Les bijoux de l’Impératrice Eugénie : de l’apogée à la chute
Des extravagances orientales au culte d’une simplicité… relative
Ainsi l’achat de la collection Campana par Napoléon III en 1861 et de son important lot de bijoux antiques entraînent une véritable fièvre étrusque chez les joailliers qui multiplient les pièces inspirées ou copiées d’après les originaux exposés à l’émerveillement de tous au Louvre. Si sa rivale, la comtesse de Castiglione, se fait représenter en reine d’Etrurie , l’impératrice n’est pas en reste et possède broches, bracelets et diadèmes à la manière antique .
L’expédition franco-britannique en Chine en 1860 et le cadeau fait à l’impératrice d’objets provenant du sac de l’ancien palais d’été de Pékin ainsi que les ambassades du Siam et du Japon reçues respectivement en 1861 et 1862 sont le prétexte idéal pour se piquer d’Asie, imposant la mode de l’exotisme et de promesses de voyages lointains. Eugénie commande ainsi chez Mellerio un nouvel éventail entièrement laqué figurant des oiseaux posés sur des branchages en fleurs, le tout en brillants, inspiré des paravents asiatiques .

L’unification des principautés roumaines en 1859, le voyage en Algérie avec l’Empereur en septembre 1860 ou encore la campagne au Mexique en 1861 sont autant d’influences suivies par l’impératrice pour l’élaboration de sa garde robe. Les bals masqués étant remis à la mode, Eugénie n’hésite pas ainsi à s’enticher de parures et costumes turcs ou apparaître en odalisque, laissant libre court à la sensualité, certes maîtrisée, d’une femme épanouie, réfléchie et sûre de son statut.

La Maison Bapst exécute ainsi un croissant de 89 diamants, commandé selon la légende pour un costume de Diane, mais porté fort opportunément par Eugénie lors de l’inauguration du canal de Suez en 1869.

De même Frédéric et Charles Bapst sont chargés en 1864 de la création d’une extravagante ceinture de pierreries d’inspiration orientalisante rassemblant diamants, perles, topazes, améthystes, rubis, saphirs et émeraudes pour un total de 15 000 francs . Une berthe en résille en diamants et pierres d’imitation livrée en 1864, une broche à aiguillettes en diamants et une imposante plaque de ceinture figurant une rosace en brillants d’inspiration mauresque en 1868 relèvent du même goût.
Ménageant l’aspect spectaculaire de ses apparitions, Eugénie va jusqu’à faire exécuter par Bapst, pour un bal au ministère de la Marine en 1866, une chaîne de 32 maillons entièrement composée de 832 brillants et supportant à chaque extrémité une broche de diamants en forme d’ancre .
Tout cela est bien entendu d’un luxe inouï et quelque peu tapageur, largement reproché à l’auguste commanditaire, surnommée « Falbala 1ère » ou la « Fée chiffon ».
Paradoxalement Eugénie se fatigue sans doute peu à peu de tant de faste et impose bientôt une certaine simplicité à sa Maison, du moins en privé.
Les diamants de la Couronne restent l’apanage des apparitions officielles qui, telles des pièces de théâtre, rythment l’almanach de la cour. Les parures font partie des « toilettes politiques » , des obligations de la fonction, de l’être et du paraître en tant qu’impératrice des Français et dont d’ailleurs elle n’a même pas la garde, cette tâche revenant au trésorier de l’empereur M. Bure : « Elle était en représentation pour montrer sa robe, ses bijoux. Avec son sens inné de l’élégance, elle s’habillait merveilleusement bien. Le diadème nuisait plutôt à sa beauté, mais il faisait partie du personnage. On détaillait ses joyaux. Portait-elle ce soir le Régent ? » .

Rien de tel donc au quotidien où « l’Impératrice donne elle-même l’exemple d’une grande simplicité et est loin d’exciter ses dames à faire de la toilette » .
Face aux parures officielles somptueuses, fantastiques mais lourdes des Bapst, les commandes privées auprès des joailliers comme Mellerio relèvent de la subtilité, de la finesse et de l’intime, propres à ces instants dévolus à la famille et aux amis lors des réceptions des « Lundis de l’impératrice » ou des fêtes organisées en l’hôtel d’Albe, réservé aux parents espagnols.

Travaillant plusieurs fois pour les diamants de la Couronne, notamment en 1857 en intervenant sur la parure de rubis et en 1861 avec la livraison de deux bracelets à barrettes et plaques pour la parure de perles, Mellerio se spécialise néanmoins dans la livraison à titre personnel de joyaux à l’impératrice, qui y dépense des sommes colossales pour elle et surtout son entourage.
Pas ou peu de pièces exceptionnelles mais une liste presque infinie de petits bijoux tels que bracelets en jarretière, montres-châtelaine , broches végétales de toutes formes, boucles de ceinture , tout un bestiaire de petits animaux et d’insectes en or, diamants ou émail. L’ensemble relève au demeurant d’un goût exquis et relativement sobre : « Je suis bien heureuse que le bracelet t’ait plu, moi je l’ai trouvé charmant car il était simple » .

Par inclination personnelle Eugénie dirige beaucoup de ses achats sur les perles et surtout les émeraudes, dont elle a la passion.
Cette dernière pierre fait malheureusement largement défaut au trésor de la Couronne, un unique diadème, datant également de la Restauration, étant à sa disposition .

L’impératrice se constitue donc une collection personnelle importante, sous la vigilance de sa trésorière la terrible madame « Pepa » Pollet. L’une de ses plus belles acquisitions, exécutée par Eugène Fontenay en 1858, demeure ainsi un diadème en brillants en forme de couronne dont neuf branches présentent des festons ayant au centre de grosses émeraudes en cabochon, lesdits festons pouvant être démontés et remplacés judicieusement par de larges perles .
