Jacques Lenfant : inventeur du bijou optico-cinétique

[section_title title= »Vasarely et l’invention de l’art optico-cinétique »]

Zèbres-A, 1938. Encre de Chine et huile sur papier, 48,7 x 59,8 cm Collection particulière, en dépôt à la Fondation Vasarely, Aix-en-Provence Photo © Fabrice Lepeltier © Adagp, Paris, 2018

« L’avenir nous réserve le bonheur en la nouvelle beauté plastique mouvante et émouvante ». C’est en ces termes que Victor Vasarely conclut ses Notes pour un manifeste publié à l’occasion de l’exposition de la galerie Denise René intitulée « Le Mouvement » (Paris, 1955). En tant qu’auteur du manifeste, il est considéré comme le « père » de l’art cinétique, du grec kinesis, qui signifie « mouvement, moteur ». Héritier des avant-gardes, l’art cinétique est adoubé par Marcel Duchamp et Alexander Calder qui participent à l’exposition aux côtés de Vasarely, Jesus Rafael Soto, Yaacov Agam, Robert Jacobsen, Pol Bury et Jean Tinguely.

Oerveng, du portfolio Progression 3, 1974 Poster offset, 41 x 41 cm
Éditions du Griffon, Neuchâtel
© Editions du Griffon, Neuchâtel
© Adagp, Paris, 2018

Issu de l’abstraction géométrique, l’art cinétique cherche à mettre en valeur l’esthétique du mouvement. Les principes de l’art cinétique associent les fondamentaux de l’art abstrait comme la « composition pure » et la « forme-couleur » aux principes de la perspective qui induisent le mouvement et la durée. Pour Vasarely, l’essentiel est « l’unité plastique » à la fois physique et métaphysique. Il introduit aussi la notion de « produit d’art » qui apparaît comme la condition de l’expansion de l’art à tous les domaines de la vie, de « l’agréable objet utilitaire » à « l’art pour l’art », du « bon goût » au « transcendant ». L’ensemble des activités plastiques s’inscrit dans une vaste perspective (arts décoratifs, mode, publicité, propagande par l’image,…).

Vega, 1956 Huile sur toile, 130 x 195 cm Collection particulière, Belgique Photo © Centre Pompidou / Philippe Migeat © Adagp, Paris, 2018

Dans les années 1950, Vasarely réduit son langage visuel au noir et blanc et travaille sur les potentialités de déformation de la grille de la perspective afin de provoquer des effets de dilatation et de rétractation de l’espace. A l’origine de la série des « Vega » se trouve le carré, mais c’est un carré en mouvement, conjugué avec l’ellipse. Les formes géométriques constituent l’essence de son vocabulaire plastique mais elles doivent être dynamiques. Par ces choix, Vasarely propose non seulement une interprétation moderne du trompe-l’œil et de l’anamorphose, mais surtout il cherche à traduire l’énergie des ondes et des particules qui anime l’univers, ce qui existe physiquement mais qu’on ne voit pas. Il est en train d’inventer l’ « Op art ».

Ondho, 1956-60, MoMA, NY

Le terme d’ « Op art », abréviation de « optical art », est utilisé pour la première fois dans un article anonyme du magazine Time en 1964. Il définit les œuvres d’art qui utilisent les illusions d’optique dans la relation au spectateur. En 1965, ce mouvement atteint la reconnaissance internationale grâce à une exposition du MoMA de New York : « The Responsive Eye » (l’œil réceptif) à laquelle participe Vasarely. Le commissaire de l’exposition, William G. Seitz, explique : « Ces œuvres existent moins comme objets à examiner que comme des générateurs de réponses perceptuelles dans l’œil et l’esprit du spectateur ».

Vonal Zold, 1968
Acrylique sur toile, 180 x 180 cm
Collection particulière
Photo © Editions du Griffon, Sully Balmassière © Adagp, Paris, 2018

Dans les années 1960, Vasarely revient à la couleur et met au point un vocabulaire visuel basique qu’il veut universel et qu’il appelle « unité plastique ». Ce terme désigne l’inscription d’une forme géométrique dans une autre de couleur contrastée. La combinatoire des formes et des couleurs est infinie. Son ambition est de l’étendre à tous les « produits d’art », c’est-à-dire à tous les domaines des arts et de la culture visuelle. Le succès populaire est immense.

Oerveng Cosmos, 1982
Sérigraphie éditée à l’occasion du premier vol spatial habité franco-soviétique Saliout 7, en juin 1982,
et signée par les astronautes Vladimir Djanibekov,
Alexei Ivantchenkov, Jean-Loup Chrétien, 46,2 x 28,4 cm Édition 119/500
Fondation Vasarely, Aix-en-Provence
Photo © Centre Pompidou / Philippe Migeat
© Adagp, Paris, 2018

Dans le domaine du bijou, comment l’art optico-cinétique a-t-il été interprété ?

Jesus Raphael Soto et Pol Bury ont trouvé dans le bijou un medium adéquat alors que Vasarely s’est principalement exprimé à une échelle monumentale, ses trompe-l’œil faisant corps avec l’architecture.

Les seuls bijoux de Vasarely ont été édités avec Circle Fine Art tardivement au milieu des années 1980. Il s’agit du bracelet et des boucles d’oreilles « JOLIE » en argent, nacre et émail noir, édités à 250 exemplaires, dont un ensemble appartient à la collection Diane Venet.

Jolie, vers 1985 Bracelet et boucles d’oreilles “JOLIE“ sont en argent, décorés d’email noir et de nacre. 16 x 4 x 5 cm et 2 x 2.3 x 1 cm. Edition CSA, 113/250 (bracelet) et 34/250 (boucles d’oreilles) Coll. Diane Venet

La relation de Vasarely au bijou a donc été plutôt anecdotique. Par contre, les principes de son vocabulaire visuel ont profondément inspiré l’un des bijoutiers les plus importants du XXe siècle : Jacques Lenfant.