Toutânkhamon, le trésor du pharaon. Les métaux précieux
L’Egypte antique, une passion française vieille de plus de deux siècles
L’exposition d’envergure internationale intitulée « Toutânkhamon, le trésor du pharaon » qui ouvre ces jours-ci ses portes à la Grande Halle de La Villette jusqu’au 15 septembre 2019 est un nouveau témoignage de la passion française pour l’Egypte antique. Rappelons-nous : en 1967, « l’exposition du siècle » intitulée « Toutankhamon et son temps » qui présentait 45 objets avait drainé plus de 1,2 million de visiteurs au Petit Palais. Moins de dix ans après, en 1976, l’exposition sur Ramsès II au Grand Palais vint entretenir cette fascination du public français pour l’Egypte antique. Bien entendu, ce goût reconnu des français pour l’Egypte pharaonique remonte plus loin encore : aux expéditions de Bonaparte en Égypte entre 1798 et 1801, au livre de souvenirs Voyage dans la Haute et la Basse Égypte de Vivant Denon en 1802, à Jean-François Champollion qui en 1822 résolut l’énigme de l’écriture et de la langue pharaoniques.
L’exposition de la Villette s’organise autour d’un épisode fameux et romanesque : la découverte de la fameuse soixante-deuxième tombe trouvée dans la Vallée des Rois (KV62) par Howard Carter et Lord Carnavon.
Le visiteur est d’abord invité à approcher au plus près la réalité archéologique avant de découvrir, à travers une sélection de fascinants artefacts, le périple du jeune roi (1336-1326 av. J.-C) vers l’immortalité. Le parcours s’achève sur l’impact de cette découverte auprès de la communauté scientifique et du grand public. Présentés à Los Angeles l’année passée, à Paris et Londres en 2019-2020, puis dans d’autres villes par la suite, les objets du pharaon seront installés de façon permanente au Grand Musée Égyptien de Gizeh courant 2022. L’année 2022 marquera également le bi-centenaire du déchiffrement des hiéroglyphes et le centenaire de la découverte du tombeau de Toutankhamon.
A l’heure où une légitime « Toutankhamon-mania » s’empare des médias, nous nous concentrerons ici sur les pierres gemmes et les métaux précieux qui véhiculent symboles cosmiques, imaginaire religieux, mais revêtent aussi un sens politique.

Au Grand Musée Egyptien, c’est l’intégralité du contenu du tombeau de Toutankhamon, soit 5398 objets, qui sera exposée. A Paris, c’est un corpus exceptionnel de 150 œuvres, dont une grande partie n’a jamais voyagé hors d’Égypte auparavant, que l’on peut admirer : Naos en bois doré présentant des scènes de Toutankhamon et de son épouse Ankhésenamon, cercueil miniature canope et statues à l’effigie du roi, lit funéraire en bois doré, chapelles en bois doré, sièges, coffres, bouclier cérémoniel, dagues et arcs, trompettes en argent, gants en lin brodés de soie etc… des objets d’apparat, mais aussi des objets de la vie quotidienne du défunt, qui tous traduisent à la fois l’opulence des tombes de la Vallée des rois, et la prospérité qui régna sous le Nouvel Empire (1550-1069 av. J.-C).

« … as my eyes grew accustomed to the light, details of the room within emerged slowly from the mist, strange animals, statues, and gold – everywhere the glint of gold« . In The Tomb of Tut-Ankh-Amen, discovered by the late Earl of Carnavon and Howard Carter, H.Carter & A.C.Mace, 1923-1933.
« … Alors que mes yeux s’habituaient à la lumière, des détails de la pièce émergeaient lentement de la pénombre, des animaux étranges, des statues et de l’or – partout la lueur d’or ». H. Carter

Un trésor d’un luxe inouï : des kilos d’or et de pierres de couleur
La momie de Toutankhamon, révélée en 1925 reposait dans un cercueil d’or de 110kg… Et plus d’une centaine de pièces d’orfèvrerie décoraient la momie! Les experts estiment qu’il nous reste environ 40% des bijoux du pharaon, conséquence des deux pillages qui eurent lieu dans l’hypogée après sa fermeture – c’est dire l’éblouissante richesse de cette tombe.

La possession de pierres gemmes et de métaux précieux était l’apanage des dieux, et des pharaons. Colliers, bagues, bracelets, diadème, boucles d’oreilles, emblèmes royaux, masque funéraire en or (de près de 11kg), sandales d’or, amulettes protectrices forment un ensemble d’une très grande beauté et d’un faste inouï.
Pourtant, ce n’est pas là l’essentiel. L’usage des pierres gemmes ou de leur substitut, celui des minéraux, des roches et des métaux était extrêmement codé dans l’ancienne Egypte.

Pour les anciens Egyptiens, la valeur de ces objets provenait de la puissante symbolique qui leur était attachée : ils constituaient un gage d’éternité et devaient permettre au défunt de renaître à une vie éternelle.

Les matières précieuses étaient empreintes d’un caractère sacré lié en grande partie à leur couleur originelle. Les principales couleurs qui caractérisent l’Egypte pharaonique sont le jaune, le blanc, le bleu foncé, le bleu clair-vert et le rouge. Cette palette chromatique relativement restreinte unifie l’ensemble des artefacts de Toutankamon.
L’or (jaune), l’argent (blanc), le lapis-lazuli (bleu foncé), la turquoise (bleu clair-verte), la cornaline (rouge) étaient les matériaux précieux les plus prisés de l’Egypte antique et représentaient à eux seuls un monde miniature. Ils symbolisaient dans la pensée égyptienne les divinités, les cycles cosmiques, et l’univers céleste.
Les éléments figuratifs intervenaient également dans la symbolique des objets précieux : figures animales (cobra, vautour, scarabée, panthère, lion); motifs végétaux (lotus, tiges de palmier, feuilles d’olivier, baies, coquelicots, bleuets); scènes de conquêtes, formules hiéroglyphiques… chaque élément de représentation avait un sens propre, une signification précise dont l’objet était d’assurer au roi une survie dans l’au-delà.

Les formes également participaient au salut du pharaon, à sa protection contre les dangers, et à la pérennité de l’ordre cosmique. Ainsi des centaines d’amulettes que l’on retrouve dans le sarcophage d’or du pharaon et qui avaient pour vertus de protéger et d’éloigner le danger, dans la vie terrestre et dans l’au-delà. L’oeil wedjat associé au pouvoir de régénération, à la guérison, les noeuds d’Isis ou « tit », l’oiseau Ba, le scarabée de coeur « kheper » destiné selon l’égyptologue Christine Ziegler à rendre au défunt l’usage de son coeur, non comme organe vital mais comme siège de la pensée, la colonnette de couleur verte « ouadj » symbole de pouvoir et d’autorité etc…

Les croyances égyptiennes, les innombrables analogies, métaphores, et correspondances auxquelles renvoie chaque matériau précieux laissent entrevoir un monde et une pensée d’une incommensurable complexité.
Erik Gonthier, ethno-minéralogiste et paléo-musicologue, maître de conférences au MNHN, passionné par l’Egypte antique, a accepté de nous guider dans cette évocation des métaux les plus précieux au temps de Toutankhamon, mais aussi dans celle des pierres gemmes sacrées, et des quelques roches incontournables dans les arts pharaoniques de l’Antiquité Egyptienne.

visuel de « une » : Le masque funéraire en or de Toutankhamon, chef-d’oeuvre absolu d’orfèvrerie antique. 54 cm de hauteur. Sur le haut du masque se dressent le vautour, Nekhbet, emblème de la Haute-Egypte, et le cobra, Ouadjet, symbole de la Basse-Egypte sur lesquelles régnaient le pharaon. Photo by Hannes Magerstaedt.