L’Age d’or des Maharajahs

[section_title title= »Cartier : des bijoux traditionnels transformés en bijoux modernes »]

Le « collier de Patiala », un chef-d’oeuvre signé Cartier

Bhupindar Singh, maharajah de Patiala, est un des éminents représentants de la fascination des princes indiens pour le mode de vie occidental. Régnant sur l’État princier de Patiala (Pendjab) de 1900 à 1938, il fut un joueur émérite de cricket, qu’il apprit lors de ses études à Aitchison College (Lahore, Pakistan). Il fut aussi le premier Indien à posséder une voiture et un avion. Autre fait marquant : il fut l’un des rares maharajahs à passer commande à Paris, en un temps où les princes faisaient leurs achats de bijoux à Londres – Empire britannique oblige.

La maison Cartier avait tissé très tôt des liens avec l’Inde des maharajahs. Dès 1911, Jacques Cartier, responsable de la branche londonienne de la maison, se rendit en Inde pour acheter des pierres et rencontrer des clients parmi cette population si particulière et prestigieuse des princes indiens.

En 1925, Sir Bhupindra Singh dépose une commande historique : il confie à Cartier plusieurs milliers de pierres à sertir. Lorsque cette commande fut honorée, sa remise donna lieu à une grande présentation dans la boutique de la rue de la Paix.  La splendeur des principales pièces réalisées contribuera à asseoir la réputation d’excellence de la maison Cartier,

Lors de l’exposition, Cartier, le style et l’histoire organisée par la RMN-Grand Palais (décembre 2013-février 2014), était présentée une version restaurée de ce que fut l’extraordinaire collier de cérémonie réalisé en 1928, dit le « collier de Patiala ».

Le maharajah de Yadavindra Singh de Patiala porte un collier de cérémonie créé par Cartier en 1928 pour son père Bhupinder Singh. Au centre de ce collier se trouve un extraordinaire diamant jaune de Beers de 234, 65 carats. remarquez aussi le collier ras-de-cou ou guluband,en platine et diamant qui complète le collier de cérémonie. crédit photo : Cartier.
Crédit photo : Cartier

Il était composé de cinq chaînes de taille croissante serties de 2930 diamants (soit 962,25 carats), du fameux diamant jaune appelé le « De Beers » et de plusieurs rubis birmans. Le De Beers avait été découvert en mars 1888 dans les mines de Kimberley en Afrique du Sud : brut, il pesait 428,5 carats! Taillé très probablement à Amsterdam comme la majorité des diamants provenant d’Afrique du Sud à cette époque, il est de taille coussin et pèse 234,65 carats. C’est le deuxième plus grand diamant jaune taillé et le septième plus grand diamant du monde!
Avant d’être acquis par le maharajah, il avait été présenté à l’Exposition universelle de 1889.

Le collier ras-de-cou du Maharajah de Patiala et le collier de cérémonie reconstitué par Cartier. Vue de l’exposition Joyaux de la collection Al Thani 2017 © Rmn-Grand Palais / Photo Didier Plowy

En 1948, suite à la chute du Raj et à l’indépendance de l’Inde, ce collier disparut et demeura introuvable. C’est en 1998 que la maison Cartier eut l’étonnante opportunité de le racheter : il était passé entre les mains d’un marchand anglais.  Certes, il avait été en partie démantelé, il y manquait les sept plus importants diamants, dont le fameux De Beers…

Le 6 mai 1982, le De Beers réapparu mystérieusement dans une vente aux enchères chez Sotheby’s à Genève. Il était alors estimé 4,5 millions de dollars mais ne fut vendu « que » 3,16 millions. On ne l’a pas revu depuis.

En cliquant sur ce lien « les secrets de Cartier », vous pourrez retrouver les principales pièces de cette exposition. Y figure notamment le collier de cérémonie du maharajah de Patiala reconstitué dans les ateliers Cartier au prix de trois longues années de travail. Pour redonner tout son éclat au collier, on recourut aux pierres de synthèse. C’est certain pour les rubis. Et les sources divergent quant au diamant jaune : citrine ou oxyde de zirconium (ou CZ/cubic zirconia), un cristal synthétique qui imite extrêmement bien le diamant. (Le collier est présenté entre les minutes 11’25 et 13’43 du film). Aussi, sur ces archives Cartier, on peut suivre l’historique de cette reconstitution spectaculaire.

« Le collier de la Maharani de Patiala »

Si l’émeraude demeure la pierre préférée des maharajahs, le rubis est très présent dans les parures de ces derniers, y compris dans les bijoux pour femmes.Les rubis birmans font partie des gemmes les plus précieuses et les plus rares au monde. Rouge intense légèrement teinté de rose, les perles de rubis du collier de la Maharani illustrent ce qui est la couleur la plus recherchée : « sang de pigeon »

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Guluband ou ras-de-cou en rubis, diamants et perles montés sur platine. H. 2,2 cm; L. 33,3 cm. Créé par Cartier en 1931 pour la Maharani de Patiala. Restauré en 2012 conformément au modèle d’origine par Cartier Tradition, Genève 2012. Collection Al Thani. Tous droits réservés. Photo Prudence Cuming.
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La Maharani Bakhtawar Kaur Sahiba portant les tours de cou en rubis Cartier, dont le chocker (détail), 1931. Courtesy of National Portrait Gallery, London
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Le Maharajah de Patiala entouré de femmes de sa famille. On reconnait la Maharani à ses colliers de rubis. Photo Vandyk, 1931. Courtesy of National Portrait Gallery, London

« Le collier du maharajah de Nawanagar »

Un autre remarquable collier de cérémonie fut réalisé au temps de Jacques Cartier, celui du Maharajah de Nawanagar (1872-1933), lui aussi grand joueur de cricket au tournant du siècle.

Dessin du collier du Maharajah de Nawanagar. Crédit photo : Cartier

Lorsqu’il passa commande, le maharajah de Nawanagar venait de s’offrir le diamant « Reine de Hollande ». Ce diamant blanc avec une teinte de bleu, de taille coussin et pesant aujourd’hui 136,25 carats  doit son nom à Wilhelmine, qui fut reine des Pays-Bas de 1890 à 1948.  Il est très probable qu’il trouve son origine dans les gisements d’Afrique du Sud, ancienne colonie néerlandaise. Certains spécialistes estiment cependant qu’il s’agit d’un diamant de Golconde étant donné son extrême qualité – couleur D, pureté IF (c’est-à-dire sans défaut) – et sa légère teinte bleutée. En 1930, Albert Monnickendam, auteur de The Magic of Diamonds, examina le diamant à la demande du maharajah et trouva de fortes similitudes entre le diamant « Reine de Hollande » et « Le Régent » .

Le collier réalisé par Cartier en 1931, a été conçu comme un mélange de deux cultures, celle de son commanditaire et celle du joaillier. La culture indienne se caractérise par les cascades de pierres précieuses parmi lesquelles on trouve plusieurs diamants de couleurs (cinq roses, un bleu, un blanc, et un vert-olive de 12,86 carats) ; la culture européenne se manifeste, elle, par une certaine symétrie dans la composition.

Le collier de cérémonie serait resté entre les mains de la famille du Maharajah de Nawanagar jusque dans les années 1960, puis aurait été racheté par Cartier à Londres.  Aujourd’hui le « Reine de Hollande » a été légèrement retaillé et pèse 135,92 carats. Il fait partie de la prestigieuse collection de diamant de Robert Mouawad*

*Si vous allez consulter le site de Robert Mouawad, regardez aussi les boucles d’oreilles « Indore Pearls ». Deux diamants de Golconde exceptionnels, taillés en poire, qui furent acquis début 1910 par le Maharajah Tukoji Rao Holkar III d’Indore et revendues par ce dernier en 1946 à Harry Winston qui les fit retailler en 44,62 et 44,18 carats.

Cartier, le style et l’histoire, 2013, les Editions Rmn-Grand Palais.