surnom affectueux est attribué à chaque enfant, et chose rare à l’époque, le roi dort quotidiennement auprès de son épouse!

« Le roi, chez lui, le soir, ne porte habituellement aucune décoration. Il est vêtu d’un habit marron, d’un pantalon noir et d’un gilet de satin noir ou de piqué blanc. Il a une cravate blanche, des bas de soie à jour et des souliers vernis. Il porte un toupet gris, peu dissimulé, et coiffé à la mode de la restauration. Point de gants. Il est gai, bon, affable et causeur. »
Choses vues, 1844, Aux Tuileries, Victor Hugo.

Louis-Philippe est souvent qualifié de « roi-bourgeois ». L’exposition de Fontainebleau ouvre avec un portrait de lui réalisé par Franz Xaver Winterhalter en 1839 habillé en « habits bourgeois ». Ce qui frappe immédiatement cependant, c’est sa ressemblance avec son ancêtre Louis XIV : Louis-Philippe Ier, Roi des Français, a les traits Bourbon. Il a reçu une excellente éducation, parcouru le monde de la Scandinavie au cap Nord, de Philadelphie à la Havane lors de ses exils successifs et Oriane Beaufils ajoute qu’il a une politique du faste et de l’étiquette extrêmement exigeante.

Plusieurs bijoux de la Reine et des princesses d’Orléans témoignent de ce contraste entre l’apparat officiel et la simplicité domestique. Marie-Amélie avait coutume de porter et d’offrir des bijoux dits de sentiment. C’est-à-dire des bijoux dont la valeur était moins liée au prix des matériaux (qui certes n’est cependant pas négligeable!) qu’à la dimension sentimentale. Sans doute cette prime au sentiment est-elle liée au romantisme ambiant. En voici quelques exemples.

Photo Guillaume Giraudon. Château de Fontainebleau.

Les bracelets portraits de la Maison Mellerio dits Meller : quatre portraits ovales sur ivoire du célèbre miniaturiste du XIXème siècle, François Meuret (1800-1887).

Les bijoux-portraits existent depuis l’Antiquité, mais les artistes-joailliers romantiques, volontiers tournés vers le passé, leur donnent une nouvelle vigueur.

Pendant l’Antiquité, le bijou-portrait se présente sous la forme d’intaille, puis de camées. A la Renaissance, on voit apparaître les médailles, utilisant et copiant des monnaies antiques, ainsi que les portraits en miniatures.

Ces derniers vont dès lors connaître un important essor dans toute l’Europe jusqu’au développement de l’art de la  photographie qui marquera leur déclin dans la seconde moitié du XIXème siècle (cf l’étonnant daguerréotype du Roi Louis-Philippe saisi vers 1845-46 et présenté dans l’exposition). L’époque romantique est un temps fort de cet essor. Les portraits-miniatures offerts dans le cercle privé témoignent alors d’un sens de l’intimité et de liens d’affection profonds. Ces bijoux sont faits pour être contemplés pour soi-même plus que montrés. Les portraits-miniatures pouvaient être insérés dans des objets (tabatières, coffrets, boîtes) et pouvaient également être montés en milieu de bracelet, bague ou médaillon.

Mellerio dits Meller était le fournisseur officiel de la Reine des Français Marie-Amélie. Entre 1830 et 1845, Marie-Amélie a commandé auprès de cette maison pas moins d’une quarantaine de bracelets à portrait! Elle passait également commande chez d’autres fournisseurs dont Fossin (qui depuis 1830 avait lui aussi obtenu le brevet de Joaillier du roi).

Paire en perles et turquoises montée sur or Mellerio dits Meller. Photo G.Giraudon. château de Fontainebleau.
Photo Guillaume Giraudon. Château de Versailles.
Portrait de Marie-Amélie de Bourbon (1782-1866), reine des français. 1842. Franz Xaver Winterhalter. Photo (C) Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin

Sur le tableau ci-dessus, la reine porte au poignet droit le bracelet de perles orné de la miniature du roi. Le roi y est représenté en uniforme d’officier général tel que sur le portrait peint par Franz Xaver Winterhalter et réalisé l’année précédent – comme une mise en abyme.

La seconde paire, en perles fines montées sur or représente deux des belles-filles du couple royal.

Mellerio dits Meller Bracelet commandés par Marie-Amélie avec le portrait de la duchesse de Save-Cobourg. Localisation : Collection privée Photo © Christie’s Images 2018.
Mellerio dits Meller Bracelet commandés par Marie-Amélie avec le portrait de la duchesse d’Aumale Localisation : Collection privée Photo © Christie’s Images 2018.

Le bracelet de la Princesse Hélène par Morel & Cie

Photo G.Giraudon. Château de Fontainebleau.

Fille du grand-duc régnant de Mecklembourg-Schwerin et nièce du roi de Prusse, la Princesse Hélène (1814-1858) avait épousé en 1837, à Fontainebleau, Ferdinand Philippe d’Orléans (1810-1842), fils aîné et donc prince héritier de Louis-Philippe. Le Duc et la Duchesse d’Orléans eurent deux fils : Henri, comte de Paris (1838-1894), et Robert, duc de Chartres (1840-1910), dont nous voyons les portraits-miniatures présentés côte-à-côte sur ce bracelet.

Le médaillon « à l’oeil »

Or, pierres précieuses, perles, miniature sur ivoire d’après un portrait réalisé par Winterhalter. 1842 Collection particulière. Photo G.Giraudon. château de Fontainebleau.

Sur ce médaillon rond est peint l’oeil gauche de Philippe, comte de Flandres (1837-1905), petit-fils de Louis-Philippe et de Marie-Amélie.
Ce motif caché, elliptique, semble encore plus personnel et intime que la miniature d’un visage entier.

La face extérieure que l’on aperçoit dans le miroir est ciselée de rinceaux et de fleurs avec en son centre, serties sur une petite barrette, huit pierres précieuses et fines formant probablement un message secret en acrostiche.

La broche réversible aux portraits du Roi et du Prince royal, le Duc d’Orléans, signée Latreille.

Broche à l’effigie du Roi et du Duc D’Orléans, signée au revers à droite : « Fecit Latreille Bordeaux ». Or, diamants, gouache sur émail. Collection particulière. Après 1842. Photo Christie »s 2018.

Ce bijou possède une symbolique forte et élaborée. La monture étonnante fait écho au cadre d’un tableau, et aux ornements typiquement bellifontains. Les deux portraits en ovales sont enchâssés dans de l’or sculpté en forme de cuir enroulé, entourés de trois amours en ronde bosse qui tiennent une guirlande de myosotis bleus. Le myosotis est le symbole par excellence du souvenir et rappelle l’amour porté par le couple à leur fils aîné, décédé tragiquement le 20 juillet 1842 à l’âge de 31 ans après que ses chevaux se soient emballés et qu’il ait été projeté hors de son équipage sur le pavé, se fracassant le crâne mortellement. Le portrait du Duc d’Orléans est très finement ceint d’émail noir, en signe de deuil.

Revers broche reversible Latreille.

« Hier, 13 juillet 1842, M. le duc d’Orléans est mort par accident », Choses vues, 1842, La mort du Duc d’Orléans, Victor Hugo.

La broche marguerite de la Reine Marie-Amélie

Broche fleur de la Reine Marie-Amélie. Or, cristal de roche, cheveux. Collection particulière. Photo G.Giraudon. château de Fontainebleau.

Ce bijou d’une grande sobriété reflète admirablement l’esprit romantique de l’époque : non signé, il était doté d’une forte valeur sentimentale pour Marie-Amélie puisqu’il contient des cheveux de chacun de ses enfants (au revers du médaillon, sur chaque pétale, sont gravées les initiales de leur prénom pour les filles, et celles de leur titre pour les garçons). Au centre, ont été déposées des mèches des cheveux appartenant au couple royal. Bien que les bijoux en cheveux apparaissent quelque peu morbides aujourd’hui, ils étaient en grande vogue dans la première moitié du XIXème siècle. A noter un détail émouvant : peinte en tenue de deuil en 1857 par Ary Scheffer, Marie-Amélie porte cette broche piquée sur l’attache du noeud de sa coiffe. La Reine l’aurait d’ailleurs portée jusqu’à son décès, survenu en exil à Claremont House en Angleterre, le 24 mars 1866.

Lors de la succession de feu Monseigneur le Comte de Paris & de Madame la Comtesse de Paris qui eut lieu le 14 octobre 2008 chez Christie’s figuraient d’autres exemplaires de bracelets-portraits montés sur or, et signés cette fois-ci du joaillier Morel. On y découvrait également quatre bracelets en or articulés de chez Mellerio, provenant de la collection personnelle de la reine Amélie, et comprenant dans leur ensemble vingt-quatre miniatures de ses petits enfants. Des mèches de cheveux accompagnaient parfois le portrait au revers de la monture. Le bijou-portrait semble avoir été le bijou de prédilection de la reine Marie-Amélie qui les a collectionnés. Les archives de la Maison Mellerio révèlent que la Reine, après la chute de la Monarchie de Juillet, continua de passer commande de bracelets-portraits pour les offrir à ses proches.

 

Le bijou de la vie de cour

La Reine Marie-Amélie avait un goût prononcé pour les bijoux de sentiment, et il est reconnu que jamais elle ne porta les Diamants de la Couronne de France.

Dans son ouvrage consacré aux Joyaux de la Couronne de France, Bernard Morel justifie ce choix ainsi : « Le roi n’aimait guère l’ostentation, et n’avait pas le goût du faste (…) peut-être y avait-il là de la pudeur vis-à-vis de la famille royale exilée » .

Or l’exposition « Le Roi et l’Histoire » prouve tout au long du parcours à quel point le Roi avait le goût du faste.

Goût du faste dont Victor Hugo lui a fait le reproche : « Dix-huit millions de liste civile, et les châteaux, et les apanages, et le reste! Le chapeau gris et le parapluie du roi bourgeois coûtent plus cher que la Couronne de Charlemagne. »

Oriane Beaufils et Vincent Cochet ont leur propre avis, éclairé par les longues recherches qu’ils ont menées pour monter cette exposition  : les idées du roi le situent loin des mentalités de l’Ancien Régime. Louis-Philippe pouvait difficilement concevoir que son épouse porte des reliques de l’Histoire de France. Et les deux commissaires d’ajouter : si  cela n’avait été si risqué en termes de sécurité, très probablement le Roi aurait-il choisi d’exposer les Diamants de la Couronne dans un musée.

A défaut de porter les Diamants de la Couronne de France, la Reine Marie-Amélie portait ses propres parures. Et nous constatons que son écrin personnel était d’une richesse éblouissante… Le joaillier Paul Constant Bapst (1797-1853), joaillier officiel des Diamants de la Couronne de France, qui fut finalement surtout le joaillier habituel de la famille d’Orléans sous la Monarchie de Juillet, en rend compte dans un inventaire.

Portrait de la reine Marie-Amélie attribué à Louis Hersent (1777-1860). Compiègne, Palais impérial. Photo © RMN-Grand Palais (domaine de Compiègne) / Michel Urtad. Achat de la parure par le duc Louis-Philippe, futur Louis-Philippe à la reine Hortense de Beauharnais en 1821, remaniée et complétée pour la reine Marie-Amélie. Modifiée après 1863 pour Isabelle d’Orléans, comtesse de Paris. Ancienne collection du Monseigneur le Comte de Paris. Cet ensemble fut acquis par le département objets d’art du Musée du Louvre en 1985. Elle est exposée dans la Galerie d’Apollon.
Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) : Mathieu Rabeau
Eléments de la parure de saphirs. Collection des Diamants de la Couronne. Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle

Retrouvé dans les archives de la Maison de France en avril 1982 (cf. Bernard Morel), l’inventaire des joyaux de la Reine Marie-Amélie en date du 25 novembre 1839, décrit quatre bijoux (dont un orné du célèbre diamant rose le Grand Condé) et sept parures – composées pour la plupart d’un diadème, d’un collier, d’un devant de corsage, d’une broche, de bracelets, d’une paire de boucles d’oreilles, d’une boucle de ceinture…

La première parure était composée uniquement de diamants, la seconde d’émeraudes et de diamants, la troisième de saphirs et de diamants, la quatrième de perles et de diamants, la cinquième de rubis et de diamants, la sixième d’améthystes et de diamants, la septième de hyacinthes (zircons). Nous constatons que la reine possédait une très riche cassette personnelle de bijoux d’apparat.

La Reine, explique Oriane Beaufils, avait la réputation d’être fort élégante et possédait un goût vif pour les arts de la parure féminine. En témoigne le fabuleux trousseau qu’elle offrit à sa belle-fille Hélène de Mecklembourg-Schwerin pour son mariage avec le Prince héritier en 1837. La corbeille de mariage d’un luxe inouï présentait des objets d’écriture, des accessoires de soirée (éventails, lorgnettes de théâtre), un nécessaire en vermeil, des robes du jour et du soir et les accessoires assortis, des châles, le tout à la dernière mode parisienne.

Venait enfin un  riche écrin constitué par la Reine et le joaillier breveté du roi et de la Couronne Jacques Eberhard Bapst (1771-1842).

« un véritable amas de perles, rubis, diamants, pierreries de toutes sortes ; une parure en brillants et en rubis, les brillants et rubis d’une nuance si parfaite qu’il était difficile de les distinguer les uns des autres ; une parure en perles fines, six bagues, sans compter l’anneau du mariage, tout à côté de la médaille d’or ». Fontainebleau, Versailles, Paris (juin 1837) par M. Jules Janin

Autres pièces de joaillerie et d’orfèvrerie caractéristiques de la Monarchie de Juillet

1825 circa parure amethystes. Mellerio dits Meller.

 

Photo G.Giraudon. Château de Fontainebleau. Diadème vers 1820-1840, époque Louis-Philippe. Diadème-Peigne en corne, or, corne serti de neuf aigues-marines ovales. Rueil-Malmaison, musée national des châteaux de Malmaison et de Bois-préau
Porte-bouquet Mellerio dits Meller 1841 en or et émail, collection particulière.

 

Le bijou historique

Après les découvertes de Herculanum (1715) et de Pompéi (1755), la joaillerie avait connu la vogue du bijou « à l’antique », mode poussée à son paroxysme sous le Ier Empire et encore vivace sous la Monarchie de Juillet comme en témoigne le bracelet que la Reine porte à son poignet gauche, figurant un camée.

Etude pour le portrait de la Reine Marie-Amélie, vers 1832. Ecole française d’après Louis Hersent. Porcelaine dure, peinture polychrome. Paris, collection Emile Hermès.

Mais ce qui suscite le plus d’enthousiasme sous la Monarchie de Juillet, ce sont les formes et ornements qui rappellent le Moyen-Age et la Renaissance.

Portrait de la Reine au Château de Neuilly attribué à Louis Hersent. 1835-1840. Collection du Comte de Paris. Photo Guillaume Giraudon. Château de Fontainebleau.

Zoom sur la ceinture d’orfèvrerie néo-gothique, de style « à la cathédrale » avec ciselure et peinture émaillée. Photo Guillaume Giraudon. château de Fontainebleau.

Le style néogothique à Fontainebleau trouve son affirmation dans l’histoire même du château. Demeure royale depuis le règne de Louis VII, le château de Fontainebleau rappelle par bien des éléments architecturaux, dont son donjon, le Moyen-Age. « Chez Louis-Philippe, rappelle Vincent Cochet, le goût gothique naît de ce contact permanent avec les décors anciens et justifie le renouveau des « styles historiques ». Le néo-gothique Louis-Philippe, bellifontain, ne relève pas simplement d’une mode de l’époque, il est lié à l’histoire, il est archéologique ».

C’est ailleurs dans le donjon du château qu’est exposée cette très belle châtelaine créée par Morel & Cie.

Châtelaine Morel & Cie. 1842-1848.Or, argent partiellement doré ciselé et émaillé. Prêt du MAD, Paris. Photo G.Giraudon. château de Versailles.

Ce bijou inventé au début du XVIIIème siècle, était tombé en désuétude sous l’Empire puisque les tenues vestimentaires ne marquaient plus la taille. Il connaît un important regain sous la Monarchie Juillet avec la mode des tailles étroites lancée par la Reine. Composée de plusieurs chaînes auxquelles sont suspendues des breloques, la châtelaine se portait à la ceinture et servait à suspendre de petits accessoires utilitaires, ou pas : montre, flacons de sels, accessoires de couture, et comme on le voit sur ce modèle un sceau et une clef.

L’ornementation de ce bijou de ceinture est constituée de scènes de vie féodale qui atteste cette vogue néo-gothique : « le premier médaillon montre une dame à cheval accompagnée de son page,  celui du centre représente la dame priant dans un petit oratoire voûté d’ogives, le dernier la montre recevant l’hommage d’un gentilhomme », explique Oriane Beaufils.

 

Le bijou intégré à l’objet d’art : Hommages aux artistes de la Renaissance bellifontaine

Après le gothique vient la Renaissance, et François Ier est le maître des lieux à Fontainebleau. « L’action de Louis-Philippe, et notamment cette redécouverte des arts des différentes périodes, est considérablement aidée par les recherches que mène la manufacture de Sèvres ». Une grammaire commune au bijou permet d’établir un parallèle entre ces deux formes d’art.

Le coffret commémoratif du mariage du duc Ferdinand d’Orléans et de la princesse Hélène de Meklembourg-Schwerin à Fontainebleau le 30 mai 1837.

Develly, Jean-Charles (1783-1862)
Coffret de mariage d’Hélène de Mecklembourg et de Ferdinand Philippe, 1837
F 931 C
Localisation : Fontainebleau, château
Photo © RMN-Grand Palais (Château de Fontainebleau) / Gérard Blot

Ce coffret, que Vincent Cochet qualifie de « cassette Farnèse » du XIXème siècle, retrace toute l’histoire du mariage princier depuis l’arrivée d’Hélène de Meklembourg-Schwerin à Metz, puis à Fontainebleau. On y voit son accueil par le Roi et la Reine en haut de l’escalier en fer à cheval du château; puis la signature de l’acte civil dans la salle de Bal ; enfin,  le mariage catholique dans la Chapelle de la Trinité et la célébration protestante dans la salle des Colonnes : tous ces moments-clefs qui ont lieu dans les plus belles salles du château sont également dépeints avec une extrême précision.

Détail du meuble commémoratif du mariage du duc d’Orléans

Ce coffre à bijoux apparaît comme un manifeste néo-Renaissance avec ces cariatides en biscuit blanc rehaussée d’or qui scandent la narration du mariage. « Sculptures, architecture et peintures se répondent. C’est une manière Renaissance d’aborder un objet d’art » explique Oriane Beaufils. Ce coffret était initialement destiné à servir de  « serre-bijoux », mais c’est en fait « une coquille vide ».

Véritable chef-d’oeuvre de la manufacture de Sèvres, il est en fait conçu pour la glorification de l’événement.

Son style néo-maniériste puise largement aux artistes ayant marqué l’art bellifontain. Primatice et Rosso en sont les deux figures principales. Au temps de la Monarchie de Juillet sont redécouverts deux autres grands artistes de la Renaissance, Bernard Palissy (1510-1590), un céramiste hors-pair, et surtout l’orfèvre Benvenuto Cellini ( 1500-1571) dont l’autobiographie « Vie de Benvenuto Cellini, orfèvre et sculpteur florentin, écrite par lui-même » qui venait d’être traduite et publiée en français (1833) subjugua toute la génération des Romantiques, et inspira nombre d’artistes Hector Berlioz, Alexandre Dumas, les frères Marrel

D’abord placé dans la galerie François Ier pour dialoguer avec les fresques de Rosso Fiorentino, ce « serre-bijoux » fut installé ensuite, après la mort du Duc d’Orléans, dans le cabinet de toilette de l’appartement de son épouse.

Le Vase Médicis Fragonard

Vase Médicis Fragonard. Les Arts et les Industries de la Liste Civile. Photo (C) RMN-Grand Palais (Sèvres, Cité de la céramique) / Martine Beck-Coppola
Détail

Le Vase de la Renaissance

Vase Chenavard dit Vase de la Renaissance, 1831-34 Manufacture de Sèvres Porcelaine dure, bronze ciselé et doré et verroteries imitant les pierres précieuses. ©Louis Blancard/ Château de Fontainebleau

Ce vase fut acquis par Louis-Philippe pour le château. L’ornemaniste Claude Aimé Chenavard avait reçu pour consigne de réalisation :  « Forme, décoration et couleur dans le style de Bernard Palissy ». Les  motifs s’inspirent des ornements bellifontains : masques, guirlandes de fruits mûrs, putti, cartouches en forme de cuirs découpés ou enroulés et pierreries.

***

Rendre compte de cette exposition sous le prisme du bijou peut sembler fort réducteur au regard de  la richesse des oeuvres présentées. Néanmoins cet angle passionnant – et qui n’épuise pas l’ensemble de la joaillerie sous la Monarchie de Juillet – devrait vous inciter à retourner une fois encore dans ce qui est à jamais « la vraie demeure des Rois, la maison des siècles ».

 

Chroniques de l’époque et informations complémentaires

A lire :

Choses vues, Victor Hugo. Souvenirs, journaux, cahiers, tome I : 1830-1848
Édition d’Hubert Juin
Collection Folio classique (n° 2 944), Gallimard

Mémoires de la comtesse de Boigne, née d’Osmond. Récits d’une tante.
Emile-Paul frères (Paris)1931. Bibliothèque nationale de France

Fontainebleau, Versailles, Paris (juin 1837) par M.Jules Janin

La bijouterie française au XIXème siècle, tome I, Henri Vever. J.-L. Langlaude, Libraire-éditeur, 2015.

Les joyaux de la couronne de France, Bernard Morel. Fonds Mercator

La vie de Benvenuto Cellini écrite par lui-même, Gallimard.

Le grand frisson, bijoux de sentiments de la Renaissance à nos jours. Chaumet. Diana Scarisbrick. Editions textuel, 2008.

A voir :

Secrets d’Histoire. « Louis-Philippe et Marie-Amélie, notre dernier couple royal ». (Emission intégrale). 31 octobre 2018. France 2.

L’exposition au château de Fontainebleau :

Louis-Philippe à Fontainebleau. Le Roi et L’Histoire
Exposition jusqu’au 4 février 2019
Commissariat de l’exposition :
Oriane Beaufils, conservatrice du patrimoine
Vincent Cochet, conservateur en chef du patrimoine
Scénographie : Loretta Gaïtis et Irène Charrat

Catalogue de l’exposition sous la direction scientifique d’Oriane Beaufils et de Vincent Cochet. Château de Fontainebleau.

Le château est ouvert tous les jours (sauf les mardis, le 1er janvier, le 1er mai et le 25 décembre) de 9h30-17h (dernier accès à 16h15).

Une importante campagne de mécénat :

Le château de Fontainebleau a lancé jusqu’à la fin de cette année une grande souscription pour la restauration de l’escalier en Fer-à-Cheval : cliquer sur ce lien pour faire « un geste historique »

Autres expositions autour du règne de Louis-Philippe Ier :

Louis-Philippe et Versailles
Exposition jusqu’au 3 février 2019
Valérie Bajou, conservateur en chef au château de Versailles.
Scénographie : Hubert le Gall

Et à venir,

Eugène Lami, peintre et décorateur de la famille d’Orléans.
Domaine de Chantilly
Cabinet d’arts graphiques, 23 février – 19 mai 2019

 

Tous mes remerciements à Oriane Beaufils, Vincent Cochet et Alexis de Kermel