Diamants de couleur : une brillante compétition
Depuis quelques années, les diamants de couleur connaissent un engouement incroyable et ne cessent d’atteindre de nouveaux records de vente. En témoignent les deux ventes aux enchères qui ont eu lieu à Genève chez Sotheby’s le mardi 17 mai et chez Christie’s mercredi 18 mai 2016.
Deux pierres en particulier ont atteint des sommets.
La première est le « Unique Pink », plus grand diamant rose vif « fancy vivid pink » de taille poire jamais proposé aux enchères. Pesant 15,38 carats, il a atteint un prix record de 31,56 millions de dollars (soit 27,88 millions d’euros) tous frais inclus ce qui met le prix du carat à 2 052 094 dollars!
La seconde est le « Oppenheimer Blue », un diamant bleu de 14,62 carats classé « fancy vivid blue », la couleur la plus rare pour un diamant bleu. Il était estimé entre 38 et 45 millions de dollars et a été vendu 57,5 millions de dollars (soit 51,24 millions d’euros) devenant ainsi le diamant bleu le plus cher jamais vendu aux enchères. Il a battu le précédent record détenu par un diamant de 12,03 carats le « Blue moon of Josephine » qui avait atteint 48,4 millions de dollars chez Sotheby’s à Genève même en novembre dernier.
Le diamant le plus cher jamais vendu reste à ce jour le « Pink Star ». Cet extraordinaire diamant rose « fancy vivid » de 59,60 carats avait été adjugé le 13 novembre 2013 pour 83,19 millions de dollars, soit 61,87 millions d’euros (hors commission). L’ironie de cette vente marquant un record historique est que son acheteur, le diamantaire new-yorkais Isaac Wolf, se révéla incapable de le payer et dut le restituer à la maison Sotheby’s.
Comment expliquer cette folie qui entoure les diamants de couleur ? Une simple mode peut-elle justifier des prix astronomiques? Quel mystérieux attrait émane donc de ces pierres?
Tout d’abord, il est indéniable qu’il existe une clientèle pour des pierres de la plus haute qualité ou en provenance de collections nobles. Si les acheteurs restent le plus souvent anonymes, on sait néanmoins que la clientèle vient maintenant en partie de marchés émergents comme la Chine et l’Inde, mais aussi de Russie et des Emirats. Le « Blue moon of Josephine » avait été acquis par un magnat de Hong-Kong, Joseph Lau, et le « Unique Pink » a lui aussi été acheté par un « amateur asiatique ».
Au-delà d’un certain prix, 100 000 euros au minimum, la pierre devient une valeur refuge. Elle se transporte aisément et discrètement. Sa valeur est internationale et, pourrait-on dire, intemporelle. De plus, au moment où de nombreuses mines s’épuisent, les diamants de Golconde, les rubis birmans, les saphirs du Cashemire ou de Birmanie sont garants par leur provenance mythique de qualité, de rareté et de beauté. Le fait de provenir de mines épuisées ou en voie d’épuisement leur confère une aura et une valeur supplémentaires.
Jetons un coup d’œil dans les coulisses de l’univers du diamant, les lieux où ils se forment, leur composition, leurs gisements et soulevons le voile de l’origine de leur couleur. Ces aspects techniques permettent de comprendre à quel point les diamants, et ceux de couleur en particulier, sont rares et fascinants. Après les coulisses, nous reviendrons au rêve avec un défilé des principaux « fancy diamonds » qui ont affolé les ventes aux enchères ces derniers temps.
Diamant « The Argyle Violet », 2.83 carats. Le plus gros diamant violet issu des mines de diamants d’Argyle, Australie. Copyright@2016 Rio Tinto.
Un diamant, mais à tout prendre, qu’est-ce ?
Les gemmologues s’accordent à reconnaître dans le diamant la plus prestigieuse des gemmes.
Son étymologie vient du grec « adamas » qui signifie « indomptable ». C’est en effet la pierre précieuse la plus dure. Sur l’échelle de Mohs, sa dureté est de 10, c’est à dire qu’elle peut rayer toutes les autres pierres et que seul un autre diamant peut la rayer. Il faut faire attention néanmoins, notamment lors de la taille du brut ou du polissage, car le diamant est une pierre qui se clive – elle présente donc une certaine fragilité.
Le diamant peut-être transparent, translucide ou opaque et de toutes les couleurs, d’incolore à noir. Il diffracte la lumière dans les couleurs de l’arc-en-ciel : on dit qu’il brille de mille feux et son éclat est plus vif que celui de toutes les autres gemmes
Les spécialistes évaluent les diamants selon quatre critères universels que l’on appelle les » 4C » : à savoir le poids en carat (« Carat », 1 carat = 0,20 g)), la couleur (« Colour », avec une échelle de D à Z), la pureté (« Clarity ») et la taille (« Cut »).
Selon les géologues, et pour reprendre l’expression d’Eloïse Gaillou, le diamant est « le messager de la terre profonde ».
Brièvement, rappelons que le diamant est un minéral constitué d’atomes de carbone (C) compactés cristallisant dans le système cubique. Son indice de réfraction est de 2,42 et sa densité de 3,52. Il se forme entre 150 km et 800 km de profondeur, sous de très hautes pressions et à de très hautes températures (de 1100 à 1200°c), dans des roches qui s’appellent éclogites et péridotites et qui constituent le manteau terrestre. Il se pourrait que le carbone, quant à lui, soit puisé dans le noyau de fer de notre planète.
Comment le diamant remonte-t-il à la surface ? Le diamant remonte grâce à des phénomènes éruptifs qui le propulsent à une extrême vitesse en surface : de 4 à 20 mètres par seconde. Dans les cas extrêmes, le diamant est propulsé à la vitesse du son. C’est cette vitesse qui empêche le diamant de se transformer en sa forme basse pression/basse température, le graphite.
Ces éruptions révèlent le manteau terrestre en profondeur. La kimberlite est le nom de la lave qui, sur son passage, arrache les diamants à leur roche-mère et les remonte en surface. Le diamant ainsi que ses inclusions (grenat, ilménite, diopside, graphite) restent identiques en surface à ce qu’ils sont dans les entrailles de la terre, contrairement à toutes les autres roches, qui remontent transformées.
Quelles sont les différents types de roches où l’on trouve du diamant? La kimberlite est la principale roche-hôte du diamant. Les premières kimberlites ont été localisées en Afrique du Sud, à la fin du XIXe siècle, sur le site de Kimberley, d’où leur nom. Ces roches ont souvent été démolies par l’érosion, et les diamants, extrêmement résistants, ont été retrouvés dans les graviers. Les principaux pays producteurs de diamants issus de formations alluvionnaires (rives des cours d’eau) sont l’Inde, le Brésil, Bornéo, l’Afrique centrale et la Namibie. Quelques diamants se forment dans une autre roche « hôte » que la kimberlite, comme la lamproïte, dont sont extraits par exemple les diamants des mines d’Argyle en Australie. Enfin, quelques diamants présentant principalement un intérêt géologique proviennent de la lamprophyre qui se trouve dans les plus vieux cratons terrestres comme à Wawa, dans l’Ontario au Canada.
Peut-on déterminer l’âge des diamants? La réponse est oui ! Les inclusions et les petits éléments chimiques permettent une datation assez précise aujourd’hui. Les plus jeunes diamants ont une soixantaine de millions d’années et les plus anciens trois milliards d’années, la plupart des diamants étant « âgés » d’un milliard d’années. C’est pourquoi le diamant est par excellence le « témoin du passé » (E.Gaillou).
Du point de vue historique, on ne peut parler de diamants sans évoquer l’Inde, le Brésil et l’Afrique.
L’Inde est le berceau du diamant. En particulier, les mythiques mines de Golconde d’où sont issus les plus anciens et les plus beaux diamants. Les empereurs moghols accumulaient massivement les diamants qui en étaient extraits et les maharajahs qui les suivirent s’en parèrent ostentatoirement durant quelques décennies. Rappelons que c’est en Inde que Jean-Baptiste Tavernier acquit pour Louis XIV le merveilleux diamant Bleu de la Couronne de France, aujourd’hui retaillé et baptisé le Hope. C’est aussi d’Inde que provient le Régent, considéré comme le plus beau diamant historique du monde.
Au Brésil, les gisements ont été trouvés vers 1725 au moment où les mines indiennes commençaient à s’épuiser. Les gisements brésiliens continuent à faire rêver de nombreux chasseurs de gemmes. En 1938, deux « garimpeiros » (chasseurs d’or) ont découvert dans les alluvions du Rio San Antonio dans le district de Coromandel, un énorme diamant brut de 726 carats qui fut taillé en 29 pierres et dont est issu le célèbre « Président Vargas » un des plus gros diamants du monde : 44,17 carats, de couleur D et de type IIa (nous allons revenir sur la signification de ce type un peu plus bas)
En Afrique, la découverte des premiers gisements de diamants s’est faite en Afrique du Sud. Le premier diamant trouvé en 1866 fut appelé « Eureka »
mais c’est « L’étoile de l’Afrique du Sud », un diamant brut de 83,5 carat découvert en 1869 par un berger Griqua, qui a déclenché la première ruée vers le diamant.
La découverte de ces mines africaines a permis de comprendre que les diamants proviennent des cheminées des volcans par lesquelles ils sont remontés. Leur extraction ne se fait plus seulement dans des gisements de surfaces mais s’effectue principalement dans des gisements primaires (pipes kimberlitiques) à ciel ouvert (carrière) ou en souterrain. Il faut traiter en moyenne 200 tonnes de roches pour trouver un carat de diamant…
La découverte de ces gisements à la fin du XIXème siècle a amené la fondation du groupe De Beers qui a longtemps dominé le marché mondial du diamant et instauré un des cartels les plus longs de l’histoire récente.
Les sous-sols de l’Afrique du Centre et du Sud sont riches et de nos jours d’importants gisements de diamants sont exploités au Botswana, en Angola, au Congo, en Namibie et toujours, en Afrique du Sud..
Aujourd’hui, la plupart des autres grandes mines hors Afrique se trouvent en Russie où d’importants gisements ont été découverts dans les années 1950, en Australie et aussi, depuis 1999, au Canada qui est devenu le nouvel Eldorado du diamant.
Les centres de taille des diamants se sont internationalisés. La taille des gemmes se fait non plus seulement à Anvers, New York ou en Israël, mais généralement en Inde, en Chine ou en Afrique du Sud.
Dans les coulisses des diamants de couleur
Dans son article publié dans la revue de l’AFG (n°185) sur la couleur des diamants naturels et intitulé « De la beauté des défauts », Eloïse Gaillou explique que le diamant est par nature incolore mais qu’il n’est cependant jamais composé à 100% d’atomes de carbone. C’est-à-dire que même incolore, il comprend des « défauts » qui sont « des atomes manquants ou traces d’azote ou d’hydrogène ». Lorsque ces atomes autres que le carbone sont « présents en arrangement atomique et concentration spécifiques, ces composants mineurs peuvent causer une absorption de lumière visible, donnant naissance à de la couleur ». D’une manière générale, l’absorption sélective de certaines longueurs d’ondes du visible, et donc la transmission de celles qui ne sont pas absorbées, provoquent les couleurs dans les gemmes. La couleur perçue est le complémentaire de la lumière absorbée.
Deux types de diamants sont aujourd’hui différenciés afin de rendre compte de leurs principales propriétés physiques (décelables en spectrométrie infra-rouge). Cette classification permet aussi de comprendre l’origine de la couleur et a bien évidemment une influence sur le prix, puisque cette classification permet de déterminer la rareté des diamants.
Les diamants de type I : contiennent de l’azote
Diamant type Ia : petits groupes d’azote qui se substituent au carbone.
98% des diamants appartiennent à ce groupe et sont généralement incolores, jaunes ou bruns.
Diamant type Ib : atome d’azote isolé qui se substitue à un atome de carbone pour 0,1% . Rare.
Seulement 1% des diamants sont de type Ib et leur couleur varie du jaune, au jaune intense et à l’orange.
Il existe également des sous-catégories IaA et IaB, ainsi que des
Diamants type IaAB qui présentent à la fois des agrégats d’azote A et B.
Et les diamants de type II : Il n’y a pas d’azote détecté en spectrométrie infrarouge dans les diamants de cette catégorie. Ceux sont les diamants les plus purs, de structure parfaite.
Diamant type IIa, Très rare.
Seulement 0,8% des diamants appartiennent à ce groupe et sont généralement incolores, rose, violet, vert, brun.
Diamant type IIb (contenant du bore). Extrêmement rare,
0,2% des diamants appartiennent à cette catégorie,
Leur couleur varie du bleu au gris.
Les diamants de couleur sont très rares. Il faut savoir qu’en moyenne on trouve un diamant de couleur pour dix mille diamants incolores (source GIA). Toutes les couleurs existent dans le diamant. Et selon la beauté, l’intensité et la rareté de la couleur, la valeur de la gemme diffère.
La « couleur » est ainsi le critère d’évaluation premier du diamant de couleur prenant le pas sur les trois autres « C ».
Si la couleur des diamants incolores s’évalue entre les lettres D et Z (D étant le summum et Z la plus mauvaise teinte, entre jaunâtre et brunâtre), pour ce qui est des diamants de couleur, c’est exactement l’inverse! Plus la couleur est intense, plus beau est le diamant.
Les diamants de couleur que l’on rencontre le plus – et qui sont ceux qui plaisent souvent le moins – sont les diamants bruns, puis les jaunes. Dans les années 1980, les diamants bruns n’intéressaient encore personne et servaient principalement à l’industrie. C’est grâce à une excellente campagne marketing menée dans les années 1990 par la mine d’Argyle en Australie (où 70% des diamants extraits sont bruns!) que ces diamants sont devenus à la mode. Ils sont vendus sous le nom de diamants « cognac » ou « champagne ». La mine d’Argyle produit toujours des diamants bruns mais elle est principalement célèbre pour ses diamants roses.
Les diamants les plus rares sont les diamants orange, vert, violet et rouges. Les plus recherchés sont les roses, les bleus et les rouges. Les rouges, très rares, se caractérisent généralement par leur petite taille.
Les diamants de couleur spéciale « Fancy Color »sont classés selon neuf degrés de teinte, la couleur la plus recherchée étant « fancy vivid » :
Faint
Very Light
Light
Fancy Light
Fancy
Fancy Intense
Fancy Vivid
Fancy Deep
Fancy Dark
La gradation de la couleur d’un diamant s’effectue autour de trois critères fondamentaux : la teinte (couleur de la gemme), le ton (se réfère au degré de clarté, de luminosité de la gemme, de clair à foncée) et la saturation (décrit l’intensité ou la vivacité de la couleur).
Les provenances historiques et actuelles les plus connues de diamants de couleur sont l’Inde, l’Afrique du Sud et l’ Australie. D’autres sites miniers de diamants, dont le Brésil, le Venezuela, la Guyane, et l’Indonésie, produisent également des diamants de couleur.
Pour aller plus loin :
Dossier « De la beauté des défauts : couleur des diamants naturels, Eloïse Gaillou, George R.Rossman. Revue de l’Association Française de Gemmologie N°185. Septembre 2013
Musée de Minéralogie de l’Ecole des Mines
60 boulevard Saint Michel. 75006 Paris
Ouvert : Mardi – vendredi : 13h30 – 18h
Samedi : 10h – 12h30 et 14h – 17h
Je remercie Eloïse GAILLOU, Conservatrice adjointe du Musée de Minéralogie, pour son aide au sujet de la géologie du diamant ainsi que sur l’origine des couleurs dans les « fancy diamonds ».
Collection Printemps-Eté 2016 des diamants de couleur chez Sotheby’s et Christie’s
Bleu comme… l' »Oppenheimer Blue »
Ce diamant de 14,62 carats faisait partie de la collection du célèbre diamantaire londonien Sir Philip Oppenheimer dont il tire son nom. Sir Oppenheimer (1911-1995) a contrôlé pendant un demi-siècle le marché mondial du diamant via la société De Beers.
Ce diamant provient de la mine Cullinan (anciennement nommée mine Premier), en Afrique du Sud, là où en 1905 le plus gros diamant brut du monde « Le Cullinan », pesant 3106 carats, avait été découvert.
Si la couleur du diamant n’est pas due à son origine géographique ni géologique, néanmoins, la Mine du diamant Cullinan est l’une des plus importantes sources de diamants bleus dans le monde.
L’origine de la couleur bleu dans le diamant s’explique par la présence d’atomes de bore qui se substituent aux atomes de carbone. Il suffirait même d’un seul atome de Bore face à des millions d’atomes de carbone pour que la pierre se colore en bleu. L’intensité de la couleur dépend intrinsèquement de la concentration d’atomes de Bore. L’ « Oppenheimer Blue » est caractéristique du type IIb.
Classé « fancy vivid », ce diamant est de la couleur la plus recherchée pour les diamants bleus. Il est d’un bleu intense, vif, absolument remarquable. Le Gemological Institute of America a vu passer dans ses laboratoires 462 diamants bleus : seuls 1% d’entres eux étaient des « fancy vivid ». Et quand on ajoute que les diamants bleus représentent environ 0,0001% des diamants du monde, alors le prix stratosphérique atteint par le Oppenheimer Blue paraît presque… compréhensible.
La maison Christie’s, fondée en 1766 par James Christie’s fête cette année son 250ème anniversaire. Elle s’est montrée fière, lors de cette vente de l’Oppenheimer Blue, de rappeler les autres diamants bleus de prestige passés sous son marteau depuis 150 ans : en 1864, the « Idol’s Eye » de 70,21 carats, en 1931 le « Wittelsbach » de 35,56 carats, en 1984 le « Tereschenko » de 42,92 carats, en 1995 le « Begum Blu » de 13,78 carats et en 2008 le « Wittelsbach » de 35,56 carats.
Brun comme… un diamant anonyme
Le brun est la couleur la plus commune pour le diamant. Comme nous l’avons vu précédemment, c’est une teinte qui est appréciée depuis quelques années seulement, grâce à la campagne marketing orchestrée dans les années 80 par la mine d’Argyle d’où sont extraits nombre de ces diamants bruns. Dans le diamant, le brun se présente rarement pur.
Ainsi cette bague (lot 176) a été classée « Fancy Deep Brown- Yellow colour », mélange entre deux couleurs le brun et le jaune. Sa valeur est moins élevée que celle des autres diamants de couleur présentés au Four Seasons Hôtel des Bergues. Estimée entre 22 000 et 32 000 dollars, cette bague a été acquise pour le double de son estimation haute soit 61,231$.
Quelle est la cause de la couleur du diamant brun? « C’est la combinaison de nombreux facteurs qui donne la couleur brune » explique Eloïse Gaillou. Ce n’est pas un élément chimique en particulier qui donne la couleur brune « Il n’y a pas d’absorption dans tel endroit du spectre ni dans tel autre. Toutes les couleurs sont plus ou moins absorbées ».
La couleur est engendrée par une déformation plastique du minéral dans le manteau terrestre. Cette déformation plastique induit des trous dans la structure atomique du diamant. Ainsi, le diamant subit des contraintes qui le déforment mais ne le cassent pas. Ces trous induisent une absorption qui donne la couleur brune. La couleur est donc créée après la croissance du diamant et avant qu’il ne remonte à la surface.
En gemmologie, on parle de « graining » pour illustrer ces phénomènes de tension que l’on constate dans le diamant et qui s’expriment en des lamelles de couleur dans la structure cristalline de la pierre.
Orange vif-jaune comme… « The Oriental Sunrise »
Cet appairage de diamants ovales intensément colorés est exceptionnel et constituait un des attraits majeurs de la vente de Christie’s.
Si 98% des diamants sont de type Ia , seulement 1% appartiennent au type Ib. Ce qui est le cas des deux diamants composants ce lot. Leur couleur est due à la présence d’atomes d’azote isolés. Ces diamants sont très rares dans la nature explique Eloïse Gaillou car « l’azote a tendance à migrer et à s’agréger au cours du temps », ce qui signifie concrètement que ce sont des diamants « jeunes », de soixante millions d’années peut-être, comparés à leurs aînés qui ont un milliard d’années sinon plus!
L’appairage de ces deux diamants constitue une rareté. Les pierres possèdent les mêmes propriétés chimiques et sont assorties aussi par leur couleur, leur taille et leur poids. Le premier diamant de 12.20 ct, est classé « Fancy Vivid » de couleur orange-jaune et de pureté VVS2.
Le Gemological Institute of America (GIA) classe aussi en « Fancy Vivid » de couleur orange-jaune le second diamant de 11,96 carats et de pureté VS1.
Estimé entre 9 500 000 et 12 500 000 dollars, « The Oriental Sunrise » a été acquis pour 11 598 087 dollars.
Rose comme… le « Unique Pink »
Parmi tous les diamants de couleur évalués par le GIA chaque année, à peine 5% sont de couleur rose et une infime proportion de ces derniers est classée « Vivid ». Le Unique Pink est d’une couleur aussi rare que recherchée.
Ce diamant provient d’une mine d’Afrique du Sud où il a été découvert il y a presque cinq ans. Il a été taillé, poli et mis en vente par la société Cora International LLC, une des entreprises leader mondiale spécialisée dans la taille de gemmes importantes. Forme et taille font parfaitement ressortir l’intensité du rose. Ehud Laniado, président de Cora International a déclaré: « Au cours des onze dernières années, les diamants roses ont augmenté en valeur de plus de 350 pour cent. Par comparaison, l’or a augmenté d’un peu plus de 160 pour cent, selon la Fondation pour la recherche Fancy Color « .
Le « Unique Pink » est de type IIa, qui révèle généralement des diamants de transparence et de pureté exceptionnelles. Un extrait de la monographie du GIA montre que dans une précédente analyse, sur 1490 diamants roses étudiés, 1166 étaient de type I et 324 étaient de type II.
Quelle est l’origine de ce rose vif ? Pour les diamants de type IIa, il y a deux possibilités explique Eloïse Gaillou dans son article « De la beauté des défauts : couleur des diamants naturels » (revue de l’AFG n°185). Soit ils sont colorés par de la déformation plastique, soit la couleur provient de l’absorption des centres NV qui impliquent un atome d’azote associé à une lacune (une lacune représente l’absence d’un atome de carbone). Mes compétences en physique ne me permettant pas de vous en dire plus, n’hésitez pas à consulter la thèse de Frédéric Moutier , en particulier le chapitre III consacrée à l’étude d’une collection de diamants.
Ainsi, la couleur la plus rare, le type le plus pur et un poids de 15,38 carats justifient le nom de « the Unique Pink » et son record de prix chez Sotheby’s.
Rouge comme… l' »Argyle Cardinal »
Il n’y avait pas de diamants rouge à Genève cette saison, néanmoins voici un diamant passé aux enchères il y a un an et demi, d’une grande beauté et dont le prix très élevé a été tenu secret.
Tout d’abord, il faut savoir que le Gemological Institute of America recense moins de trente diamants rouges dans le monde, Pour l’anecdote, le laboratoire n’en a eu aucun à analyser entre 1957 et 1987. Dire que le diamant rouge est rare est presque un euphémisme!
Le groupe minier anglo-australien Rio Tinto proposait lors de sa vente annuelle en octobre 2014 cinquante-et-un diamants roses et pourpres et quatre rouges rarissimes, extraits de sa mine d’Argyle, en Australie.
Cette mine produit plus de 90% des diamants roses connus dans le monde.
La pièce-maîtresse de la vente était le magnifique « Argyle Cardinal » de 1,21 carat, qui tient son nom d’un passereau d’Amérique du Nord. La photo fait paraître le diamant plus important qu’il n’est vraiment. Tout comme les diamants rouges sont rarissimes, leur poids ne dépasse que très rarement le carat.
La couleur rouge est assimilée à un rose très intense. Elle a donc pour origine une déformation plastique postérieure à la croissance du diamant.
Ce diamant rouge a été acheté par Glenn Bakker pour un montant non divulgué.
Quant au plus gros diamant rouge jamais extrait de la mine, il s’agit de l’ « Argyle Phoenix » de 1,56 carat, acquis pour plus de 2 millions de dollars en octobre 2013 par un joaillier de Singapour.
Vert comme… « The Aurora Green »
C’est le diamant star de la vente Christie’s prévue à Hong-Kong ce 31 mai 2016 et qui était présenté à Genève en avant-première. L' »Aurora Green » est un diamant vert vif classé « fancy vivid » de 5,03 carats. C’est le plus grand diamant vert naturel présenté à ce jour dans une vente aux enchères.
La couleur verte dans les diamants provient d’une irradiation naturelle – ou pas! En effet, des diamants verts de synthèse peuvent être obtenus en laboratoire. Souvent, les diamants verts contiennent une couleur jaunâtre, brunâtre ou grisâtre quand ils ne voient pas leur couleur concentrée uniquement sur la surface. La couleur verte tend alors à disparaître lors de la taille de ces diamants. Les diamants verts naturels purs sont très recherchés et leur valeur est proportionnelle à l’intensité de leur saturation.
Le plus célèbre diamant vert du monde est le « Vert de Dresde« , diamant historique de 41 carats, de type IIa, taillée en poire, de couleur « fancy green ». Il proviendrait des mines de Golconde et avait été acheté en 1741 par l’Electeur de Saxe Frédéric-Auguste II. Ce diamant est aujourd’hui visible dans le Musée de la Voûte Verte à Dresde.
La monture en or rose du Aurora Green est sertie de vingt diamants roses de taille brillant et a été commanditée par la maison Christie’s. Le rose fait ressortir sa couleur complémentaire le vert. La bague est de petite taille. Cette bague correspond parfaitement aux attentes du marché asiatique.
The Aurora Green est estimé entre 16 000000 et 20 000000 dollars US.
Il a été vendu 16,8 millions, atteignant ainsi un prix record pour un diamant vert – soit 3,343,733 $ le carat. Le « Aurora Green » a attiré 197 acheteurs provenant de dix-neufs pays et des cinq continents! L’acquéreur de ce diamant est Chow Tai Fook Jewellery Co LTD.
Les diamants de couleur, on l’aura compris, occupent aujourd’hui le premier rang sur le marché du diamant. Le facteur gemmologique est évidemment essentiel (rareté, pureté, etc.) mais entrent en ligne de compte également des préférences esthétiques selon les régions du monde, et même des effets de mode, si l’on songe aux diamants bruns. D’autres ventes de diamants de couleurs offriront sans doute de nouveaux records car leur rareté grandit. En outre, dans un monde de taux très bas ou nuls, investir dans un diamant rare reste un placement incroyablement attractif et rentable. Le tout est de pouvoir se le permettre !
Pour aller plus loin :
Diamant, voyage au cœur d’une obsession de Matthew Hart. Léméac/Actes Sud
François Farges & Thierry Piantanida, Le Diamant Bleu, Michel Lafon (octobre 2010).
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Remerciements à Catherine Allen chez Sotheby’s et Marie-Cécile Cisamolo chez Christie’s.